12 juillet 2010

Courrier International - Pas bêtes !

Courrier International
Pas bêtes !

Les mœurs étonnantes des animaux


Numéro Hors-série, Juin - Juillet - Août 2009, 100 pages de textes et photos

Un abécédaire de Abeille à Zébu, en 26 lettres et quelque 80 bêtes, un voyage en famille, le tour du monde de nos cousins.

Index

ADN, Affaiblissement, Agressivité, Agrocarburants, Armes high-tech, Assassin, Aversion, Bâtisseurs, Biodiversité, Biotechnologie, Braconniers, Calamité, Camouflage, Capacité reproductive, Centre de réhabilitation, Chant, Charognard, Chasse, Chirurgie, Cirque, Clonage, Collision, Communication, Comportement, Conservation, Contraceptif animal, Coordination motrice, Culture indienne, DARPA, Descendance, Déséquilibres nutritionnels, Disparition, Drogue, Droits des animaux, Dysfonctionnement érectile, Eaux usées, Echolocation, Ecosystème, Elections, Elevage, Emblème, Encéphalite spongiforme bovine (ESB), Environnement, Escobar (Pablo), Espèce envahissante, Espions, Existence, Explosifs, Extinction, Famille, Femelle, Gaz à effet de serre, Génétique, Gilet pare-balles, Hémoglobine modifiée, Hermaphrodite, Irrésistibles, Jurassic Park, Kidnappings, Laboratoire, Liturgie, Maestro, Maladies, Massacre, Mathématiques, Mémoire, Mythes, Nutriments, Obèse, Paludisme, Physionomistes, Pilule, Police, Préservation, Protection, QI, Réchauffement climatique, Reconnaissance faciale, Reins humains, Rut, Sacrifice d'animaux, Similarités psychologiques, Sous-mariniers, Téléphones portables, Trafiquants, Tricherie, Vagabondage sexuel, Ver géant, Viande, Vol à main armée, Zoo, Zoonoses.
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Quelques extraits

Baleines - Maldonne

Observer les baleines dans leur milieu naturel ? Une aventure unique - surtout pour les 80 touristes venus admirer le géant des mers dans les eaux norvégiennes. La baleine a été harponnée sous leurs yeux par des pêcheurs. "Il y avait du sang partout, ce n'était vraiment pas ce qu'on était venus voir", commente Leontien Dieleman, un touriste néerlandais ayant pris place à bord du chalutier d'observation Reine. La Norvège a repris la chasse au cétacé en 1993, malgré le moratoire adopté en 1986 par la Commission baleinière internationale. (Source : Aftenposten, Oslo, 2006)

Hippopotames

./. La rive congolaise se trouve entièrement dans le parc national des Virunga, une zone de 7.800km2 de volcans, couverts de forêts et de savanes dorées, célèbre pour ses gorilles, ses éléphants, ses chimpanzés et ses lions. Selon un recensement effectué en 1974, il y avait 29.178 hippopotames dans l'ensemble du parc. Les chercheurs avaient recensé 9.600 hippopotames dans le seul lac Edouard, dont les eaux se déversent dans la Semliki, une rivière qui se jette ensuite dans le Nil. Un comptage effectué en 2005, en survolant la zone en avion, n'en a trouvé que 683. En 30 ans, la population d'hippopotames a chuté de 93%. ./.

Insectes : Transformer les bestioles en bons petits soldats

./. En 2002, des chercheurs de la DARPA ont démontré qu'ils étaient capables, avec un simple ordinateur portable, de contrôler à distance les mouvements d'un rat grâce aux électrodes implantées dans son cerveau. En 2003 et en 2004, les chercheurs du programme Robolife de la DARPA se sont intéressés aux "capacités des rats, oiseaux et insectes à exécuter pour le compte du ministère de la défense des missions telles que l'exploration de grottes ou la pose clandestine de capteurs".
Ce n'est pas une idée nouvelle : durant la Seconde Guerre mondiale, le projet X-Ray prévoyait d'armer des chauves-souris. Bardées d'explosifs, celles-ci se retournèrent contre leurs maîtres et mirent le feu à un aérodrome militaire américain !
Pauvre nature ! Quel espoir lui reste t-il face à un budget de la Défense qui s'élève à plus de 400 milliards de dollars ? Que peut-elle faire quand le principal objectif des scientifiques chargés de l'étudier est de trouver le moyen d'armer ses rejetons. Sous les auspices de la DARPA, les sciences de la vie sont devenues un terrain fertile pour faire avancer la science de la mort et de la destruction. Elles doivent profiter au Pentagone dans la course qu'il a entreprise pour que le prochain Saddam Hussein puisse être, selon les termes du général de division Raymond Odierno, "piégé comme un rat".

Tigres - Les parcs nationaux, des réserves de chasse

Pour le tigre indien, Sariska est le nouveau Ground Zéro. A 200 kilomètres à peine de la capitale de l'Inde, la principale réserve naturelle du Project Tiger [fondé en 1973 par le gouvernement] est devenue le théâtre d'une extermination sans précédent de ses plus célèbres habitants. En 2004, la situation semblait particulièrement alarmante puisqu'on avait constaté pour la première fois une forte baisse de la population : sur les 24 à 28 bêtes habituellement comptées, il n'en restait plus que 16 à 18. Mais les autorités forestières ont rejeté les résultats de l'enquête, invoquant les pluies excessives qui avaient effacé les empreintes et faussé le comptage. Cette année 2005, le personnel de la réserve a renouvelé les opérations de recensement et va sans doute conclure qu'il n'y a plus de tigres dans ses 866 kilomètres carrés de jungle, car aucune empreinte n'a été relevée depuis près de six mois. C'est en septembre 2004 qu'un touriste a aperçu pour la dernière fois un tigre, mais son témoignage est sujet à caution. En mai, une équipe du Bureau fédéral d'enquête (CBI), à qui le Premier ministre, Manmohan Singh, avait demandé d'étudier la question, est arrivée à la conclusion stupéfiante qu'un braconnage à grande échelle a décimé la population de tigres en deux ans. "Ce qui est arrivé à Sariska " accuse B.K, Sharma, l'inspecteur général adjoint chargé de l'enquête, "n'est que le symptôme d'une maladie qui touche les sanctuaires du tigre à travers tout le pays." Les sonnettes d'alarme sont tirées, haut et fort. Car, s'il est possible d'éradiquer la population de tigres à Sariska avec une facilité aussi scandaleuse, comment garantir que les 28 réserves et les quelque 90 parcs nationaux qui abritent ce magnifique animal ne seront pas également dévastés par les braconniers ? Dans l'ensemble des zones protégées du pays, tout indique qu'il y a une résurgence meurtrière du braconnage. Alors que les chiffres officiels ne font état que de 26 cas de bêtes abattues chaque année, les spécialistes d'organisations de protection de la nature comme le Wildlife Trust of India (WTI) estiment leur nombre à plus de 150, ce qui correspond à la population de deux parcs nationaux. Après avoir passé les rapports au crible, les spécialistes ont montré que 750 peaux de tigre avaient été saisies en dix ans. Et, pour chaque peau saisie, beaucoup d'autres passent généralement entre les mailles du filet. Le WTI estime qu'au bas mot 1.500 tigres ont été tués depuis 1995 - un chiffre ahurissant. "En réalité, il est probablement encore plus élevé, car nous ne disposons pas de système satisfaisant de contrôle du braconnage ni de collecte des données", déplore Ashok Kumar, administrateur et chef consultant du WTI. L'organisation a soumis une requête à la Cour suprême pour que le CBI enquête sur les cas de braconnage signalés dans toutes les réserves de tigres sur le territoire indien.
Le plus difficile est d'assurer une stricte application de la loi. Car, ainsi que le souligne Belinda Wright, directrice de la Wildlife Protection Society of India, "les auteurs des crimes commis contre les espèces sauvages sont devenus bien plus professionnels qu'autrefois. Ils forment un réseau relié par téléphone portable, ils ont une bonne assistance juridique, la demande est forte et les prix élevés. En Inde, c'est devenu le commerce illicite le plus lucratif après le trafic de drogue." Aucun spécialiste de la faune sauvage n'aime communiquer des chiffres, mais on évalue le prix d'un tigre à 6 millions de roupies [environ 100.000 euros].
Ces dix dernières années, les réseaux de braconniers indiens qui écoulent leur marchandise sur les marchés du Népal, du Tibet et de la Chine continentale se sont renforcés et étendus. La plupart des réserves du Project Tiger sont mal équipées pour les combattre. Rajesh Gopal, directeur du Projet, reconnaît que la moyenne d'âge des gardes forestiers dépasse maintenant les 45 ans, et beaucoup n'ont pas l'agilité nécessaire pour poursuivre et arrêter les braconniers. La faute en incombe au gel des embauches en vigueur depuis vingt ans dans la plupart des Etats. Plus grave, un tiers des postes n'a pas de titulaire. Et la plupart des hommes n'ont pas la puissance de feu ni l'expertise nécessaires pour traquer les braconniers. "Ce qui manque en matière de protection de la faune sauvage, c'est la volonté politique", déplore V.K.Thakur, directeur du parc national de Dudhwa [à la frontière avec le Népal]. Le même scénario se répète à travers tout le pays.
Dans les hautes sphères, on semble enfin prendre conscience de la gravité de la situation. Onze députés ont créé un groupe de pression, le Tiger and Wilderness Group. Le ministère de l'Environnement a mis en place un groupe d'experts chargé d'évaluer la gestion des vingt-huit réserves abritant des tigres. Il se penche également sur le problème de la fragmentation des forêts, qui accroît la vulnérabilité des populations de fauves face aux braconniers. Le plus urgent est de mettre fin au laxisme actuel. Le Premier ministre a approuvé le principe de la création d'un Bureau national de contrôle et de prévention de la criminalité relative à la faune sauvage, dont l'équipe multidisciplinaire sera chargée de débusquer et de combattre les braconniers. Des tribunaux spéciaux seront mis en place pour accélérer les procès, et la législation sera amendée de manière à supprimer la libération provisoire sous caution pour ce type de délit. Les personnes qui vivent dans les parcs ou dans les environs doivent participer à la protection de la nature et à la lutte contre le braconnage. Si l'on n'applique pas ces mesures avec la plus grande rigueur, dans les dix années à venir le tigre indien subira le même sort que le guépard : l'espèce aura disparu à l'état naturel.
Raj Chengappa, India Today (extraits), New Delhi, 2005

Vaches - Au bord de la crise de nerfs

Il y a quelques années, John Watts passait à côté d'un enclos de vaches lorsqu'il remarqua un étrange phénomène : les bêtes semblaient se rapprocher d'un hangar métallique chaque fois qu'elles voulaient appeler leur veau, même si ce veau se trouvait à l'opposé du hangar. Elles le faisaient régulièrement et délibérément, comme si elles avaient deviné que le mur de métal amplifierait leur voix. Ce chercheur de l'université de la Saskatchewan ne serait pas tellement surpris s'il apparaissait que les vaches disposent de telles facultés de raisonnement, même s'il reconnaît qu'il est difficile, sinon impossible, de le prouver. Comme nombre d'autres scientifiques qui étudient les animaux de ferme, il considère que ces derniers sont plus intéressants sur les plans cognitif et social que ce que veulent nous faire croire les préjugés. Pour John Watts, les bovins sont bien plus complexes qu'on ne le croit : ils constituent des hiérarchies sociales ; ils ont un comportement intelligent et sont capables de tromper leur monde - les jeunes taureaux, par exemple, feignent de ne pas s'intéresser aux femelles en chaleur tant que les mâles dominants restent dans les parages ; ils peuvent présenter des troubles du comportement en cas de stress excessif. "Le but n'est pas de déterminer si les bovins sont intelligents ou idiots, mais de comprendre leur mode de fonctionnement à l'intérieur de leur univers", explique Watts, car le monde mental et social de ces animaux a été peu exploré par les chercheurs. L'équipe dirigée par Dan Weary, chercheur à l'université de Colombie-Britannique, tente de voir les choses du point de vue de l'animal et étudie des phénomènes auxquels la plupart des buveurs de lait et mangeurs de viande préfèrent ne pas penser : le traumautisme et la détresse des jeunes génisses qui sont menées dans des salles de traite un jour après avoir vêlé ou les appels plaintifs des veaux affamés et esseulés dans leurs stalles. Les chercheurs espèrent que ces travaux aboutiront à des alternatives viables pour améliorer le sort du bétail. Les vaches laitières, par exemple, obligées de rester debout sur des sols de béton couverts de fumier, dépérissent. Dan Weary et son équipe tentent de concevoir des stalles plus confortables et de déterminer les préférences des animaux en matière de litière et de sol. Moins de stress et davantage de confort pourrait les rendre plus sains et plus productifs.
John Watts envisage aussi des applications pratiques à Saskatoon. Il évoque un comportement étrange connu sous le nom de "buller steer syndrome" [syndrome du bouvillon agressif], qui se manifeste souvent dans les enclos de plus de 250 animaux. Les mâles dominants se mettent à harceler sans relâche les plus faibles, les pourchassent et les montent souvent jusqu'à épuisement. Ce syndrome, explique le chercheur, est en fait un symptôme de "stress social chronique". Selon lui, quand plus de 200 têtes sont entassées dans un enclos, le troupeau est incapable de constituer une hiérarchie sociale. La question de la domination n'est jamais réglée et les bouvillons faibles sont sans cesse inquiétés par ceux qui cherchent à établir leur supériorité. Dans les groupes de 150 têtes, en revanche, les animaux constituent rapidement une hiérarchie sociale avec un leader clairement identifié. Pour vérifier son hypothèse, John Watts planche sur des expériences destinées à montrer comment les bêtes interagissent. Il projette ainsi de les entraîner à appuyer sur des boutons ou à pousser des leviers lorsqu'elles voient un individu qu'elles reconnaissent. Elles recevront une récompense - de la nourriture - chaque fois qu'elles actionneront le bon bouton. Le chercheur envisage aussi de leur montrer des vidéos afin de déterminer si leurs yeux suffisent à reconnaître leurs camarades d'enclos ou si elles ont également besoin de leur odorat et de leur ouïe. "Ça peut paraître dingue d'entraîner des bovins à appuyer sur des boutons et à regarder des films, mais c'est tout à fait scientifique." Il espère que ses travaux permettront de se faire une idée plus claire des "règles sociales" qui régissent le monde animal. "Pratiquement tout est anormal dans la façon dont on traite les bovins. On les a amenés au cours des générations à rester en bonne santé malgré tout ce qu'on leur fait subir et à produire beaucoup de lait et de viande maigre." Mais leur comportement n'a pas tellement changé. "D'un point de vue psychologique, ce sont des animaux sauvages entassés dans des prisons artificielles. Les gens se soucient de la façon dont on traite les animaux dans les zoos, mais ils devraient aussi se préoccuper de celle dont on traite les animaux d'élevage, parce que ce sont les mêmes."
Margaret Munro, National Post, Toronto, 2002

Extraits en images

Sacrifices d'animaux, intelligence des oiseaux, grenouille de Kihansi (p.28-29)

Mémoire des geais, massacre de gorilles (p.39-40)
WildlifeDirect - Saving Endangered Animals

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