L'avant-propos
Ce livre est un témoignage, un drame de conscience et non une dénonciation.
Il n'a pas été fait contre une cible particulière. Il n'est qu'un passage dans le temps, d'un univers sordide. Il est un exemple afin de continuer à méditer sur la façon dont se fait l'expérimentation animale. C'est un vieux débat... Une habitude ancrée dans un système archaïque et peu scrupuleux de la loi, de la vie, de l'environnement.
A travers ce livre, c'est l'histoire d'un homme - Samir MEJRI - qui, à un moment de son existence, avait le choix entre le "chrome" et la "vie réaliste". Un homme qui se sentait floué dans le plus profond de sa chair. Au-delà du numéro de Sécurité Sociale, du confort matériel, de la considération de ses proches, il n'arrivait pas à coller avec la "vérité du sujet". Quitter ce monde de tortures, d'expériences, devenait une obsession. Malgré toute la sécurité de l'embauche que cet emploi lui donnait, il ne pouvait cautionner cet univers de honte. Il voulait bien croire qu'il était heureux, mais la pilule ne passait pas.
Pourtant des "galères", il en avait vécues. Il sortait avec sa femme d'un trou noir. Mais rien ne pouvait justifier sa fiche de paye et son confort illusoire. Sa prise de conscience l'a remis dans le trou noir... le couple est reparti "aux galères", mais libre... Deux ans dans un laboratoire c'est une expérience longue et douloureuse. Ses proches ne comprenaient pas pourquoi il avait fui la "sécurité de l'emploi". A force d'être harcelé, Samir MEJRI a décidé avec l'aide d'un copain d'écrire son témoignage. C'est pour cela que "Victimes Silencieuses" existe. Il dénonce le vaste trafic de chiens et chats vendus secrètement et illégalement. Mais, il faut savoir aussi qu'il existe une vente par correspondance et sur catalogue - tout à fait légale - des animaux destinés à la vivisection.
Des chercheurs de tous poils et de tous domaines s'intéressent aux résultats de l'expérimentation animale. Derrière cet intérêt se cache le plus sordide massacre des innocents. Si nous avons falsifié les noms des personnes et des lieux, c'est par pudeur. C'est aussi pour ne pas donner prise à une querelle de personnes. C'est enfin, dire que ce témoignage aurait pu avoir lieu dans n'importe quel laboratoire de vivisection. Ces laboratoires ont "pignon sur rue".
L'homme s'est protégé contre les abus de l'expérimentation en décembre 1988. A quand la protection contre les abus de l'expérimentation sur animaux ? Les positions antagonistes s'accentuent. L'Académie des sciences, partant du principe que la condition de l'espèce humaine est une priorité absolue, indique : "compte tenu de la complexité du vivant, l'expérimentation animale ne peut être abolie. La même Académie souhaite que les conditions d'élevage, de transport et de stabulation des animaux destinés à l'expérimentation obéissent aux règles strictes de l'éthique et que soient offertes aux laboratoires des possibilités d'approvisionnement dûment organisées et réglementées". On peut voir l'écart entre ce qui se pratique tous les jours et ce que l'autorité réclame.
L'éthique ?... "Il n'y a pas d'éthique humaine qui soit séparée de l'éthique animale", disait le professeur Schwarzenberg... A la veille du 21e siècle, nous disons que l'éthique humaine, animale, végétale sera une nécessité pour la survie de la planète. On a vu naître des comités d'éthique dans le domaine médical... A quand les comités d'éthique dans le domaine animal ?... Végétal ?... Là est notre combat... faire évoluer les méthodes dépassées de l'expérimentation animale et... végétale, c'est contribuer simplement à l'évolution de l'homme.
C'est pour ces raisons que nous publions ce témoignage.
L'éditeur
Victimes silencieuses, Samir Mejri, Préface : Brigitte Bardot, Editions Terradou, 1991, 240 pages
A propos de l'auteur
Samir Mejri fut recruté comme animalier par un laboratoire pharmaceutique en 1988. Il démissionna quelques mois plus tard, profondément choqué par l'atrocité des expériences pratiquées sur les animaux et par l'indifférence, voire le sadisme, du personnel du laboratoire. Il a écrit "Victimes Silencieuses" pour témoigner de ce qu'il avait vu.
Pour en savoir plus
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Cet article reproduisant d'autres extraits
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Cette liste de marques de produits d'entretien et cosmétiques non testés sur les animaux (format PDF), que vous trouverez facilement dans les magasins de produits biologiques
- Les rubriques
Expérimentation animale et
Industries - Lobbies
Extraits
P80-P85
../.. - En ce moment, me dit tout excitée Mme Tristaut, nous cherchons à connaître les potentialités du BL13196 [le numéro de la substance est faux volontairement] dans le cas d'une ischémie cérébrale, afin de contrer les effets du P.A.F.
Tout cela me semble très intéressant et pour une fois je suis impatient de finir mon repas pour descendre au sous-sol ! Je savais qu'ils faisaient leur manip sur des gerbilles, raison pour laquelle je ne cessais d'apprendre l'anatomie de ces petits animaux, mais je croyais que l'on faisait ça sur des animaux morts. Mme Tristaut ressort de l'animalerie avec un chariot contenant plusieurs caisses de gerbilles, pourtant bien vivants.
Avec une rapidité et une précision étonnante, Mlle Dupont rentre sa main dans une caisse, en sort un gerbille qu'elle tient par le cou, le pose sur la balance électronique bien incapable de donner un chiffre stable car le gerbille ne cesse de se débattre, ses petites pattes glissant sur le plateau en aluminium. La technicienne n'a donc qu'une idée approximative du poids de l'animal. Bien difficile d'évaluer, dans ces conditions la dose d'anesthésique calculée en fonction du poids de chaque animal.
Après les quelques secondes passées sur la balance, la technicienne, sans relâcher son étreinte, pose le gerbille sur la paillasse et le plaque sur le dos. De peur, ou bien du fait que la technicienne appuie trop fort avec son autre main sur son ventre, le gerbille se pisse dessus. En un éclair, l'animal reçoit sa dose d'anesthésique, là où c'est possible. Pendant ce temps, Mme Tristaut scotche sans ménagement les petites pattes. Je vois se reproduire l'opération une centaine de fois, avec une dextérité qui ne saurait dater de l'expérience d'une ou deux manips, mais bien de milliers de gerbilles. Je me souviens avoir souri nerveusement en pensant à la parodie du travail à la chaîne de Charlie Chaplin dans "Les Temps Modernes". J'ai bien dit "nerveusement", car la vision de ces petits corps alignés, se pissant dessus de trouille et essayant vainement de décoller leurs petites pattes du ruban adhésif, n'a rien de vraiment comique, enfin pour moi ! Car tout en s'exécutant, ces demoiselles racontent la dernière blague du laboratoire qui consiste à mesurer, ou à défaut d'évaluer, la longueur du pénis de leurs hommes afin de pouvoir comparer ! Aussi odieux que cela puisse paraître, c'est néanmoins la vérité, c'est dire le degré d'endurance à infliger la souffrance à autrui qu'elles ont atteint.
Mlle Dupont revient alors au premier de la file qui est loin d'être endormi. Soit que la dose d'anesthésique eut été trop faible, - on préfère largement sous-anesthésier car le contraire risquerait de tuer l'animal, ce qui impliquerait une perte de temps - soit qu'il se soit déjà réveillé alors que les techniciennes étaient en train de s'occuper du centième. En fait d'anesthésie, cela se rapproche plus d'une prémédication, un peu comme si on vous donnait un comprimé de valium avant une opération !
J'ai devant moi, la preuve flagrante que la tentative d'anesthésie selon les règles, n'est pas possible. En pratique on sautera cette étape.
- C'est comme un cercle vicieux, me dit Mme Tristaut.
- C'est du temps perdu pour rien, conclut Mlle Dupont.
Il faut se rendre à l'évidence, pourquoi perdre son temps à injecter la graduation exacte d'anesthésique à ces bestioles, puisque de toute façon une fois arrivé au centième le premier se réveille !
Mlle Dupont, braque, ensuite, une lampe forte sur le premier gerbille et tout en maintenant sa petite tête plaquée en arrière, elle fait une entaille avec le scalpel à hauteur du larynx. L'incision du scalpel arrache des petits cris de douleur au gerbille, qui ne se doute pas que son calvaire ne fait que commencer.
Elle écarte avec une pince la chair déjà entaillée permettant à la lame de s'enfoncer plus profondément, jusqu'à la dénudation des artères carotides. Le gerbille souffre de plus en plus le martyre. Malgré l'expression de ses tous petits yeux larmoyants, des mouvements violents de ses petites pattes et des tentatives de morsures désespérées sur la main de la technicienne, celle-ci continue. Elle remplace son scalpel par une autre pince qui lui permet de crocheter les carotides et de les tirer vers elle légèrement, la moindre précipitation risquant d'aboutir à leur éclatement. Puis elle glisse sous les artères un gros fil chirurgical permettant de maintenir les carotides hors de l'orifice qu'elle attache à la manière d'un "noeud papillon". Le gerbille est alors prêt à être clampé [clampage : occlusion momentanée d'un vaisseau pour arrêter son courant intérieur]. Elle passe au suivant. Une centaine d'autres subissent le même calvaire, une dizaine mourront. Pendant l'opération, il faut éviter de trancher une veine ou une artère. Dans ce cas le sang gicle aussitôt, arrosant la paillasse, les murs et la figure de la technicienne qui se trouve penchée sur l'orifice. Elle s'essuie d'un revers de manche. Pendant ce temps, le gerbille meurt à petit feu, son sang continuant de couler peu à peu. Pour les autres la manip ne fait que commencer. Il faudra que le premier attende que la technicienne ait fini de s'occuper de ses confrères. Puis, elle leur injecte les produits dont je vous ai parlé plus haut, et elle clampe les artères carotides à l'aide de petites pinces. Le temps leur est alors compté, car il faut pouvoir clamper toutes les gerbilles en moins de dix minutes, temps imparti pour revenir déclamper et procéder à une autre injection. Tout se fait à cadence accélérée. La scène n'en est que plus impressionnante.
A ce stade-là, la majorité des animaux sont, soit morts, soit dans un coma irréversible. Afin de savoir dans quelles parties du cerveau les produits ont réagi, et en quelles proportions, les techniciennes prennent les corps des gerbilles inertes et coupent à l'aide de gros ciseaux les petites têtes. Les corps décapités tombent, les uns après les autres, dans un sac poubelle en plastique. J'entends encore aujourd'hui le bruit que font les corps qui s'accumulent dans le sac, agité par saccade, des derniers soubresauts de ces petits êtres.
Avec moins de soin que si elle épluchait des oignons, Mme Tristaut, cigarette à la bouche, découpe les minuscules têtes pour en extraire le cerveau qui sera pilé dans le mortier électrique. Après centrifugation de la bouillie obtenue et grâce au marquage préalable du P.A.F par des substances radioactives, on réussit à en déduire sur quel type de cellule cérébrale le P.A.F. ou son antagoniste le BL13196 est le plus actif.
Pour les gerbilles dont le malheur est d'avoir survécu, on enlève le fil maintenant les carotides à l'extérieur, puis on referme l'entaille dans le cou avec des agrafes chirurgicales. On les "jette" ensuite dans une espèce de cage vitrée, afin de pouvoir les observer et faire des études comportementales. Ces pauvres gerbilles offrent un bien triste spectacle, leur cerveau partiellement détruit à cause de l'arrêt de la circulation, ils s'agitent comme des pantins désarticulés dans des mouvements désordonnés et violents, ou bien se traînent lamentablement une, ou plusieurs parties du corps, paralysées.
Une gerbille est soudainement prise par une de ces crises. Comme si son petit corps était possédé, elle se met à s'agiter par saccades, si violemment que les agrafes, maintenant l'entaille dans son cou, fermée, se détachent, provoquant une hémorragie. Le sang jaillit aussitôt de l'orifice arrosant les vitres de sa cage comme si une explosion venait de se produire.
A la fin de la manip, et après avoir vu tout ce sang gicler, je suis comme groggy par tant de souffrance. A plusieurs reprises j'ai fermé les yeux, je me suis crispé en entendant les cris des gerbilles. Sans qu'elles se moquent franchement de moi, j'ai surpris Mlle Dupont et Mme Tristaut échanger des regards qui ne prêtaient guère à confusion, ma sensibilité est considérée par elles comme de la sensiblerie. Dire qu'il y a tellement d'animaliers qui rêvent de devenir technicien de laboratoire et s'exécutent sans rechigner dans ce genre de manip, moi, à qui on offre cette place en or sur un plateau, je fais le difficile pour quelques cris d'animaux alors que l'on fait preuve à mon égard de tant de patience. ../..
P87-P90
../.. Ce mois de septembre s'annonçait aussi prometteur que les deux mois de bonheur que nous venions de passer. Je reçois enfin le coup de fil du concessionnaire m'annonçant la livraison de ma voiture. Je la bichonne, comme un gosse, et je suis fier de cette ostensible preuve de mon nouveau statut social.
Pourtant un beau matin de ce mois de septembre, je rentre dans l'animalerie des petits rongeurs pour donner à boire aux animaux lorsque j'entends des cris de lapins, comme je perçois également le bruit de ciseaux que l'on pose sur la paillasse, mon intuition me dicte de rentrer à pas feutrés pour surprendre ce que l'on pouvait bien faire à ces lapins avec des ciseaux alors qu'on ne leur fait habituellement que des prises de sang. J'étais loin de me douter de ce que j'allais découvrir !
Je vois la Berthe en train de choisir un lapin dans les cages que l'on venait de livrer. Elle pose le lapin sur la paillasse et lui coupe les oreilles, mais pas d'un coup net, elle fait une entaille puis arrache la partie restante. Elle s'y reprend à deux fois, le lapin se débat avec frénésie, il n'a aucune chance, fermement aplati par la grosse main de Berthe. Il a ses oreilles qui pendouillent encore par un petit bout de chair. Elle ne s'est toujours pas aperçue de ma présence, bien trop concentrée sur son travail de boucher. Moi, je sens la haine monter en moi, mais la stupeur me fige et m'empêche d'agir. Berthe reprend les ciseaux et assène des coups de pointe sur la tête du pauvre lapin. Le sang gicle et coule à flots. Puis calmement, elle va mettre le lapin dans une cage sur le chariot. C'est à ce moment qu'elle m'aperçoit.
- Ça va pas la tête ! Pourquoi tu les fais souffrir comme ça ?
- Fais pas ch..., occupe toi de tes oignons !
me répondit-elle après avoir maîtrisé l'effet de surprise. Puis elle sort le buste droit en jouant l'imposante.
Je suis abasourdi par tant de cynisme. Je l'entends dans le couloir en train de m'insulter, mais mon attention reste fixée sur les gouttes de sang qui vont de la paillasse aux cages des lapins. Apparemment ce n'est pas le seul qu'elle a "opéré", je regarde dans les cages et je n'ai pas de mal, au milieu de ces lapins blancs immaculés, à en découvrir également deux autres dans un état lamentable, la tête en sang, les oreilles arrachées, il y en a même un qui a un oeil crevé. Mais pourquoi ?
Bien décidé à en découdre avec cette salope, je sors comme un fou furieux de l'animalerie à la recherche de la grosse Berthe.
Mme Tristaut qui a entendu Berthe gueuler dans le couloir que je n'étais qu'une poule mouillée et autres insultes relatives à ma sensibilité avec les animaux, m'appelle. Elle me dit que Berthe est allée voir le pharmacologue au rez-de-chaussée :
- Calme-toi Samir, viens. Je vais t'expliquer, mais calme-toi !
Elle m'amène en salle de stérilisation.
- Ne te mets pas dans un état pareil pour si peu, tout le monde est au courant de la magouille de Berthe et Farid avec les nouvelles livraisons.
C'est la douche froide ! Je suis prêt à lui couper les oreilles à la grosse, et Mme Tristaut est en train de me dire que tout cela est normal, que tout le monde est au courant, mais pour trois lapins, ce n'est pas la peine de faire un tel cinéma !
Calmement Mme Tristaut m'explique :
- Berthe est montée voir le pharmacologue pour lui dire qu'il y a trois lapins qui sont inutilisables dans la nouvelle livraison, comme ça elle se les met de côté. C'est tout.
Elle m'explique cela avec un tel naturel que je reste cloué sur ma chaise. Alors que Mme Tristaut, satisfaite de m'avoir calmé, s'en va, j'essaie de comprendre. Et puis "Tilt", étais-je naïf ! Berthe esquinte les oreilles des lapins pour faire croire que les blessures résultent de bagarres, voilà pourquoi elle ne les coupait pas "proprement" d'un coup net. Les coups de pointes de ciseaux étaient censés simuler des morsures. J'avais effectivement déjà vu des lapins s'amocher au cours de combats, la promiscuité dans laquelle ils vivent, quatre, parfois cinq par cage, ne pouvant que favoriser ce genre de "défoulement" sur un de leur congénère plus faible. Les oreilles ainsi abîmées, le lapin est en effet "inutilisable" puisque c'est sur les oreilles que l'on pratique les prélèvements sanguins.
La Berthe se choisissait donc trois beaux spécimens, garantis exempts de toutes contaminations puisqu'ils venaient d'élevages spécialisés dans l'approvisionnement des laboratoires ; elle leur tailladait les oreilles, puis allait voir le pharmacologue responsable de la "marchandise" pour lui rapporter, d'un air faussement affecté, qu'une fois de plus il y avait trois "rebuts" dans la nouvelle livraison, et qu'il faudrait en recommander trois autres. Le pharmacologue qui s'en tape comme de sa première chaussette, félicite Berthe pour sa conscience professionnelle. Une fois obtenue la bénédiction du pharmacologue, rien n'empêchait plus Berthe et Farid de se "mettre les lapins de côté" et de se les préparer au vin blanc.
Tout le monde le sait et tout le monde s'en fout. ../..
P97-P101
../.. Un jour Farid vient me trouver :
- Samir viens voir, je vais te montrer comment on nettoie la "pièce noire."
C'était la première fois que j'entendais parler de la "pièce noire", mais son invitation ne m'incita pas à la curiosité. J'étais plutôt porté à la rigolade car je devinais que l'ami Farid, arrivait avec ses gros sabots et l'idée de m'apprcndre quelque chose dont je n'étais pas encore au courant, pour pouvoir dire "maintenant tu sais tout, tu peux rentrer dans les tours de garde comme tout le monde." Il n'était pas très futé le Farid !
- Te fatigue pas Farid, lui répondis-je, je ne les ferai jamais les tours de garde.
Il affiche un air surpris, il ne devait pas avoir prévu ce genre de réaction ! Puis, récusant toute manoeuvre intéressée, il m'invite de nouveau :
- C'est juste pour voir, qu'est-ce que tu vas imaginer là !
Amusé de le laisser s'empêtrer dans sa propre combine, je lui déclare :
- Ha ! alors, si c'est pas intéressé !
Je me décide à le suivre. Il passe d'abord dans l'animalerie des lapins pour y prendre une clé camouflée derrière la porte. Au passage, il déroule la lance à incendie et la tire avec lui tout en se dirigeant vers la porte de sortie de secours tout au bout du couloir, à part arroser les plantes dehors, je me demande ce qu'il peut bien m'emmener faire. Avant d'arriver au bout du couloir, il s'arrête et ouvre une porte sur sa gauche.
- Elle est bien bonne celle-là, il y a une porte ici ! dls-je étonné.
Je ne l'avais même pas remarquée, d'abord parce qu'il n'y avait rien à faire au bout du couloir, et puis parce que cette porte sans poignée était confondue avec le prolongement du mur, le genre de porte qui vous fait penser à un placard à balais.
Farid tourne la clé, et ouvre. Une odeur pestilentielle me pique les narines et me fait bloquer la respiration. Je ne puis m'empêcher de lui dire à quel point ça pue, alors qu'il repart mettre la lance sous pression.
- Tiens la lance me dit-il.
Je m'exécute et tout en mettant mon tee-shirt au dessus du nez, je tente de regarder ce qu'il peut bien y avoir derrière cette porte : une autre porte ! Entre les deux une trentaine de centimètres comme dans un petit sas. Le temps que Farid revienne, je remarque que la deuxième porte est faite dans une espèce de plexiglas transparent, mais la pièce de l'autre côté est dans le noir complet.
- C'est une porte de protection au cas où il y en aurait un qui te sauterait dessus, la lumière est à côté de toi, me dit Farid.
J'actionne l'interrupteur, un peu anxieux "qu'un me saute dessus". Je suis sûr qu'il veut se payer ma tête avec ses idioties, et je suis en train de marcher dedans à fond !
A travers la porte en plexiglas maculée de souillures de bas en haut, j'entr'aperçois des formes qui se déplacent rapidement pour converger dans l'angle opposé à la porte. Farid ouvre la porte en plexiglas et je vois pour la première fois l'animalerie des chiens.
C'est une pièce toute carrelée, sans autre ouverture qu'une petite bouche d'aération au plafond, un trou au milieu du sol pour évacuer les immondices, et la porte en plexiglas. Celle-ci étant toujours fermée, les chiens sont dans le noir 24h sur 24.
Les chiens sont loin d'être des Beagles que ces messieurs prétendent utiliser exclusivement. Il y a là un cocker, des sortes d'épagneuls bretons, un fox terrier et des chiens de berger bâtards. Ils sont tous dans un état pitoyable, n'ayant pas d'autre endroit pour vivre que ce carrelage détrempé d'urine et plein d'excréments, ils sont d'une saleté repoussante, l'odeur de la pièce, sans aération digne de ce nom est réellement suffocante. Les chiens sont là, tremblant de peur. Ils s'entassent les uns sur les autres dans ce coin de la pièce cherchant désespérément à enfouir leur tête et leur corps squelettiques sous ceux de leurs confrères d'infortune, afín d'échapper à la lumière qui les aveugle.
Fartd, totalement insensibilisé, m'explique qu'il suffit à l'aide du jet d'eau, de ramener toute la merde dans le trou du milieu de la pièce par où s'écoule l'eau, je regarde ces êtres fantomatiques au regard soumis, tenter d'éviter le jet d'eau en glissant sur le carrelage mouillé. J'ai peut-être vu ce jour là, sans le savoir, la tendre boule de poils qui vous manque tant.
Une fols sa corvée de nettoyage terminée, Farid prend deux poignées de biscuits secs dans un sac entreposé dans le sas et les jette à même le sol mouillé. Les plus forts se jettent dessus, le petit cocker et un épagneul breton se contenteront de quelques miettes, il y a une sorte de pointer dans le coin, le corps secoué de tremblements, le regard vide, qui ne bouge même pas. D'autres lèchent le carrelage fraîchement mouillé, il n'y a pas de gamelle dans la pièce. Puis Farid referme la porte, un chien aboie, il éteint la lumière et tire la porte donnant dans le couloir, les aboiements deviennent presque inaudibles. Je sais maintenant d'où venaient ces hurlements étouffés que j'entendais plus nettement aux WC, et cette puanteur qui était soi-disant due "à des remontées d'égoûts".
Je suis profondément écoeuré, je sens mon estomac se contracter. Farid, lui, enroule tranquillement le tuyau de la lance à incendie, puis passe la serpillère :
- Fais gaffe, il reste toujours un peu d'eau dans la lance, la dernière fois je me suis fait engueuler d'avoir foutu de l'eau partout.
La seule préoccupation de ce demeuré c'est de ne pas mettre de l'eau par terre après avoir refermé la porte sur ces êtres vivants, sensibles et capables de tant d'affection envers les hommes. La dernière récompense à leur dévouement sera donc cette "pièce noire" infâme et puante. ../..
P104-P108
../.. En passant devant la porte entrouverte, j'entends les gémissements d'un chien. Mais des gémissements faibles et très lents, une plainte langoureuse dont l'intensité sonore est basse, mais dont l'intensité émotionnelle est telle qu'elle s'infiltre en moi, et me bouleverse. Il y a dans cette complainte ce quelque chose d'universel, qui malgré la barrière de la langue, ou de l'espèce, vous fait ressentir avec acuité la souffrance d'autrui. Involontairement mon souffle se synchronise avec celui de l'animal. Mon coeur bat à toute vitesse alors que je pousse doucement la porte, puis j'ai la sensation qu'il s'arrête, alors que le souffle de l'horreur percute mon cerveau avec violence.
Le chien est là, sur une grosse table en aluminium, allongé sur le dos. Les pattes attachées en croix, essaient dans des mouvements de torsion, arrachant la peau et les chairs, de se libérer de ces lanières que j'avais découvertes dans un évier quelque temps auparavant. Des tas de tuyaux sortent de son ventre ouvert, je vois les intestins à nu, monter et descendre au rythme des mouvements respiratoires, au rythme des gémissements. Je m'avance pour voir la tête du chien. Sa gueule est maintenue grande ouverte par un grossier appareillage en fer. C'est alors qu'il pose son regard sur moi. Je comprends ce qu'il me dit, sans mot, au travers de ses yeux larmoyants d'où émane une tristesse qu'il me transmet, il implore ma pitié.
C'est alors que le pharmacologue qui était penché au dessus du congélateur, se redresse et me voit. Il a une canette de bière à la main, et sur son bureau traîne un sandwich huileux. Il a encore la bouche à moitié pleine lorsqu'il m'engueule :
- Qu'est-ce que tu fous là I Tire-toi vite. Tu gênes avec tes microbes, tire-toi et ferme cette porte !
Si je vous décris objectivement le pharmacologue qui s'occupait de la salle de cardio, vous allez croire que j'exagère, et pourtant !
Franck a la quarantaine, il est gros de partout : du double menton aux doigts boudinés, la graisse a tout investi. Il sue à grosses gouttes du matin au soir, été comme hiver. Il boit son pack de bière qu'il amène tous les jours avec lui, il a sa bouteille de rouge dans le placard des couverts au self. Il parle fort et grossièrement, toujours en train d'essayer désespérément de se rendre intéressant auprès de la gente féminine avec ses blagues de cul, sans s'apercevoir du dégoût qu'il inspire.
Cela paraît peu vraisemblable qu'un tel personnage puisse travailler dans une unité de recherche au sein d'une multinationale pharmaceutique et pourtant, je n'invente pas ce personnage pour les besoins d'un roman, c'est la vérité. Cet être abject, le "gros porc" comme tout le monde l'appelait, avait la responsabilité des expériences de cardiologie menées sur les chiens.
Je ne réponds pas à son invitation si poliment exprimée, de sortir sur le champ de son labo. La scène de ce chien qui continue de gémir pendant que cet être immonde boit goulûment sa canette de bière en rotant, me révolte au point que je ne puis décrocher mes yeux de ceux du chien. Franck doit réaliser que je suis l'animalier "neveu du directeur" car il change soudainement de ton :
- Ah ! Mais t'es Sarnir ! C'est qu'ils m'emmerdent à rentrer dans mon labo comme dans un moulin, alors j'en ai un peu marre, tu comprends ?
Je comprends surtout que l'excuse des microbes était un mensonge, lui qui bouffe son sandwich et pue la transpiration, il n'en apporte pas des microbes ? Et si l'affirmation selon laquelle il s'agissait de chiens amenés par la S.P.A au lieu d'être euthanasiés au refuge était elle aussi un mensonge ?
- Ce chien n'est pas anesthésié ?
- Bien, si t'anesthésies le clebs, vu qu'on fait des recherches sur une nouvelle substance, on veut être sûr que les résultats ne seront pas faussés par aucune autre substance.
Ils s'étaient payés ma tête avec le coup des lambeaux de peau sur les lanières. "Ils sentent rien, ils sont anesthésiés" m'avait dit Berthe. Sous mes yeux je vois les pattes entaillées jusqu'aux tendons continuer à tirer sur les liens.
Mais alors, cela devait être également des mensonges leur histoire de gerbilles qui ne souffrent pas ! Et d'où viennent tous ces chiens, je ne peux plus croire que ce soit la S.P.A qui les amène à ces bourreaux. Mais bon sang, on se fout de ma gueule depuis le début ! Je sais maintenant pourquoi Paul ne voulait pas venir dans le labo avec sa femme. Ils savaient tout eux aussi ! Je me retrouve dans une situation où toutes les valeurs sur lesquelles je faisais reposer ma confiance se dérobent tout d'un coup et me font vaciller de mon univers ouaté dans la cruelle réalité de la Vérité du mot vivisection.
- Ça va pas Samir ? T'es tout pâle ?
J'ai l'impression de me retrouver à la place d'un enfant qui découvre que le plat dont il se délecte depuis tout à l'heure n'est autre que son bien aimé lapin "Bunny", qui était soi-disant "parti dans les étoiles" et qui se retrouve en sauce avec des pruneaux dans son assiette.
Je bredouille quelque chose comme "c'est dégueulasse" avant de partir, complètement "groggy".
Je vois des gens qui me regardent bizarrement, je fais des gestes automatiques. Je me retrouve devant un plateau au self, puis la montre indique 5h, je rentre avec Christine chez nous.
Christine est déjà plus réceptive que la dernière fois :
- Pour être dans un état pareil, c'est que c'est sérieux ! dit-elle en essayant de plaisanter.
Je lui raconte l'horreur, la souffrance de ce chien étripé à vif au nom de la recherche. Je dors mal, cette nuit-là. La suivante aussi ; et même aujourd'hui, cette vision lancinante de ce chien qui me demande de l'aide à travers ses yeux remplis de détresse, vient encore me tourmenter. ../..
P112-P117
../.. Je vais d'abord prendre conscience de la notion de "débit" d'animaux. Tous ces sacs remplis de corps de gerbilles, de têtes de gerbilles, de souris, de hamsters, de lapins, de chiens, qui vont via les congélateurs à l'incinérateur, il faut bien qu'ils soient remplacés puisque la noria des sacs est sans fin. Je croyais, naïvement je vous l'accorde, que les animaux dont je m'occupais, étaient les mêmes depuis ma première visite des animaleries le jour de mon arrivée. Mais, il y a beau y avoir un millier de gerbilles dans l'animalerie, si un seul test d'ischémie cérébrale en consomme une centaine, le stock sera vite épuisé. Je ne vais pas tarder à me rendre compte que toutes les semaines, plusieurs caisses arrivent par avion d'Angleterre, d'un élevage spécialisé. Puis il y a la livraison des lapins, des souris, des cobayes, tous ces animaux étant la source d'un commerce lucratif, avec démarches commerciales et luttes entre les élevages pour se maintenir sur le gourmand "marché" de la vivisection.
D'ailleurs, il ne s'agit pas de la vente d'animaux, mais bien d'un commerce de "matériel de laboratoire", ou encore de "réactif animal" selon les termes consacrés. Je ne tarde pas à me rendre compte que le concept d'animal et être vivant sensible est totalement aboli, dès que les animaux franchissent la porte du laboratoire. Ils deviennent alors des objets, auxquels on accorde autant de tendresse qu'à sa machine à écrire ou son mortier électrique. La preuve m'en sera donnée lorsque le Dr Robert me demande d'afficher une note de service dans tous les laboratoires. Elle rappelle à chaque employé de l'Institut qu'il "faut faire preuve de parcimonie en ce qui concerne l'utilisation des feuilles pour la photocopieuse, ainsi que du matériel en général, animaux compris.".... Cette note de service est signée par Paul, directeur général. Ce même Paul qui me téléphone des Etats-Unis pour savoir comment va sa chatte "Pussy", qui caresse avec tendresse sa chienne et qui va à la messe tous les dimanches matin.
Je ne sais comment ces gens parviennent à concilier le règne de l'amour dont ils parlent dans leur église, avec la souffrance qu'ils génèrent chaque jour. Pendant un moment ce sujet a même été un thème de réflexion pour moi. Par quelle pirouette s'absolvent-ils de tout cela ?
J'ai pu trouver une réponse dans un livre, ou l'auteur mettait deux textes, commentant le même phénomène, mais l'un vu par un croyant, l'autre par un athée et curieusement si l'on n'y prend garde, on serait tenté d'inverser les auteurs respectifs de ces réflexions. Il s'agissait, je m'en souviens, du massacre des baleines. Le croyant, Svend Foyn, inventeur du harpon à tête explosive qui allait décimer jusqu'à l'extinction plusieurs espèces de baleines déposa son brevet la veille de Noël, jour symbolique s'il en est, et écrivit dans son journal : "Je te rends grâce, Seigneur. Toi seul en es l'auteur."
L'autre écrivait avec ironie et tristesse : "Dieu sait si nous avons fait assez de mal sur cette planète, mais éliminer les plus gros animaux que Dieu a créés, témoigne d'une arrogance et d'un manque de clairvoyance qui en disent plus long sur l'intelligence de l'homo sapiens que n'importe quelle grande équation mathématique ou oeuvre d'art."
Je ne veux pas donner à mon récit une orientation anti-religieuse, croyez bien que j'admire Soeur Thérésa, tout comme les chefs spirituels de la trempe du Dalaï Lama, mais que penser de ces messieurs qui garent leur grosse voiture sur le parking de l'église le dimanche, vont prier pour l'amour et de retour au laboratoire stockent des chiens comme des balais dans une remise ?
Pour moi, toucher un animal, un être vivant implique, ipso facto, la mise en place d'une relation. Je le perçois, il me voit, il m'entend, il y a implicitement relation, fût-elle "passive". J'avoue avoir du mal à formuler ce qui m'apparaît comme une évidence.
Lorsque je touche un objet, lorsque je m'occupe de stériliser des éprouvettes, il n'y a pas de relation. Comment peut-on mettre sur le même niveau de préoccupation, une économie de feuilles de papier pour la photocopieuse, et la vie d'un chien, d'un lapin ou d'une gerbille ? Rentrer dans un tel système de pensée, annihile tout simplement le respect de ce don, que certains définissent comme divin : la vie.
Pour Farid c'est de ne pas se faire "engueuler" en mettant de l'eau dans le couloir qui importe; et pas ce que peuvent ressentir ces corps animés par la vie, plongés dans le noir, la faim et la peur, derrière la porte en plexiglas. Partant de là, tout est possible. Mon apprentissage dans ce domaine ne faisait que commencer.
J'étais en train d'emballer des outils chirurgicaux pour les stériliser lorsque je perçois le bruit des griffes d'un animal se débattant dans les bacs en plastique faisant office d'évier dans l'animalerie des petits rongeurs. Peut-être y a-t-il un lapin qui est resté là après le nettoyage en grand d'une des cages ?
Un bruit mat, le cri d'un lapin et de nouveau ce bruit des pattes contre la cuve m'incite à aller voir.
Farid a sorti une cage de lapins du chariot et l'a posée sur la paillasse.
- Salut Samir, ça va ?
- Ça va.
Je remarque que du sang a dû gicler sur sa blouse, sur le mur, au dessus du bac, un filet de sang frais dégouline. Depuis le premier jour j'avais remarqué cette teinte rouge sombre qui s'était incrustée sur le mur. La teinte décolorée de la peinture bleue, juste au-dessus des bacs, prouvait que l'on brossait soigneusement à cet endroit. Pour l'instant, Farid continue sa besogne. Je reste là, adossé contre la porte pour comprendre. Il passe sa main dans la cage et prend un lapin. Au lieu de le maintenir par la peau du cou, il le prend par les pattes arrière et laisse pendouiller le corps le temps qu'il ne bouge plus, alors, bandant tous ses muscles, il projette avec une violence inouïe le lapin contre le mur dont la tête se fracasse dans un bruit mat. Il le lâche ensuite dans le bac où le corps pris de soubresauts finit sa triste vie de "matériel de laboratoire". Sans aucune gêne à mon égard, il passe au suivant. A chaque fois, une giclée de sang arrose le mur qui, au bout d'une dizaine, devient rouge luisant.
Je m'insurge :
- C'est cruel ce que tu fais là, tu peux pas les euthanasier en douceur ?
- Pour quoi faire ? Ils n'ont même pas le temps de sentir quoi que ce soit, c'est pareil et ça va plus....
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que le dernier lapin a réussi à sauter par dessus le bac, ce qui lui arrache un :
- Viens ici, saloperie.
Et d'un geste vif il pose son pied sur l'animal en s'appuyant de tout son poids. Le lapin gît là, dans une flaque de sang, son petit corps secoué par les dernières convulsions, écrasé par ce débile mental. Il n'y a rien à dire ni rien à faire, si ce n'est de lui rentrer dedans, mais c'est un sacré gaillard le Farid qui compense en muscles ce qu'il n'a pas en substance cérébrale. Que faire ?
Je suis pourtant persuadé qu'il y a une méthode moins violente pour euthanasier ces lapins. Peut-être qu'il ne l'applique pas uniquement parce qu'il ne sait rien faire d'autre que de leur éclater la tête contre le mur. Dans ce cas, on doit pouvoir l'obliger à faire différemment. Je monte voir le Dr Robert, mais il n'est pas là, je décide d'aller en parler à la directrice Mme Roïg. Celle-ci me regarde du haut de son mépris raciste, mais peu importe, je tente le coup.
- Madame, c'est inadmissible, Farid tue les lapins en les jetant contre le mur, dites-lui, obligez-le à faire autrement.
- Ecoutez Samir, Farid fait son boulot, alors foutez-lui la paix, ce n'est pas parce que vous êtes le neveu du directeur que vous allez faire votre loi.
Je n'ai même pas le temps de lui répondre que Madame tourne les talons et me laisse perplexe au milieu du couloir avec ma colère. ../..
P206-P207
../.. Ce vendredi matin-là, je redescends du distributeur de boisson avec mon café en attendant que le cycle de l'autoclave se termine. Je feuillette le journal, accoudé contre le gros congélateur qu'ils viennent de mettre dans ma salle lorsque je suis surpris par des vibrations que me transmet mon coude, comme si le moteur venait juste de s'arrêter ou de démarrer. Je n'y prête pas attention. Jusqu'à ce que je ressente de nouveau les vibrations. Puis encore une fois. Il est déjà foutu leur congélateur me dis-je. Mais en fait de vibrations, en mettant ma main à plat sur le capot, je me rends compte que cela ressemblerait plus à des chocs venant de l'intérieur. Non sans appréhension, j'ouvre le capot. Je sens mon sang se glacer d'effroi. Au milieu des sacs poubelle rouges de sang, des organes prélevés et de têtes de gerbilles entreposées là, un chien, ouvert de la gorge au pubis, les intestins encore mus par des mouvements péristaltiques, est secoué par de violents soubresauts, agonise dans le congélateur. Je me sens vraiment mal, devant cette soudaine vision d'horreur. Des larmes de colère et de douleur coulent sur mes joues tandis que je cours aux toilettes pour vomir mon petit-déjeuner. Je ne pense même pas à retourner dans la salle pour refermer le congélateur ni finir mon travail de stérilisation. De rage, je prends les clés de l'animalerie des chiens et je leur ouvre la porte, mais rien n'y fait, les pauvres bêtes ont aussi peur de moi que de n'importe quel autre animalier, avec ma blouse blanche. Je pars en laissant tout ouvert, profondément choqué par ce que je viens de voir. J'envoie le gardien et sa feuille de présence sur les roses et je rentre chez moi. ../..
Livre en ligne
'Victimes Silencieuses' est un ouvrage essentiel sur l'expérimentation animale. C'est un témoignage 'coup de poing', une lecture que l'on n'oublie pas... Il n'a pourtant jamais été republié, et il devenait rare sur le marché de l'occasion, alors pour éviter qu'il ne tombe dans l'oubli, je l'ai mis en ligne.
La tâche ne fut pas simple. Il m'a fallu bien du temps pour le "recopier" (par un procédé biscornu, munie d'un appareil photo et d'un logiciel de conversion). L'autre difficulté fut le grand nombre d'erreurs rencontrées dans ce livre (orthographe, ponctuation). J'ai corrigé une grande partie de ces erreurs, mais il en reste, ne soyez pas surpris si vous en croisez.
Voici donc le fruit de ce long travail, un document au format pdf que vous pouvez lire ici-même (il devrait s'afficher ci-dessous) ou que vous pouvez télécharger sur ce lien. N'hésitez pas à le partager, c'est un livre important, il ne faut pas qu'il disparaisse...