02 février 2013

Vies de singes, de Hans Kummer

Vies de singes
Moeurs et structures sociales
des babouins hamadryas
de Hans Kummer

Peu connues, les moeurs des babouins n'en sont pas moins étonnantes. Décrivant leur existence quotidienne dans les zoos, où ils ont su recréer une vie sociale complexe et stable, les suivant en Ethiopie et en Arabie Saoudite, où ils vivent en hordes nomades, Hans Kummer montre comment l'organisation sociale des babouins, fondée sur la polygamie et le respect mutuel, leur permet de survivre dans un environnement hostile.

Vies de singes, Hans Kummer, Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, Editions Odile Jacob, 1993, 432 pages, avec des photos en noir et blanc

A propos de l'auteur

Hans Kummer est un scientifique suisse spécialisé dans l'étude du comportement social des primates, notamment des babouins hamadryas. Il est connu pour ses travaux de terrain en Ethiopie au cours des années 1960 et 1970. Il a été professeur d'éthologie à l'Université de Zürich et président de l'Association Internationale de Primatologie.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Odile Jacob
- Voyage chez les babouins, de Shirley C. Strum
- Cette page où figure une histoire de babouins, gardiens de chèvres

Un passage extrait de l'ouvrage :
"Le comportement de peur : une approche multidimensionnelle" de René Misslin


../.. Les comportements de soumission peuvent atteindre des degrés de raffinement surprenants. Hans Kummer de l'Université de Zürich, un des spécialistes les plus avertis du comportement social des babouins hamadryas, a étudié avec ses collègues, sur le terrain, en Ethiopie, le comportement des mâles qui convoitent la même femelle. Il faut savoir que ces singes vivent en harem, un mâle dominant possédant plusieurs femelles qu'il garde jalousement. Ce qui a frappé les chercheurs, c'est la réserve que manifestent les autres mâles à l'égard de ces femelles, alors même qu'il leur serait possible de les ravir par la force. En isolant un jour dans un enclos un couple constitué et en y lâchant un autre mâle, les chercheurs ont observé que le mâle possédant n'avait même pas à émettre de comportements de menace pour inhiber les prétentions du rival. Celui-ci adopta spontanément un comportement d'évitement tout à fait remarquable. Il s'asseyait seul dans un coin de l'enclos, le dos tourné au couple, évitant ostensiblement de regarder en direction de ses congénères, soit qu'il baissait la tête, soit qu'il levait les yeux vers le ciel. Il pouvait aussi regarder en direction des bosquets comme s'il guettait un prédateur qui visiblement n'existait pas. Voici la conclusion de Hans Kummer : "La vue du couple avait donc des effets plus profonds que nous ne l'avions imaginé : elle ne bloquait pas seulement le comportement agressif des rivaux, mais tout leur comportement social envers le couple. Aucun rival n'adressait jamais un geste à la femelle, même quand celle-ci se présentait, ce qui arrivait rarement. Et quand le possédant s'approchait, le rival se détournait la plupart du temps et attendait, immobile, jusqu'à ce que l'autre s'éloigne de nouveau. En se grattant, en faisant des gestes circulaires en quantité démesurée, en soignant son propre pelage, le rival trahissait le conflit entre une motivation sociale extrêmement forte et l'inhibition presque complète qui lui interdisait toute relation avec le couple." A l'évidence, on est là en présence de robustes mécanismes régulateurs des conflits sociaux qui limitent, de façon adaptative, les rencontres agressives entre les rivaux mâles et préservent la cohésion du harem et de sa progéniture : la coopération entre mâles est un élément de survie indispensable compte tenu des conditions environnementales dures dans lesquelles vivent les babouins hamadryas. Chose remarquable, il arrive au babouin possédant de manifester à l'égard des rivaux inhibés des comportements apaisants, leur présentant en guise de salutation amicale, son arrière-train en forme de masque rouge. Les chercheurs ont un jour observé un vieux mâle possédant particulièrement attentif qui passait lentement la main à quelques centimètres au-dessus de la peau du rival comme s'il voulait le soigner. ../..

Un extrait du livre
Source

La sociobiologie traite du comportement social au sein de l'espèce, l'écologie du comportement se penche sur le comportement des animaux envers la nourriture, les parasites et les prédateurs. Les deux disciplines utilisent cependant le même mode de pensée. En tant que sociobiologiste, on se demande quelles possibilités ou "stratégies" de comportement pourraient être ouvertes à l'animal dans telle ou telle situation importante de son existence. Une femelle, par exemple, peut avoir le choix entre un mâle fort, mais qui a déjà une femelle, et un mâle plus faible, mais encore célibataire. On réfléchit alors aux possibilités alternatives de comportement dont disposent, dans cette situation, la femelle elle-même, chacun des mâles et, dans le premier cas, la rivale. Chacune des deux possibilités aura des conséquences pour la femelle qui doit faire le choix. Avec le mâle plus puissant, elle aura accès à de meilleurs lieux de nourriture, mais elle sera exposée aux manifestations d'hostilité de la première épouse. Si celle-ci est de rang supérieur à la femelle elle-même, le choix du mâle le plus fort pourrait apporter plus d'inconvénients que d'avantages. On évalue alors cet ensemble de données, que l'on appelle les coûts et les profits, de la manière la plus réaliste possible, pour chacune des deux options : on les mesure aux effets qu'ils produisent sur le nombre de petits de la femelle - que l'on désigne aussi par le terme de "fitness". (...) On peut tester ces réflexions et ces prévisions sur des animaux dont le comportement n'est pas trop complexe. On reconnaît sans difficulté dans cette perspective la pensée économique des coûts et des profits qui caractérise notre époque - ce qui doit éveiller notre scepticisme. Les biologistes se sont-ils contentés de garder sur le nez les lunettes qu'ils portaient de toute façon en tant que produits de leur culture ? (...) Sans doute les modèles sociobiologiques, comme tous les modèles, simplifient-ils tellement la réalité qu'ils ne sont pratiquement plus utilisables pour les animaux complexes ; et dans le cas des animaux à longue vie, il n'est pratiquement pas possible de mesurer concrètement les effets d'une stratégie sur le nombre d'enfants engendrés au cours de l'existence.



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