22 janvier 2013

Vive la malbouffe ! de Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet et Olivia Recasens

Vive la malbouffe !
écrit par Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet
et Olivia Recasens
illustré par Wozniak

Voici le premier guide enthousiaste de la malbouffe ! Comme elle est partout, il s’agit donc de positiver ! Le lecteur pourra ainsi, à coup sûr, choisir les tomates les plus insipides, apprendre à reconnaître les pommes qui ont reçu le plus de pesticides, se préparer à déguster les poulets javellisés importés des Etats-Unis, dénicher les produits les plus gras, s'extasier devant l'inventivité de l'agro-industrie : l'huile de moteur dans l'huile de tournesol, les vieux fromages réincorporés dans les fromages fondus, le pain industriel fabriqué à partir de pâte surgelée, etc.

Visitez la France des abattoirs qui ne respectent pas les normes d'hygiène, les saumons d'élevage assaillis par les poux de mer, les élevages de veaux piqués aux anabolisants et hormones de croissance ! Découvrez les lobbys qui à votre insu rajoutent du sel dans vos plats préparés, bourrent vos enfants de sucreries, assaisonnent d'allégations santé fantaisistes leurs pubs pour yaourts... Et bon appétit à tous !

Illustré par les dessins de Wozniak, ce guide est composé de textes courts et drôles reprenant des informations servies toutes chaudes dans la rubrique spécialisée d'un célèbre hebdomadaire satirique. Elles ne dépassent pas la date de péremption, promis !

Vive la malbouffe ! écrit par Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet et Olivia Recasens, illustré par Wozniak, Editions Hoëbeke, 2009, 192 pages

A propos des auteurs

Christophe Labbé et Olivia Recasens sont journalistes au Point. Jean-Luc Porquet et Wozniak sont journaliste et dessinateur au Canard enchaîné.

Pour en savoir plus

- Le site des Editions Hoëbeke
- L'excellent documentaire Ces animaux malades de l'homme
- Toxic Food, de William Reymond
- Mauvaises nouvelles de la chair, de Marie Rouanet
- La rubrique Industries et lobbys pour d'autres livres sur le même thème

"Animal on a mal"
un article de Jean-Luc Porquet,
paru dans "Le Canard Enchaîné" du 14.03.2007

L'agro-alimentaire est là pour nous régaler, mais elle fait surtout "déguster" la planète. La faute à qui ? A tous : du consommateur à l'agriculteur. C'est ce qu'en conclut Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard qui, de sa plume aiguisée, traite la sortie du film-documentaire "Notre pain quotidien". A voir résolument, même si cela nous renvoie tous devant notre responsabilité collective mais aussi individuelle...

Tiens, si on parlait des animaux ? On ne les entend pas beaucoup, dans cette campagne. Nous autres humains avons déjà assez à faire : s'il fallait, en plus, s'occuper des bestioles, n'est-ce pas...

Voici pourtant l'occasion : pour le film "Notre pain quotidien", qui sort cette semaine, Nikolaus Geyrhalter a planté sa caméra dans les abattoirs, les élevages industriels, les serres géantes, les champs, les mines de sel, les vignes de notre moderne Europe. Il nous montre ce que nous n'aimons pas voir : comment fonctionne l'énorme machinerie grâce à laquelle nous remplissons nos assiettes.

Non, nous ne voulons pas voir ces milliers d'animaux qui passent leur vie entassés, enfermés dans leurs boîtes, leurs cages, leurs prisons ; voir ce boeuf qui tremble de terreur devant le tueur qui va l'exécuter d'un coup de pistolet électrique, et son cadavre être retourné par un robot, saisi par les pattes arrière, suspendu à la chaîne, et son successeur s'affoler à cette vue, rouler des yeux effarés et trembler devant le pistolet qui s'approche... C'est trop facile de jouer sur notre sensibilité de citadins, sur notre, lâchons le mot, sensiblerie.

Nous savons bien qu'on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs ni de steaks saignants sans tuer les boeufs. Ne nous montrez pas ces robots qui tuent, éventrent, découpent, trient ; et qui laissent à de rares salariés le soin de faire ce que les machines ne peuvent encore exécuter habilement, édenter les porcelets, leur couper la queue, etc. Ne nous montrez pas ces ouvriers solitaires, enfermés dans le mutisme et le boucan mécanique, esclaves de la cadence imposée par la machine, cheptel pas moins entravé que l'autre.

Que l'industrie agroalimentaire n'ait plus aucun rapport avec la ferme d'antan ; que le vivant y soit formaté pour la consommation de masse ; que ses méthodes déshumanisent, nous le savons, évidemment. Mais nous préférons croire au monde enchanté des publicités, où de braves paysans aux tronches authentiquement "à l'ancienne" nous vantent leurs "produits du terroir". Nous voulons du rêve et de la légende, pas du réel.

La dernière fois qu'on nous a parlé d'animaux, c'était il y a un mois, lorsque le virus H5N1 a débarqué dans un élevage de dindes anglais. 860 bêtes en sont mortes, mais, plutôt que de soigner ou d'épargner les autres, on a préféré les tuer. 160.000 dindes exécutées. Oublions vite. Arrêtez de nous parler des animaux...

Jean-Luc Porquet

Le même article en image


La loi de la "junk"
un article de Jacky Durand
paru dans Libération du 08.06.2009

C’est le genre de bouquin qui vous donne envie de hurler "Beurk !" au fond de votre cuisine. Et pourtant quel délice salutaire de dévorer Vive la malbouffe ! Parce que ce bouquin va décomplexer tous les névrosés du rata, les angoissés du graillon, les frigides du fourneau, les toxicos de la junk food en leur démontrant magistralement une évidence : la malbouffe est partout dans notre assiette , des amuse-bouche aux mignardises, en passant par entrée-plat-fromage-dessert et quart de rouge compris. Et ne rigolez plus à la truffe de votre clébard quand il s’enfile son infâme pâté ou ses croquettes qui fouettent : "27% des produits alimentaires premier prix vendus en France sont au-dessous des normes de qualité exigées pour les aliments pour chien et chat." C’est le docteur Christian Recchia, éminent chercheur en science des aliments et expert en "stratégie qualité" pour 27 filières agroalimentaires, qui le dit dans le livre. Vous reprendrez bien un peu de Canigou ou de Ronron ?

Allez, on range nos boulettes à deux balles pour s’attabler devant un autre constat majeur de Vive la malbouffe ! : on ne sait plus à quoi ressemble la queue d’un radis, une plume de poulet ou une écaille de hareng parce que 70% de la production agricole est directement acquise par les industriels de l’agroalimentaire qui achètent à notre place les produits frais. Vous n’êtes toujours pas rassasié. Alors voilà par le menu quelques tranches de Vive la malbouffe !

Apéro

Vous prendrez bien un petit verre de vin, mais gare au truandage en bouche, du genre vin en camion-citerne déguisé en AOC. Les auteurs citent une étude de la répression des fraudes sur les vins servis durant l’été 2004 dans 4.000 établissements français : près du tiers était en infraction, la palme revenant à un restaurateur de Haute-Garonne, dont la carte affichait 45 "erreurs" sur les 50 bouteilles proposées. Et puis, vous grignoterez bien une petite rondelle de saucisson : "Une équipe de l’Inra a découvert que deux staphylocoques (carnosus et xylosus) pouvaient enrichir les saucissons en cétones, des composés organiques qui dégagent de délicieuses odeurs épicées." Vous pourrez aussi croquer dans un cornichon. Ceux de Bangalore en Inde où poussent 60% de la production mondiale achetée 20 centimes d’euro le kilo aux paysans locaux. "Petit hic : comme il fait très chaud à Bangalore, les bactéries transmises par les insectes sont plus coriaces et il faut utiliser plus de pesticides pour en venir à bout."

Entrée

Ah, les bonnes tomates aux pesticides arrosées d’une huile d’olive qui n’a rien de vierge. Vive la malbouffe ! cite les joyeusetés débusquées par la Répression des fraudes en 2007 : "Des huiles d’olive composées pour plus de moitié d’huiles de tournesol, l’incorporation de graisses industrielles et d’huile de grignon (en clair, du tourteau d’olives, le déchet qui reste après le pressurage des olives), des huiles espagnoles bas de gamme changées en huiles d’olive françaises…" Quant à la tomate, elle a perdu de ses arômes et sa chair est farineuse depuis que "dans les années 90, on l’a dotée d’un gène qui lui a permis d’allonger de trois semaines sa durée de vie après cueillette".

Poisson

Vous préférez ouvrir une boîte de sardines ? Attention, vous n’avez qu’une chance sur vingt et une de tomber sur de véritables sardines depuis que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a contraint l’Union européenne à accepter que sous l’appellation "sardine" soient vendus la sardinelle, le hareng, le spart ou le sardinop du Pérou, soit au total 21 "produits de type sardine". Vous voulez vous consoler avec une poêlée de coquilles Saint-Jacques ? Alors gaffe aux tricheurs nous expliquent les auteurs de Vive la malbouffe ! : certains n’hésiteraient pas à tremper dans l’eau les noix de Saint-Jacques pour qu’elles pèsent 30% de plus sur la balance…

Volaille

Il faut pas moins de 84 jours pour qu’un poulet élevé en plein air atteigne son poids d’abattage contre 40 jours pour un poulet industriel. Cherchez l’erreur ? Une "viande dure et fade" pour le volatile qui a poussé le plus vite.

Viande

C’est une triste vérité : le cochon industriel (corps allongé pour accueillir plus de viande autour de la colonne vertébrale, cuisses musclées pour donner de beaux jambons) a un petit moral. La faute à un gène d’hypersensibilité au stress dont il est affublé et qui peut le terrasser d’une crise cardiaque à la moindre contrariété. Du coup, certains cherchent à leur offrir de meilleures conditions de vie. A quand les saucisses au Prozac ?

Légumes

Sachant qu’avec 77.000 tonnes utilisées par an, la France est le troisième plus gros consommateur de pesticides au monde, ça fait réfléchir quand on doit manger cinq fruits et légumes par jour. Si vous optez pour le bio, il n’y en aura pas pour tout le monde, puisqu’en France l’agriculture biologique ne couvre que 2% des surfaces cultivées. Et puis ça coûte de l’oseille de becqueter sain : "Manger entièrement bio revient 50% plus cher", explique Vive la malbouffe !

Fromages

Edifiant ce constat : "Depuis un décret pondu en avril 2007, les fromages 'fermiers' n’ont plus besoin d’être fabriqués de A à Z à la ferme. Un industriel peut faire la tournée des éleveurs pour acheter le fromage en blanc (caillé, égoutté et moulé), l’affiner dans son usine, puis coller dessus l’étiquette 'fermier' et le prix qui va avec (jusqu’à 20% plus cher en épicerie fine)."

Dessert

Envie d’une petite glace ? Pleine de sirop de maïs (à la place de sucre blanc), d’arômes plutôt que de vrais fruits, de lactosérum et de vent. Oui de vent car il suffit d’insuffler de l’air dans un sorbet industriel pour lui faire prendre du volume. Que Choisir révélait ainsi en mars 2008 qu’un sorbet d’une grande marque de surgelés n’affichait sur la balance que 561 grammes de matière par litre…

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