06 mai 2011

Les insectes et les hommes, de Michel Lamy

Les insectes et les hommes
de Michel Lamy


Depuis leur apparition il y a 850 millions d'années - bien avant l'homme ! -, les insectes se sont adaptés à toutes les conditions de vie. Grâce à leurs ailes et au vol, ils ont colonisé tous les biotopes. Leur fécondité, leurs multiples moyens de défense ou leur mimétisme leur ont permis de devenir les représentants du règne animal les plus abondants sur terre, tant en nombre d'espèces qu'en nombre d'individus.

Inventant l'outil, des modes de communication et de transport performants, les hommes ont à leur tour investi tous les milieux. La confrontation avec les insectes était inévitable. Si certaines espèces (pollinisateurs, prédateurs des ravageurs de culture...) sont utiles à l'homme, d'autres - parfois les mêmes - représentent un danger car ils sont venimeux ou vecteurs de maladies. Les moustiques, notamment, véhiculent le paludisme qui cause deux millions de décès par an. Pourtant, c'est souvent l'homme lui-même qui favorise ces catastrophes en modifiant de manière intempestive le fragile équilibre écologique, alors que les insectes s'organisent pour résister à leur destruction.

Docteur ès sciences, enseignant l'écologie à l'université de Bordeaux I, Michel Lamy a consacré plus de trente ans à la recherche entomologique. Il est l'un des meilleurs connaisseurs des insectes. Par cet ouvrage ouvert à tout public, il nous révèle l'infinie variété de cet univers offrant au chercheur et au curieux un champ d'investigation passionnant. Mais au-delà de la fascination que les insectes ont toujours exercée sur l'imaginaire, "Les insectes et les hommes" pose la question d'une cohabitation difficile et essentielle pour l'avenir de notre planète.

Les insectes et les hommes, Michel Lamy, Editions Albin Michel, 1997, 420 pages

Voir aussi

- L'étrange silence des abeilles, de Vincent Tardieu
- Trompe-l'oeil, d'Yves Paccalet et Gilles Mermet
- Quésaco ? Portraits d'insectes, de Jean-Pierre Jaubert et Bernard Nicolas

Le sommaire

Introduction
I. L'insecte d'hier à aujourd'hui. Les raisons du succès.
1. Un peu d'histoire de l'entomologie et des insectes
2. L'insecte : organisation générale
3. Le tégument des insectes
4. Le développement des insectes : mues et métamorphoses
5. Les ailes et le vol
6. La reproduction
7. Etho-écologie des insectes : Les insectes dans la biosphère
II. L'homme, ses interactions avec l'insecte
8. L'homme d'hier à aujourd'hui
9. Des insectes au service de l'homme
11. Les insectes qui tuent l'homme
10. Les insectes, ennemis n°1 des productions de l'homme
11. Les insectes qui tuent l'homme
12. La limitation des populations d'insectes
13. Les insectes menacés par l'homme
En guise de conclusion : hommes et insectes, une obligatoire cohabitation
Notes

L'introduction du livre

Le monde des insectes offre à ceux qui l’étudient un champ d’investigation pratiquement infini. Le nombre d‘espèces décrites augmente chaque jour grâce à la complicité des entomologistes (du grec entomon : insecte, et logos : étude), professionnels et amateurs. Ces derniers sont plus que des collectionneurs ; ils participent aux déterminations d’espèces nouvelles et font ainsi progresser la science entomologique.

Mais, à côté des entomologistes, dont c’est le métier ou la vocation de s’intéresser aux insectes, Monsieur Tout-le-Monde est sans cesse confronté à ces insectes qu’il catalogue volontiers comme gênants, voire indésirables. Ils sont partout présents, que ce soit dans la maison, dans le jardin potager ou d’agrément, en ville ou à la campagne. Où que l’on aille, on trouve des insectes, petits ou grands : moustique, mouche, pou, puce, fourmi, termite, abeille, guêpe, puceron, papillon... Impossible de leur échapper !

A peu d’exceptions près, l’homme de la rue les classe dans les espèces nuisibles. Il sait bien que l’abeille fabrique le miel mais il s’en méfie car elle pique ! Il craint, à juste titre, les moustiques : moustiques en cohorte qui vous agressent alors que vous avez trouvé, au bord de l’eau, un coin idéal où vous pensez pouvoir passer vos vacances ; moustiques qui vous empêchent de trouver le sommeil par leur vrombissement; moustiques qui, dans les régions tropicales, par leur piqûre, vous transmettent de nombreuses maladies parfois très invalidantes quand elles ne sont pas mortelles. Et les mouches ? Elles sont vectrices de nombreux germes pathogènes de l’homme... Mouches abondantes, dont le bourdonnement berçait mes siestes dans ma jeunesse, sous les pommiers de la campagne charentaise. J’en retrouvais les larves, les asticots, dans les fromages de chèvre... Asticots, larves d’autres mouches, vous en trouverez dans les fruits : cerises, pommes, poires...

Pourtant, quelques exemples suffisent à rendre compte de l’utilité des insectes dans les grands équilibres biologiques et dans la vie de l’homme qui n’en a généralement pas conscience.

Les abeilles sont des formes domestiques dont l’homme utilise le miel. Elles sont connues par leur vie en société et par leur mécanisme de communication extrêmement performant : la danse des abeilles. La société des abeilles a été considérée par certains comme un super-organisme.

Les termites, également sociaux, sont organisés en castes aux formes bien différenciées. Si, en France, ils sont tristement célèbres par les dégâts qu’ils causent dans nos habitations - ils s’alimentent de nos charpentes et boiseries qui s’effondrent sans crier gare -, ce sont surtout des constructeurs de talent dont les termitières agrémentent les paysages africains. De formes variées selon les espèces, les termitières constituent des évaporariums - elles participent à la circulation de l’eau - et contribuent à l’évolution des sols (formation de latérite), donc des paysages africains. Les termites sont appréciés également comme aliment par certaines peuplades.

Les fourmis, dont l’organisation sociale et les comportements ont été bien étudiés, offrent une multitude d’adaptations à des régimes alimentaires variés. Dans les régions tempérées, elles envahissent nos maisons ou, dans la campagne, construisent des fourmilières avec des feuilles contribuant à l’évolution des sols. Mais elles savent aussi cultiver des champignons ou élever des pucerons... Si vous avez un squelette à faire nettoyer, demandez leur aide.

Nombreux sont les insectes qui, dans la nature, sont nécrophages, c’est-à-dire se nourrissent de cadavres. D’autres, tels les bousiers (coléoptères), s’alimentent des excréments (bouses) des herbivores. Les Australiens faillirent périr sous les crottes de moutons jusqu’à ce que des bousiers soient volontairement introduits dans ce pays, quatorze fois grand comme la France, qui compte actuellement 16 millions d’habitants et le plus grand troupeau de moutons au monde (160 millions). Les bousiers sauvèrent l’élevage en détruisant les crottes qui en s’accumulant rendaient les sols complètement stériles.

De nombreux insectes (abeilles, bourdons...) fréquentent les fleurs dont ils assurent la reproduction ; on les appelle des insectes pollinisateurs. Ils sont souvent indispensables à la reproduction des végétaux à telle enseigne qu’il faut les protéger, voire les élever et les introduire dans nos champs cultivés (colza, luzerne, trèfle...).

D’autres sont entomophages : ils se nourrissent d’insectes et limitent ainsi leur pullulation. C’est le cas de la coccinelle appelée "bête à bon Dieu", qui détruit les pucerons. Elle est utilisée, ainsi que d’autres insectes moins célèbres, dans la lutte biologique bien préférable à la lutte chimique polluante pour l’environnement.

C‘est donc des relations entre l’insecte et l’homme que j’aimerais vous entretenir à travers leur histoire respective qui devint coévolution il y a seulement 100.000 ans - avec l’apparition de l’homme - alors que l’insecte est apparu il y a près de 350 millions d’années.

Il y a 10.000 ans, l’homme inventa l’agriculture et l’élevage, créant de nouvelles conditions de vie pour les insectes. Ceux-ci, dès lors, devinrent des ennemis irréductibles ou des associés involontaires, ou encore furent domestiqués par l’homme. Un équilibre est aujourd’hui d’autant plus indispensable que l’augmentation de la population humaine nécessitera d’ici l’an 2100 de doubler la production agricole : or les insectes font perdre près de 30% de la production de riz dans le monde... le riz qui constitue la nourriture de base des trois quarts de la population des pays en voie de développement.

Une lutte sans merci est engagée entre l’homme du XXe siècle et l’insecte, lutte qui revêt des aspects originaux grâce aux résultats de la recherche la plus performante - dont le génie génétique. Mais elle doit aussi s’appuyer sur l’existence d’une limitation naturelle des populations d’insectes. Ils ont, heureusement pour l’homme, de nombreux ennemis : parasites et prédateurs qu’il faut savoir préserver. Car les relations entre l’homme et ses productions, végétales et animales, et le monde des insectes sont complexes.

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