17 avril 2010

Documentaire : The Cove - La baie de la honte

The Cove
La baie de la honte


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Documentaire américain réalisé par Louis Psihoyos, avec la participation de Richard O'Barry, distribué par Luc Besson. Durée : 1h30. Oscar 2010 du "Meilleur documentaire". Disponible en DVD.

Après s'être fait connaître dans les années 60 par la série Flipper, l'ex-dresseur de dauphins Ric O'Barry est aujourd'hui un défenseur acharné des cétacés. A Taiji, au Japon, il se mobilise contre le massacre de plusieurs milliers de dauphins par an, perpétré à l'abri des regards.

Avec l'équipe de l'Oceanic Preservation Society, O'Barry entreprend de révéler la vérité sur Taiji au monde entier. Malgré l'hostilité de la police locale et des pêcheurs, O'Barry et ses complices réunissent une équipe de choc : cadreurs et preneurs de sons sous-marins, spécialistes d'effets spéciaux, océanographes et plongeurs en apnée réputés se lancent dans une opération secrète destinée à rapporter des images de la petite baie isolée...

Pour en savoir plus

- Le site officiel : entretiens avec Richard O'Barry, Louie Psihoyos et Luc Besson, présentation de l'équipe, photos, informations sur la chasse aux dauphins, et plus.
- D'autres infos ici ou
- Save Japan Dolphins
- Take Part
- Oceanic Preservation Society

Bande-annonce


Entretien avec Louie Psihoyos
réalisateur de The Cove


Photographe et cofondateur de l'Ocean Preservation Society (http://www.opsociety.org), Louie Psyihoyos a d'abord entendu parler de Ric O'Barry lors d'une conférence sur les océans à laquelle ce dernier devait participer. Mais quand Sea World, bailleur de fonds de la conférence, en a interdit l'accès à O'Barry, Psyihoyos a eu envie d'en savoir plus. Il était pourtant loin de se douter que sa curiosité le pousserait à s'embarquer dans cette aventure cinématographique hors du commun...

Qu'est-ce qui vous a donné envie de consacrer un film à Ric O'Barry et à ses activités à Taiji ?

J'ai tout d'abord eu envie de savoir pourquoi on l'avait empêché de participer à cette conférence. Et puis, quand je l'ai rencontré, il m'a expliqué qu'il voulait parler de cette baie secrète au Japon où des trafiquants vendent la plupart des dauphins qu'ils capturent aux dolphinariums et aux parcs d'attraction. Il m'a aussi raconté que les pêcheurs tuaient les autres et que leur viande était utilisée pour le déjeuner des écoliers japonais. Je n'arrivais pas à imaginer qu'une civilisation puisse tuer des dauphins et Richard m'a alors proposé de l'accompagner la semaine suivante à Taiji, cette petite ville qui dissimule un énorme secret.

A quoi ressemblait Taiji ?

Cette ville était tout droit sortie d'un roman de Stephen King : en apparence, les habitants prétendaient respecter et aimer les dauphins et les baleines, mais ce qui se déroulait dans la baie secrète témoignait de tout à fait autre chose que j'étais bien décidé à élucider. La baie secrète est une forteresse naturelle, protégée par des falaises à pic sur ses trois flancs. Sur l'un des côtés, l'accès est protégé par plusieurs portails hérissés de pointes et surmontés de fils barbelés et de rasoirs, tandis que les deux autres accès sont protégés par des gardiens et des chiens. Après avoir visité la ville avec Richard, j'ai pris contact avec le bureau du maire de Taiji et le syndicat des chasseurs de dauphins car je souhaitais connaître leur version de l'histoire et je voulais raconter ces événements de manière légale. J'avais remarqué qu'on était suivis – d'ailleurs, j'étais sous surveillance policière 24 heures sur 24 tant que j'étais à Taiji. Mais la mairie ne souhaitait pas coopérer avec nous : la ville tirait bien trop d'argent du commerce des dauphins en captivité pour le voir mis en péril par un journaliste fouineur. Le maire m'a prévenu que je risquais d'être blessé ou même tué si je m'approchais de trop près des chasseurs de dauphins et de la baie secrète. Curieusement, la baie se trouve au milieu d'un parc naturel, en plein centre ville, entre la mairie et le musée de la baleine. Richard m'a dit que pour nous introduire dans la baie secrète, il nous faudrait réunir une équipe du type des forces spéciales de nageurs de combat de l'US Navy – et c'est à peu près ce que j'ai fait, même si mon équipe ressemblait davantage à celle d'Ocean'S 11.

C'est une équipe très éclectique. Comment l'avez-vous réunie ?

J'ai fait appel à mes amis Mandy Rae-Cruickshank et Kirk Krack pour nous aider à mettre au point des caméras sous-marines et des hydrophones. Mandy a été huit fois championne du monde d'apnée. Elle est capable de retenir sa respiration pendant 6 minutes 30 et de plonger à plus de 90 mètres de profondeur, puis de revenir à la surface, sans bouteille d'oxygène. Son mari, Kirk, est également apnéiste. Un ancien assistant photographe à moi, qui est devenu expert en moulages chez ILM – la filiale 3D de Lucas –, nous a aidés à fabriquer de faux rochers pour y dissimuler des caméras et des micros Haute Définition. Un spécialiste en électronique qui avait servi dans l'armée de l'air du Canada nous a permis de gonfler la capacité des caméras grâce à des batteries utilisées par les alpinistes qui gravissent l'Everest. Il nous a également permis de mettre au point des drones sans pilote capables de tourner des images vues du ciel : il s'agissait d'un hélicoptère télécommandé, équipé d'une caméra HD gyrostabilisée, et d'un dirigeable muni d'une caméra télécommandée. Quelques copains pirates sont venus de leurs îles pour m'aider à installer les caméras et, pendant plusieurs nuits, nous étions là en tenue de camouflage et le visage peint. Nous avons souvent déjoué la surveillance des gardiens et des policiers grâce à des caméras militaires thermiques HD capables de déceler le moindre mouvement alentour et à d'autres tactiques de diversion.

Qu'est-ce qui s'est révélé le plus difficile pendant le tournage ?

The Cove n'avait vraiment rien d'un tournage habituel. On tournait la plupart du temps de nuit, incognito, et le plus difficile, c'était tout simplement d'essayer de ne pas se faire tuer ou arrêter et incarcérer pendant des mois si on se faisait prendre. Mais il y a eu d'autres difficultés. Lorsqu'on était en train de monter notre société de production à but non lucratif, j'ai rencontré Steven Spielberg et il m'a conseillé – fort de son expérience des Dents de la mer – de ne jamais tourner sur un bateau ou avec un animal car ce sont des paramètres totalement imprévisibles et très coûteux. Eh bien, non seulement nous avons utilisé beaucoup de bateaux pour The Cove, mais nous avons aussi tourné avec plusieurs animaux de grande taille, pas franchement coopératifs... C'était un cauchemar pour un réalisateur qui en était à son premier film.

Est-ce que le tournage de The Cove vous a changé ?

Je suis végétarien – ou plutôt un végétarien qui mange du poisson – depuis 20 ans. Désormais, je ne mange plus de poissons qui se situent en haut de la chaîne alimentaire car le film m'a appris que je risquais de m'empoisonner au mercure en consommant de gros poissons prédateurs comme le thon, le marlin, le loup et le mérou. Mon regard sur les animaux a considérablement changé depuis le tournage. Je suis devenu beaucoup plus sensible à toute vie animale car une fois qu'on vous a ouvert les yeux sur la détresse de certaines espèces, il est difficile de ne plus se laisser émouvoir. Le cerveau des dauphins est plus gros que le nôtre, il comporte plus de circuits neuronaux et ces animaux ont un sixième sens – le sonar – et c'est la seule espèce sauvage qui vienne au secours de l'homme quand il est en danger. Depuis que l'écriture existe, il y a de nombreux récits qui témoignent de l'extraordinaire compassion des dauphins à l'égard de l'être humain. Ils sont toujours venus à notre secours et j'estime qu'il est grand temps qu'on vienne au leur.

Qu'est-ce qui vous a le plus surpris au cours du tournage ?

Au Japon, on dissimule systématiquement la chasse au dauphin et la présence de mercure dans la viande de dauphin. Les Japonais font confiance à leur gouvernement. Mais celui-ci ne veut pas leur révéler des informations fondamentales concernant leur santé – comme, par exemple, le fait que la toxicité de la viande de dauphin dépasse largement les normes sanitaires du Japon. La corruption fait rage et il y a des gens qui tirent profit de cette désinformation.

Que s'est-il passé depuis que vous avez quitté Taiji ?

On servait aux écoliers de la viande de dauphin pour leur déjeuner, ce qui n'est plus le cas depuis cette année. C'est en partie grâce à Ric O'Barry et à notre organisation, l'Oceanic Preservation Society. Nous avons travaillé avec un expert en toxicité et nos conclusions ont fini par parvenir à plusieurs conseillers municipaux dont les enfants étaient scolarisés et qui ont réalisé leurs propres tests sur de la viande de dauphin : ces derniers ont confirmé nos résultats. On ne donne plus de viande de dauphin toxique aux écoliers de la préfecture de Wakamaya pour leur déjeuner. Du coup, le patron des pêcheries, Hideki Moronuki, qui avait établi les quotas concernant les dauphins, marsouins et baleines, a été viré. Mais la chasse au dauphin continue. Nous espérons qu'en sensibilisant l'opinion publique japonaise, le massacre des dauphins prendra fin d'ici l'an prochain.

Quelle est la mission de l'Oceanic Preservation Society ? Dans quelles circonstances a-t-elle été créée ?

Le fondateur de l'Oceanic Preservation Society est l'inventeur et entrepreneur Jim Clark, sorte de Zelig des temps modernes qui a monté trois entreprises révolutionnaires en partant de zéro. Alors qu'il était issu d'un milieu très pauvre, il a fait des études supérieures et, à l'université, il a contribué à imaginer le système informatique qui a permis d'envoyer l'homme sur la lune. Professeur à l'université de Stanford, il a inventé la toute première puce informatique 3D avec Silicon Graphics et le premier navigateur Internet avec Netscape. Après avoir découvert qu'il était atteint d'une maladie du sang très rare, il a créé WebMD, portail Internet qui fournit aux médecins et aux patients les informations les plus récentes en matière de santé. Constamment à la pointe de l'innovation, il est aussi plongeur et navigateur et il s'est ainsi rendu dans les récifs les mieux préservés du monde, tout en constatant que les océans étaient de plus en plus menacés. Il a fondé l'OPS pour produire des films et éditer des photos afin de sensibiliser l'opinion publique à la détérioration des océans qui met aussi en danger l'espèce humaine puisque nous tirons 70% de nos besoins en protéines des produits de la mer et que ceux-ci se raréfient et sont de plus en plus pollués.

A votre avis, qu'est-ce que le public retiendra de The Cove ?

Tout d'abord, j'espère que les gens arrêteront d'emmener leurs enfants dans les parcs d'attraction offrant des spectacles de dauphins : faire faire des tours idiots à des animaux intelligents et sensibles donne un mauvais exemple à nos enfants. Ensuite, j'espère que les Japonais arrêteront de tuer les dauphins pour leur viande car, hormis la question éthique, la viande de dauphin est toxique et n'est donc pas propre à la consommation pour l'homme ou l'animal. En troisième lieu, les dauphins et les baleines sont pollués surtout parce que l'homme rejette ses déchets toxiques dans les océans. La consommation d'énergie fossiles, et tout particulièrement de charbon, contribue à l'accumulation de mercure dans l'atmosphère : il faut donc qu'on s'habitue à ne plus utiliser de charbon pour sauver les océans. Par exemple, dans les bureaux de l'OPS, nous avons 117 panneaux solaires qui fournissent 140% de nos besoins en énergie. Et nous avons également deux voitures électriques qui fonctionnent exclusivement à l'énergie solaire. Ce qui prouve que tout le monde peut faire un geste.










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