16 avril 2012

Kamala, une louve dans ma famille, de Pierre Jouventin

Kamala, une louve dans ma famille
de Pierre Jouventin

préface de Boris Cyrulnik


En 1975, le zoologue accepte d'adopter une louve et de l'élever chez lui, dans son appartement, auprès de Line, sa compagne, et de leur fils. Il témoigne de cette expérience et de la relation quotidienne avec l'animal afin d'éclairer ses moeurs et comportements. Les anecdotes relatées révèlent un animal joueur, solidaire, affectif et doté d'un grand sens de la hiérarchie.

C'est un récit bouleversant, une réflexion scientifique passionnante. C'est une aventure hors du commun qui débuta un jour de 1975 : Pierre Jouventin accepte alors d'adopter un louveteau nouveau-né, que le zoo de Montpellier s'apprête à sacrifier. Lui, dont le métier est d'étudier le comportement des animaux sauvages dans leur environnement, sera amené à réaliser l'impossible : élever une louve en appartement ! Il deviendra non pas son maître, mais sa famille. Car la louve aimera Pierre, Line et leur fils comme s'ils étaient ses "parents", sa meute.

Ce livre remet en question toutes les croyances, tous les clichés sur notre plus vieil "ennemi". Et nous découvrons qu'il nous est plus facile de nous entendre avec un loup qu'avec un chimpanzé, notre cousin ! Le loup est un modèle de gestion des ressources naturelles, mais aussi de savoir-vivre en société. Craintif, puissant, éventuellement dangereux, il se révèle joueur, très solidaire, très affectueux et doté d'un sens strict de la hiérarchie. Il n'est pas docile, mais il veille sur ses proches et sait faire preuve d'altruisme - ce qui est démontré ici pour la première fois.

Cet ouvrage, rempli d'anecdotes sur la relation intime avec une louve, nous apprend mille choses sur les moeurs de cet animal sauvage et sur ceux de son descendant domestique, le chien. A être mieux compris, le loup en devient plus fascinant encore. Et à mieux connaître le loup, on en apprend beaucoup sur l'homme.

Kamala, une louve dans ma famille, Pierre Jouventin, Préface : Boris Cyrulnik, Editions Flammarion, 2012, 352 pages, 30 photographies

A propos de l'auteur

Pierre Jouventin (69 ans), écologue et éthologue, a été directeur de recherche au CNRS. Spécialiste international des oiseaux et des mammifères, il a découvert cinq espèces d'oiseaux et effectué vingt-deux missions de longue durée dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il a aussi séjourné dans la forêt équatoriale pour étudier le comportement des singes. En 1990, son équipe a été la première au monde à suivre des oiseaux équipés de balises Argos. Il est l'auteur de nombreux articles scientifiques, de documentaires animaliers et d'ouvrages.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Flammarion
- Le site de Kamala, la louve avec de nombreuses informations : vidéos, photos, liens, etc
- Cette page où vous pourrez lire la préface et l'avant-propos en intégralité, ainsi que le début du premier chapitre
- Les confessions d'un primate, de Pierre Jouventin
- La raison des plus forts, de Pierre Jouventin, David Chauvet et Enrique Utria
- Des livres de Boris Cyrulnik
- Variations sauvages, d'Hélène Grimaud

L'avis d'un lecteur
Source

Captivant, passionnant.
Bien sûr, on trouve dans ce livre l'aventure qu'a été pour la famille Jouventin l'adoption d'une louve, mais ce n'est que le point de départ d'une réflexion lumineuse sur la place de l'homme - et le rôle du loup - dans l'évolution. Des considérations sur notre passé et notre avenir, que personne ne devrait plus ignorer.
A lire absolument.

Au sommaire

Préface de Boris Cyrulnik
Avant-propos
1. Enfant-loup ou louve-enfant ?
2. Entre chien et loup
3. Comment changer le loup en chien
4. Fort comme un loup
5. Le loup dans la bergerie
6. Entrer dans le cerveau d'un loup (ou d'un chien)
7. Malin comme un loup
8. La culture de Kamala
9. Le langage des loups
10. Hurler avec les loups
11. Kamala apprend à parler
12. Un flair de loup
13. Une faim de loup
14. Le territoire de Kamala
15. Chasser avec les loups
16. Le savoir-vivre des loups
17. Un loup dans la ville
18. La galanterie des loups
19. L'altruisme de Kamala
20. L'animal le plus proche de l'homme
21. Qui a peur du grand méchant loup ?
22. Le loup peut-il entrer dans notre famille ?
23. La fin de Kamala
Bibliographie
Index des noms propres
Index des noms d'espèces
Pour en savoir plus
Remerciements

La présentation du livre par l'auteur
Le chien et l'homme expliqués par le loup
Source : Le site de Kamala, la louve

Quoi de plus saugrenu que d’élever un loup dans son appartement ? C’est, parait-il, impossible mais nous ne le savions pas et c’est cette aventure insolite, simplement due à un retard dans la construction de l’enclos, qui est contée 35 ans plus tard. On verra que c’est plutôt nous qui avons souffert, Kamala s’étant épanouie dans cette vie contre-nature comme trente photographies l’attestent.


Pour comprendre Kamala, cette histoire vécue nous amène à décrire en détail les mœurs des loups, longtemps mystérieux et aujourd’hui bien connus. On sait maintenant qu’ils sont les seuls ancêtres des chiens et c’est par la comparaison avec leurs frères sauvages que l’auteur explique le comportement intime de nos compagnons domestiques. D’autant mieux qu’il est un expert international de l’éthologie des animaux sauvages, longtemps Directeur de Recherche au CNRS et Directeur de laboratoire d’écologie. Il replace les mœurs des animaux dans le cadre de ces disciplines scientifiques récentes qui renouvellent la vision de l’animal mais aussi de l’homme.


Comment nous y sommes-nous pris pour transformer le loup en chien ? Comment comprendre le meilleur ami de l’homme et savoir l’élever sans connaître son ennemi le plus célèbre ? Humains et loups ont longtemps suivi une évolution parallèle de chasseurs en bande de gros gibier. Qu’avons-nous encore en commun avec notre double à quatre pattes ?


Longtemps notre rival, nous avons beaucoup à apprendre du loup, le mal aimé, qui nous oblige à nous pencher sur notre passé de prédateur pour affronter un avenir incertain. C’est en réalité un modèle pour la gestion des ressources naturelles et même pour le savoir-vivre en société, capable, comme nous le verrons, de se jeter à l’eau pour sauver un membre de sa famille, qu’il soit loup ou homme.


Ce livre est donc tout à la fois le témoignage d’une aventure incroyable, un ouvrage de vulgarisation scientifique, un guide d’éducation canine, un plaidoyer pour le loup et la cause animale, enfin une enquête sur la nature humaine !  


Un extrait de la préface, par Boris Cyrulnik
Pour lire la préface en intégralité, cliquez sur ce lien.

../.. Kamala ne savait pas que ses ancêtres avaient participé à une telle révolution culturelle mais, en s’attachant à la famille Jouventin, elle a permis de poser une série de problèmes philosophiques. Quand elle vole au secours d’un de ses proches qui risque de se noyer et le ramène à la berge en le tirant par un bras, elle témoigne d’un altruisme qui solidarise le groupe familial. Quand elle décode le moindre indice comportemental émis par le corps de ceux qu’elle aime, la louve prouve qu’elle est capable de cette empathie que de nombreux philosophes considèrent comme le fondement de la morale. Quand elle inhibe un comportement d’attaque envers un proche qui l’irrite ou qui transgresse un rituel d’interaction, elle manifeste une aptitude à freiner l’expression de ses émotions, une sorte d’interdit préverbal.

En lisant ce livre, le philosophe qui cherche le propre de l’homme sera bien ennuyé, car il trouvera chez les animaux tout ce qui prépare au propre de l’homme. Nous ne sommes pas d’une nature surnaturelle, nous appartenons au monde vivant, comme les animaux, parmi lesquels nous prenons une place humaine. ../..

Le début de l'avant-propos, par Pierre Jouventin
Pour lire l'avant-propos en intégralité, cliquez sur ce lien.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ! » Cette phrase de Mark Twain résume bien notre histoire, car tous les spécialistes du loup considèrent comme impossible d’élever un tel fauve dans un appartement. Mais cela, je ne l’ai appris que bien plus tard, au moment où j’ai exhumé mon vieux carnet de notes et lu des ouvrages spécialisés pour rédiger ce livre…

Si vous pouvez lire ce texte, c’est grâce à une série de petits miracles. L’essentiel repose sur des notes que j’ai prises pendant mes cinq ans de cohabitation avec un loup, aussi joueur que destructeur, et durant lesquels j’ai vécu dans la hantise que le précieux cahier sur lequel j’écrivais ne soit déchiqueté par mon original animal de compagnie.

Depuis son enfance, Line, mon épouse, rêvait d’élever un loup. Anticonformiste précoce, elle pleurait à la fin du Petit Chaperon rouge parce que le loup est tué par les chasseurs ! Je dois avouer que mes motifs étaient au départ moins sentimentaux et plutôt de curiosité intellectuelle. J’étais directeur de recherches au CNRS, responsable d’une équipe de recherche en écologie animale, et je passais plusieurs mois par an de l’autre côté du globe, en particulier en Afrique équatoriale et dans l’Antarctique, à étudier les mammifères et les oiseaux. Dans l’île subantarctique Crozet où je séjournais fréquemment, la température oscille autour de 5°C, il pleut trois cent vingt jours par an et le vent souffle en moyenne à 60 km/h, avec des pointes à 250 km/h. J’y emportai mes notes et c’est là que j’écrivis une première mouture de ce livre, voilà plus de trente ans. Le soir et les jours de tempête, j’allumais une lampe à gaz, me blottissais dans mon duvet et griffonnais des histoires de loup pour me retrouver en famille.

Il a fallu du temps – un temps nécessaire – avant que je reprenne le texte et le complète avec des analyses autorisées par l’expérience et fondées sur des travaux récents. Toute ma vie j’ai été passionné par les animaux, poussé par le désir de les approcher, de les observer, de les comprendre et de communiquer avec eux. Quand j’eus l’occasion en 1975 d’adopter un loup, cette passion l’emporta sur la raison.

Ma formation en écologie et en évolution animale m’avait enseigné qu’on ne peut comprendre un animal hors de son environnement naturel. J’avais déjà publié bon nombre d’articles scientifiques sur les manchots, les albatros, les phoques, les mandrills et autres singes que j’avais longuement observés dans leur milieu. Tous les scientifiques ne pratiquent pas des expériences de vivisection, comme le croient certains. Pour moi, adopter un animal sauvage et l’élever en captivité portait déjà atteinte à son intégrité.

Notre louve aurait dû être malheureuse et ne rien m’apporter sur le plan scientifique. Certains collègues l’ont sans doute pensé, sans oser me le dire. Ce ne fut pas le cas. Non seulement elle vécut heureuse chez nous, mais elle m’offrit des occasions d’observations exceptionnelles. Car, dès que le louveteau a surgi dans notre vie, je ne l’ai pas seulement regardé avec les yeux d’un maître pour son chien, son chat ou tout autre animal de compagnie, mais aussi avec ceux du scientifique.

D’où ce récit à trois niveaux. Celui de la famille – ma femme, mon fils et moi – qui découvrit et éleva un loup, le plus souvent avec amour et joie, parfois dans l’exaspération. Celui de l’éthologiste et de l’écologue qui observait, analysait et vérifiait des hypothèses. Enfin, celui de l’écologiste citoyen ou, comme on disait à l’époque de La Fontaine, du « moraliste » qui s’appuie non sur une fable mais sur les récentes découvertes en éthologie et en préhistoire. Comme une « leçon de choses » d’antan, chaque chapitre de ce livre commencera par des « anecdotes » sur Kamala et de ces observations seront tirés des enseignements. Ainsi, nous expliquerons les comportements d’un loup de ville par ceux de ses congénères qui vivent dans la nature et les moeurs du « meilleur ami de l’homme », le chien, par ceux de leur ancêtre, avant de conclure sur l’homme.

Car, comble de folie, non seulement nous avons adopté un loup, mais nous l’avons fait dans un appartement, et non à la campagne dans un vaste enclos, comme c’est toujours le cas pour les amoureux des loups. Paradoxalement, ce fut la chance du scientifique, à défaut d’être celle du père de famille, car nous avons vécu avec Kamala dans une intimité forcée qui recréa les liens sociaux très forts d’une meute et nous permit de découvrir les sentiments les plus profonds de cet animal longtemps impossible à étudier sur le terrain. Cela me conféra un point d’observation sans pareil sur le loup. ../..

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