Drôles de bêtes
et drôles d'histoires
De l'humour à l'émotion
de Philippe Ragueneau
illustrations de Martine Fontayne
et drôles d'histoires
De l'humour à l'émotion
de Philippe Ragueneau
illustrations de Martine Fontayne
Quel rapport peut-il bien exister entre un sanglier, un chat, un mainate, un cheval, un loup, un chevreuil, un canard ou un chien ?
Aucun, je vous l'accorde, si l'on excepte une extrême sensibilité, un instinct sans faille, une bonté que l'on aimerait trouver, parfois, chez nos semblables, voire une intelligence aiguë - il n'y a pas d'autre qualificatif.
Le narrateur qui a recueilli ces histoires, toutes authentiques, c'est Philippe Ragueneau - l'auteur bien connu pour les histoires véridiques du chat Moune. On navigue de l'humour à l'émotion ; ici, on essuie une larme ; là, on arbore un sourire ravi.
Mais la conclusion que l'on peut tirer après la lecture de ces récits drôles ou émouvants, c'est qu'il ne faudra plus jamais appeler "frères inférieurs" ceux qui enrichissent notre vie par ce qu'ils nous offrent de leurs propres vies.
Drôles de bêtes et drôles d'histoires, Philippe Ragueneau, Illustrations de Martine Fontayne au début de chaque chapitre, Editions Grancher, 2002, 236 pages
Pour en savoir plus
- Une biographie de l'auteur
D'autres livres de Philippe Ragueneau
- L'excellente série du chat Moune (en 5 volumes)
- Médecins des bêtes sauvages
- Ulysse, le chat qui traversa la France
- L'autre côté de la vie
Ou encore
- Le sixième sens des animaux, de Philippe de Wailly
Au sommaire
- Avant-propos
- Le guépard amoureux
- C'est malin, les oiseaux
- Frères loups
- Jalna, une chienne bien utile...
- Le chat qui berna le savant
- ... Et celui qui mystifia Angela Sayer
- Sultan, le cheval au grand coeur
- Loustic, le bien nommé
- Noblesse des sangliers
- Le mainate et le chasseur
- Victor règle ses comptes
- Diabolicus
- La souris belliqueuse
- Elles n'en font parfois qu'à leur tête...
- Roustan, le démineur
- Les sangliers n'aiment pas la voiture
- L'écureuil qui voulait jouer
- Les petits spectacles de la rue
- L'imprudence est fille de la curiosité
- ... Et en voici un autre bon exemple
- Jalousie d'un hippopotame
- Milord, le trop aimé
- Le pigeon infidèle
- Le mulot courageux
- Les visiteurs du soir
- La force d'un regard
- La souris et le prisonnier
- Amitiés singulières
- S'entendre comme chien et chat
- ... Et, parfois, elles nous sauvent la vie
- Le chevreuil miraculé
- Les bêtes et l'outil
- Une bonne surprise
- Le chat qui venait de nulle part
- Méprises
- On n'apprend pas ça, à l'Ecole...
- L'odyssée de Cornélius
- Pas si sauvages que ça...
- Tobby a des visions
- Filiu, un bon père de famille
- Mystérieuses communications...
- Un gardien vigilant
- Comment Sheila se fit piéger
- La corneille qui ne voulait pas voler
- Le spectacle était dans la salle
- Quand vient l'heure de la séparation...
L'avant-propos
Toutes les histoires de bêtes ne sont pas tristes, heureusement, et toutes ne finissent pas tragiquement. Les bêtes ne passent pas tout leur temps à s'entre-tuer. Elles ne sont pas toutes la cible des chasseurs. On ne met pas en cage tous les oiseaux, ni à l'attache tous les chiens. Les chats ne sont pas tous abandonnés quand sonne l'heure des vacances, et ceux qui traversent la route étourdiment ne se font pas tous écraser. Le renard n'attrape pas toujours le lapin et, neuf fois sur dix, l'épervier loupe la fauvette. Alors, bonnes gens, rentrez vos mouchoirs ! A leur manière, les bêtes savent aussi rire et nous faire rire, s'amuser et nous amuser, inventer des tours pendables, nous étonner et nous divertir.
Et puis il y a les histoires émouvantes, celles qui nous tirent une larmichette au coin de l'œil quand on les raconte ou qu'on les écoute. Il y a, avec les bêtes, les moments d'émotion.
Alors je vous propose un florilège d'histoires drôles et émouvantes.
./. Le pain avait été liquidé, mais il restait les biscottes. J'en cassai un petit morceau, à tout hasard. Le piaf s'en saisit et s'envola. Et alors il se passa quelque chose d'extraordinaire : avec son morceau de biscotte au bout du bec, il piqua droit sur la piscine, la frôla sur toute sa longueur en n'y trempant que le bec, et il remonta dans les arbres.
L'eau avait ramolli la biscotte : il pouvait désormais la manger.
Je refis l'expérience le jour suivant. Cette fois, ce furent trois oiseaux qui trempèrent leur biscotte dans l'eau de la piscine, en volant au ras de la surface ! ./.
Je revenais de Genève par avion. Un prêtre du canton de Vaud occupait le siège voisin du mien. Nous nous étions civilement salués et, peu après le décollage, nous avons engagé la conversation. Je ne sais plus par quels méandres elle en vint à dériver vers la superstition dont le bon abbé, bien entendu, se gaussait :
- ... Et pourtant, avouait-il, il doit nous rester, dans le cerveau, des bribes de ces fables, héritées peut-être d'une grand'mère, car un jour, Dieu me pardonne, j'y ai succombé.
- Racontez...
- Je roulais sur une petite route de montagne en corniche qui surplombait un précipice. Soudain, assis sur le parapet à ma gauche, je vis un grand chat noir qui me regardait venir. Instinctivement je serrai au maximum sur ma droite, à toucher la muraille, et bien m'en a pris ! Au détour d'un virage une voiture fonçait vers moi. Elle mordait la ligne médiane au point qu'en passant elle arracha mon rétroviseur. Et le chauffard disparut sans s'arrêter. Je l'avais échappé belle ! Si, dans mon esprit, la vue de ce chat noir ne s'était pas associée au mot "malheur", nous étions morts tous les deux.
- Vous voyez, mon père, que les chats noirs ne sont pas maléfiques, en dépit de ce que prétend une légende imbécile. Au contraire ! Car tout paraît donner à penser que celui-là vous a prévenu d'un danger et vous a sauvé la vie.
- J'en conviens. ./.
./. Maela et Dan avaient ramené du Brésil un magnifique ara, une espèce qui reproduit à la perfection notre vocabulaire. Hélas, l'аrа, baptisé Casta, se refusait à proférer le moindre mot. On avait beau lui répéter cinq cents fois la même phrase, il ne répondait que par "Kwakk"...
Deux mois plus tard, en rentrant chez eux, ils eurent la surprise de l'entendre lancer des "au secours ! au secours !" stridents. Or, ni Maela ni Dan ne le lui avaient enseigné. Entre deux cris de l'oiseau, ils entendirent, dans le lointain, une voix très faible qui appelait "au secours ! au secours !". Dan sortit précipitamment de la maison et tendit l'oreille. Les supplications provenaient de l'autre coté de la route. Dan y découvrit Ann John, une vieille dame solitaire, blessée et quasi-mourante. Depuis des heures, Casta l'entendait crier sa détresse et l'ara s'était décidé à parler pour relayer ses appels. ./.
./. A Meidrim, au pays de Galles, Donald Mottram descendit de son tracteur pour soigner l'un de ses veaux qui s'était blessé. Avant tout, il s'assura que son taureau, un impressionnant et irascible Charolais, se tenait loin de lui, au bout du champ. Alors qu'il pratiquait une injection, il sentit sur sa nuque le souffle de la bête qui, aussitôt, le chargea. Atteint de plusieurs coups de corne, Donald perdit connaissance. Une heure et demie plus tard, il revint à lui. Le taureau était toujours dans les parages mais, rangées devant lui, flanc contre flanc, toutes les vaches faisaient barrage et le maintenaient à distance. Quand il se releva, son bouclier vivant l'accompagna jusqu'à la barrière.
Pour les vacances de Noël, Valentin, six ans, accompagnait ses parents dans leur chalet de montagne, en Transylvanie. Parti se promener seul, en forêt, Valentin se perdit. Une battue fut aussitôt organisée, avec l'aide des voisins. Il urgeait de retrouver l'enfant avant la tombée du jour car, en cette saison, les nuits sont mortellement froides...
On ne le découvrit qu'à l'aube. Couché au pied d'un arbre, il dormait profondément. Trois castors à l'épaisse fourrure étaient couchés sur lui. Ils l'avaient protégé de cette nuit glaciale.
L'affaire fit "la une" de la presse locale car il y avait dix témoins.
L'étonnant de cette histoire tient au fait que le castor est une bête farouche qui fuit l'homme du plus loin qu'il le sent. ./.
./. Le même jeune vétérinaire se présente chez un certain Dupont pour vacciner ses vaches. Le Dupont en question est un petit vieux de 85 ans. Il accueille le praticien, assis sur la margelle du puits. A côté de lui, un panier plein d'épis de maïs. Les deux hommes sympathisent, parlent de la pluie et du beau temps, mais le vétérinaire regarde sa montre :
- Bon, il est temps d'aller piquer vos vaches !
- Oh doucement, petit ! Mes trois génisses ne sont pas encore attrapées !
- Elles sont loin ?
- Va savoir ! Elles vont où elles veulent...
- Il vaut mieux que je revienne demain, quand vous aurez mis la main dessus.
- Mais non, tu vas voir !
Le petit vieux se lève, égrène un peu de maïs et appelle :
- Hector ! Hector !...
Et, dans la minute, un corbeau apparaît. Il se pose sur la margelle et picore le maïs. Quand il a fini, le petit vieux lui dit :
- Allez, Hector, va voir où sont les vaches.
Le corbeau s'envole et disparaît.
Cinq minutes plus tard il est de retour.
Le petit vieux se lève :
- Viens, petit. Prends ton attirail. Il a trouvé et on n'a plus qu'à le suivre.
Derrière le corbeau, qui vole de branche en branche, ils entrent dans le bois. Et cinq cents mètres plus loin, ils découvrent les génisses en train de paître.
Pas plus difficile que ça. ./.
- Voilà, je suis prêt, annonça Bertrand V. à Mathilde, son épouse. Je n'ai plus qu'à l'attendre.
Ce matin, à dix heures, se tiendrait à Epernay la réunion annuelle des membres du réseau de résistance auquel Bertrand, de 1941 à 1945, avait appartenu. Lors de la création de l'association, il avait été décidé que ces amicales rencontres seraient itinérantes, de façon à ne pas privilégier uniquement les Parisiens : tantôt dans une ville et tantôt dans une autre.
Bertrand avouait qu'il n'avait guère la fibre amicaliste. Certes, il était content de revoir de temps en temps ses camarades de l'armée des ombres, mais le seul plaisir de remuer des souvenirs de plus en plus brumeux ne le motivait pas suffisamment pour qu'il eût envie de courir à Marseille ou à Lille, toutes affaires cessantes.
Cependant, cette fois-ci, c'est Epernay qui accueillait les vaillants survivants de l'épopée, dont Robert S. qui, lui aussi, résidait à Reims et avait, la veille, téléphoné à son ami :
- C'est idiot de prendre deux voitures. Je passerai te chercher à neuf heures trente, ça te va ?
Et c'est donc lui que Bertrand attendait.
Depuis le début de la matinée, Tobby, un fox-terrier à poil ras, affichait une nervosité inhabituelle. On le savait, comme tous les chiens de sa race, passablement agité et remuant, mais là, il envoyait le bouchon un peu loin, aboyant sans raison et tournicotant dans les jambes de Bertrand que son manège agaçait :
- Je ne sais pas ce qu'il a, ce matin ! Il n'a pas arrêté de m'embêter pendant que je m'habillais. Il a emmené ma chemise dans la salle de bains, puis ça a été la cravate...
- Il n'aime pas te voir partir, c'est tout, avançait Mathilde.
- Mais il me voit partir tous les jours, et il ne dit rien !
- Alors je ne comprends pas...
- Je vais attendre Robert sur le pas de la porte. Il n'y a plus une seule place dans la rue Buirette pour se garer.
Il embrassa Mathilde et se dirigea vers la sortie. Mais Tobby l'agrippa par le bas de son pantalon et le tira sauvagement en arrière.
- Mais tu es fou, Tobby ! Qu'est-ce qui te prend ? Il est possédé ce chien, ma parole !... Lâche mon pantalon, s'il te plaît !
- Je n'aime pas ça, dit Mathilde toute songeuse. Tobby ne veut pas que tu partes, c'est clair.
- Je crois plutôt qu'il veut jouer, seulement ce n'est pas le moment.
- Non, Bertrand, je ne suis pas d'accord. Tu sais bien que les bêtes sentent des choses qui nous échappent...
Pour calmer le chien, Bertrand prit le parti de s'asseoir :
- Tu rêves, ma chérie ! Je ne vois pas ce qu'il pourrait sentir ou pressentir, il ne sait même pas où je vais !
- Veux-tu me faire plaisir ?... Ne va pas à cette réunion.
- Mais c'est ridicule ! Pour une fois qu'elle se tient à vingt-six kilomètres de chez moi ! Les camarades ne vont pas comprendre !... Et Robert qui se dérange pour me prendre, qu'est-ce que je lui dis ? Que le chien ne veut pas que je sorte de la maison ? Ils n'ont pas fini de rigoler, les copains !
Il se leva, se dirigea vers la porte et, de nouveau, Tobby le retint par le bas de son pantalon.
- Cette fois, dit Mathilde, je te supplie de ne pas y aller.
Elle semblait soucieuse, grave même.
Bertrand jeta son manteau et son chapeau sur un fauteuil :
- Bon. Je ne veux pas te contrarier à ce point-là. Mais je te laisse le soin d'expliquer à Robert que, dans la maison, c'est maintenant Tobby qui fait la loi !
Quinze minutes plus tard, Robert sonnait à la porte. Mathilde s'acquitta de sa mission du mieux qu'elle le put. Robert commença par s'esclaffer, puis chercha à raisonner le couple. Il se heurta à un mur : Mathilde.
Dix minutes plus tard, il réitéra ses regrets, prit congé du couple, monta dans sa voiture et mit le moteur en route.
Quarante minutes plus tard, sur la N51, le chauffeur d'un camion perdit le contrôle de ses dix tonnes et emboutit de plein fouet la Peugeot de Robert. Il fut tué sur le coup.
S'il avait été à ses côtés, Bertrand aurait subi le même sort.
Merci, Tobby.
Biologistes, vétérinaires et psychologues sont d'accord : les bêtes sont capables d'étonnantes prémonitions et les exemples sont innombrables. Le docteur Philippe de Wailly, dont le livre fourmille de cas vérifiés et d'observations objectives, en cite de saisissants...
A Fribourg, on peut admirer la statue d'un canard, au centre d'une place fréquentée. Pendant la guerre de 40-45, il a sauvé la vie à des milliers d'habitants en les prévenant, bien avant les sirènes, qu'une vague de bombardiers alliés approchait de la ville.
En juin 1972, le chien Voyou, un bâtard noir et blanc, a tout tenté pour empêcher son maître de prendre, gare de l'Est, le train qui devait le conduire à Lens. Il tournait autour de lui en aboyant, l'empêchait d'avancer et, comme Tobby, il l'agrippa par le pantalon quand il monta dans son wagon. Voyant qu'il ne parvenait pas à le retenir, Voyou courut en tête du train et se jeta entre les rails, devant la locomotive, pour tenter d'arrêter le convoi. Et le vétérinaire parisien, qui a vécu cette malheureuse histoire, conclut :
- Je n'ai eu que plus tard l'explication de ce geste insensé : Voyou savait que j'étais en danger et a sacrifié sa vie pour essayer de sauver la mienne. Le train que j'avais pris a déraillé dans le tunnel de Vïerzy, et je n'ai échappé à la mort que par miracle. Voyou "savait", et il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de m'avertir ! ./.
./. Ce lien télépathique m'a toujours fasciné. Encore faut-il préciser qu'il ne s'établit pas entre n'importe quel homme et n'importe quelle bête. Il faut, pour cela, qu'une très profonde connivence rapproche l'un et l'autre, une connivence faite d'amour mutuel, de confiance et de complicité.
Ce lien, je l'avais avec Moune, ce beau chat noir dont j'ai conté, en cinq volumes, les malices et les exploits. Du temps que je dirigeais les programmes de la télévision française, la plus grande fantaisie gouvernait mes heures de retour au logis. Elles dépendaient de l'imprévisible et du fortuit : tantôt un visionnage de dernière minute, tantôt un rendez-vous qui se prolongeait. Mais, quelle que soit l'heure à laquelle ma voiture quittait la rue de Turenne pour s'engager dans la rue Villehardouin, Moune, à l'instant même, abandonnait le fauteuil où il roupillait pour se poster devant la porte d'entrée de mon appartement. J'étais pourtant encore loin ! Mais lui savait que, dans dix minutes, ma clé tournerait dans la serrure.
Ce type de communication peut jouer en sens inverse : de la bête vers l'homme. Lorsqu'il habitait dans la vallée de Saint-Amarin, au cœur des Vosges, Hervé Grosjean eut l'occasion de constater qu'entre son chien Lucky et lui, ce lien télépathique existait bel et bien et, mieux encore, qu'il fonctionnait à la perfection...
Il était neuf heures du soir. Hervé, son dîner achevé, lisait tranquillement au coin de la cheminée où crépitait un joyeux feu de bois. Tout semblait calme. La nuit, dehors, imposait le poids de son silence aux bruits de la vie. Lucky, lui, vadrouillait dans les parages. Rituellement, à la tombée du jour, il se payait une promenade vespérale et digestive, levant ici un campagnol à la recherche d'insectes, effarouchant là un lapin sorti du terrier. Et, soudain, Hervé perçut, mentalement mais distinctement, les appels de désespoir de son chien. Aucun son, pourtant, ne passait les murs épais de la maison...
- Bon, j'ai rêvé, se dit-il. Et il reprit sa lecture.
Mais les appels se renouvelaient, devenaient pressants... Il se leva, enfila son manteau et sortit. Sans se poser l'ombre d'une question, il se dirigea droit vers le bois qui, à deux cents mètres, profilait sur le ciel la masse plus sombre de ses arbres.
- J'étais, me dit-il, comme guidé par un fil invisible et je marchais sans hésitation dans une direction qui m'était imposée.
Il pénétra profondément dans le bois et, dix minutes plus tard, les aboiements plaintifs de Lucky lui parvinrent pour la première fois. Il le trouva enfin. Le chien avait posé la patte sur un piège à mâchoire et, ne pouvant s'en dégager, il appelait son ami à son secours...
Hervé réussit à le libérer et les blessures que le piège avait occasionnées cicatrisèrent vite. Mais un fait s'imposait : c'est bien par la télépathie que Lucky avait alerté Hervé Grosjean.
Le Docteur Philippe de Wailly cite, dans "Le sixième sens des animaux" des cas similaires, notamment celui-ci :
"En 1952, le Docteur Karlis Osio a testé les phénomènes extrasensoriels chez les chats en leur commandant par la pensée de choisir entre deux coupes de nourriture placées aux extrémités d'une boîte en forme de T. L'humain, par la seule force de sa pensée, demandait au chat de tourner à droite ou à gauche sans que le chat puisse voir l'observateur." Et le chat s'exécutait.
De nombreuses hypothèses ont été avancées pour tenter d'expliquer ce phénomène. Aucune, à ce jour, n'emporte une totale adhésion.
D'aucuns jugeront peut-être que ce triste aspect des choses n'a pas sa place dans un recueil "d'histoires drôles".
Si je m'y décide, néanmoins, c'est que la relation des bêtes avec la mort est fort différente de la nôtre. Ce sentiment de rupture irrémédiable et définitive, qui nous habite quand vient l'heure de la séparation, leur est totalement étranger. Tout donne à penser, au contraire, que nos animaux familiers ont foi en une continuité qui, au-delà de la mort, maintient d'indestructibles liens, comme s'ils savaient qu'un jour les vivants que nous sommes aujourd'hui retrouveront les disparus d'hier dans un au-delà sans chagrin.
Du même coup, la mort, telle que la vivent les bêtes, n'est pas désespérante. Elle est une chose naturelle et programmée, comme l'est la vie elle-même. Elle n'est qu'un passage que nous emprunterons nous-mêmes un jour.
Cette familiarité avec ce qui, pour nous, est "le pire de ce qui peut arriver" a, chez les bêtes, deux conséquences. La première est qu'ils la sentent venir de très loin, qu'il s'agisse de leur propre mort ou de celle de ceux qu'ils aiment. L'autre conséquence est qu'elles accompagnent, mentalement et physiquement, l'ami qui s'en va puisque cet adieu à la vie terrestre n'interrompt qu'un souffle mais en aucun cas un sentiment, et elles l'accompagnent parfois au point de se laisser elles-mêmes mourir pour rejoindre l'ami plus tôt que ne le prévoyait leur propre destin.
Nous avons beaucoup d'exemples de ces deux comportements parfaitement cohérents et complémentaires. Ceux de la fidélité, d'abord.
J'ai rapporté, dans un livre publié en 1991 mais que tout le monde n'a pas lu (hélas) cette belle histoire que m'a narrée Françoise Sallé.
Cela se passe à Thouars, dans les Deux-Sèvres. Vivaient là, en parfaite harmonie, un vieux monsieur à la retraite et sa fille Françoise qui escortait son crépuscule avec amour et dévouement. Vivait là aussi un chat, Doudou, un Européen noir comme l'ébène, qui vouait à Monsieur Sallé une véritable passion. Et le bonheur habitait la maison.
Et puis, un matin, Monsieur Sallé se réveilla très mal en point. La Faculté diagnostiqua une maladie très grave. Il déclina rapidement et, une nuit, il s'éteignit doucement, comme la flamme d'une bougie à bout de course.
Françoise pleura toutes les larmes de son corps et, deux jours plus tard, elle enferma Doudou dans la maison et s'en fut conduire son père dans le cimetière de Thouars, à l'autre bout de la ville.
Deux semaines passèrent.
C'est en refermant une fenêtre malencontreusement ouverte qu'elle s'aperçut que Doudou en avait profité pour s'évader. Elle le chercha dans le voisinage, car il lui arrivait de fuguer, mobilisa médias et gendarmerie et dut se rendre à l'évidence : Doudou demeurait introuvable.
Le dimanche suivant, elle se rendit au cimetière pour déposer des fleurs sur la tombe de son papa et là, que vit-elle ? Doudou assis sur le marbre, immobile et squelettique...
Et cela, déjà, est stupéfiant ! Ce cimetière, il n'y était jamais allé, Doudou... Et à l'autre bout de la ville, en plus ! Cette tombe, rien ni personne ne lui avait indiqué que c'était la bonne !... Et pourtant, il ne s'était pas trompé...
Françoise voulut le ramener chez elle. Le chat s'y refusa énergiquement. Alors elle rentra seule et, un peu plus tard, elle lui ramena de quoi manger et boire. Elle tenta encore de le convaincre de la suivre, elle le caressa, le prit dans ses bras... Peine perdue. Doudou sauta sur le marbre froid du tombeau et s'y allongea, décidé à ne jamais quitter son grand ami.
Des témoins alertèrent un journaliste de Thouars et la presse locale s'empara de l'affaire. J'ai lu les articles qui furent alors publiés et Françoise me confia une superbe photo de Doudou, assis sur la tombe de Monsieur Sallé.
Et bien, croyez-le ou pas, pendant deux ans, Françoise vint tous les jours au cimetière nourrir le chat. Et, une nuit d'hiver où il gelait à pierre fendre, Doudou mourut de froid, seul dans ce grand cimetière enneigé. Il avait enfin rejoint celui qu'il aimait jusqu'à en mourir.
Bien d'autres cas de ce genre sont dans les mémoires. Les mélomanes se souviennent que lorsque Mozart fut enterré, une tornade dispersa le cortège qui suivait le convoi. Au cimetière, à l'heure d'inhumer le grand musicien, devant le trou encore béant, il n'y avait personne. Personne sauf son chien qui, lui, l'avait suivi jusqu'au bout...
Mais les bêtes, ai-je dit, sentent aussi, de très loin, la mort frapper. Le docteur Philippe de Wailly rappelle un fait troublant qui défraya, à l'époque, la chronique. Un acteur très connu, William Ferris, fut assassiné par un fou alors qu'il s'apprêtait à entrer en scène. Il était 7h20. Exactement à la même heure et à des kilomètres de là, Davie, son chien entra en transes, aboyant et mordant dans le vide, désespéré de ne rien pouvoir faire pour sauver son maître...
Mon ami, Michel Bokanowski, ancien ministre du Général de Gaulle et Compagnon de la libération, m'a raconté, il y a fort longtemps, que lorsque son père, Maurice Bokanowski, lui aussi ministre, se tua en avion, sa chatte, à 400 kilomètres de là, devint comme folle à l'heure exacte de l'accident.
Les bêtes sentent aussi venir leur propre mort...
C'était l'été dernier. Nous séjournions à la campagne avec nos deux chats. Quelques jours plus tôt, Gros-Mimi nous avait fait une belle frayeur : une crise d'épilepsie spectaculaire dont il semblait s'être bien remis mais qui avait nécessité une hospitalisation de vingt-quatre heures chez le bon docteur Philippe de Smet. "Quel âge a-t-il ?" m'avait demandé le vétérinaire en nous accueillant. "Plus de vingt ans..." Le toubib avait hoché la tête et fait la grimace. "Bon. Je vais le garder en observation jusqu'à demain..."
Tout le temps que dura ce séjour en clinique, Petit-Lulu le chercha partout, fouillant chaque recoin des trois hectares du domaine, miaulant désespérément pour appeler "son" chat, son inséparable et tendre compagnon. Et, quand il le revit enfin, ce fut la fête !
Juillet passa, sans alertes ni problèmes, et le mois d'août se glissa en douceur au coeur d'une nature épanouie. Nous étions tous ensemble, ce soir-là, dans le fumoir où une chatière permet aux bêtes d'aller et venir en toute liberté. Les "parents" regardaient la télé. Les "enfants" se prélassaient sur un canapé. Dix heures venaient de sonner. Soudain Mimi sauta sur le sol, nous lança un bref miaulement et sortit.
On ne l'a plus jamais revu...
Sa mort l'avait appelé. Et, sans hésiter, sans gémir, sans protester, il s'était rendu tout droit au rendez-vous ultime. Discrètement, pudiquement. "Ne vous dérangez pas. Je sais ce qui m'attend et ce que j'ai à faire."
Nous l'avons cherché partout, pendant huit jours, et même au-delà du domaine. Il s'en était allé très loin, mourir tout seul, courageusement, lucidement, sans molester personne.
Le plus étonnant de l'histoire est que Petit-Lulu qui, d'habitude, le suit où qu'il aille comme son ombre, n'avait pas bougé lorsque "son" chat était sorti. Et dans les heures et les jours qui suivirent, il fut le seul à ne pas le chercher. Il savait, lui aussi !
Quelle mystérieuse communication entre Gros-Mimi et lui l'avait informé ? Ou bien son sixième sens était-il entré en jeu ?
Personne ne pourra jamais nous le dire.
Guy Sabatier, ancien député-maire de Laon, m'a relaté, sur le même sujet, un phénomène curieux...
Retraité depuis bon nombre d'années il réside à présent, avec son épouse, dans une belle maison de bord de mer, au Brusc, à deux pas de Six Fours les Plages. Si près de l'eau, il est naturel que les oiseaux de mer les visitent. Madame Sabatier qui, toute sa vie durant, a entretenu avec les oiseaux une relation affectueuse et confiante, se fait un devoir de parsemer le gravier de son jardin de petits morceaux de pain, de graines et de fruits. Et, tout aussi rituellement, les tourterelles, qui abondent dans ce coin de la côte, viennent picorer les gâteries qu'elle leur dispense.
Un bel après-midi d'été, alors qu'une tribu d'oiseaux faisait bombance, elle remarqua qu'une tourterelle chancelait, battait de l'aile, semblait malade. Elle piqua cependant une miette et remonta vers le ciel d'un vol lourd. Elle revint le lendemain, et aussi le surlendemain. Elle paraissait de plus en plus faible... Alors, d'un pas hésitant, elle s'approcha de l'amie des oiseaux, comme pour lui demander son aide, puis, à la surprise générale, elle entra dans la maison, ce qu'aucun oiseau ne faisait jamais.
"Je l'ai prise", m'a dit l'amie des oiseaux, "très doucement. Je l'ai caressée un grand moment, et elle est morte dans mes mains".
L'explication de cet étrange comportement, le vétérinaire de Six Fours les Plages l'a fournie :
"Les tourterelles savent, depuis longtemps, qu'ici c'est la maison du bon Dieu. On y trouve à manger tous les jours, et personne n'effarouche les oiseaux. Les gens qui l'habitent ne peuvent être que de braves gens, bons et généreux, auxquels on peut faire confiance. Alors c'est ici que, le moment venu, on peut trouver de l'aide et, peut-être même, mourir. Paisiblement."
Et c'est sur cette note qu'il faut clore ce chapitre : paisiblement.
Aucun, je vous l'accorde, si l'on excepte une extrême sensibilité, un instinct sans faille, une bonté que l'on aimerait trouver, parfois, chez nos semblables, voire une intelligence aiguë - il n'y a pas d'autre qualificatif.
Le narrateur qui a recueilli ces histoires, toutes authentiques, c'est Philippe Ragueneau - l'auteur bien connu pour les histoires véridiques du chat Moune. On navigue de l'humour à l'émotion ; ici, on essuie une larme ; là, on arbore un sourire ravi.
Mais la conclusion que l'on peut tirer après la lecture de ces récits drôles ou émouvants, c'est qu'il ne faudra plus jamais appeler "frères inférieurs" ceux qui enrichissent notre vie par ce qu'ils nous offrent de leurs propres vies.
Drôles de bêtes et drôles d'histoires, Philippe Ragueneau, Illustrations de Martine Fontayne au début de chaque chapitre, Editions Grancher, 2002, 236 pages
Pour en savoir plus
- Une biographie de l'auteur
D'autres livres de Philippe Ragueneau
- L'excellente série du chat Moune (en 5 volumes)
- Médecins des bêtes sauvages
- Ulysse, le chat qui traversa la France
- L'autre côté de la vie
Ou encore
- Le sixième sens des animaux, de Philippe de Wailly
Au sommaire
- Avant-propos
- Le guépard amoureux
- C'est malin, les oiseaux
- Frères loups
- Jalna, une chienne bien utile...
- Le chat qui berna le savant
- ... Et celui qui mystifia Angela Sayer
- Sultan, le cheval au grand coeur
- Loustic, le bien nommé
- Noblesse des sangliers
- Le mainate et le chasseur
- Victor règle ses comptes
- Diabolicus
- La souris belliqueuse
- Elles n'en font parfois qu'à leur tête...
- Roustan, le démineur
- Les sangliers n'aiment pas la voiture
- L'écureuil qui voulait jouer
- Les petits spectacles de la rue
- L'imprudence est fille de la curiosité
- ... Et en voici un autre bon exemple
- Jalousie d'un hippopotame
- Milord, le trop aimé
- Le pigeon infidèle
- Le mulot courageux
- Les visiteurs du soir
- La force d'un regard
- La souris et le prisonnier
- Amitiés singulières
- S'entendre comme chien et chat
- ... Et, parfois, elles nous sauvent la vie
- Le chevreuil miraculé
- Les bêtes et l'outil
- Une bonne surprise
- Le chat qui venait de nulle part
- Méprises
- On n'apprend pas ça, à l'Ecole...
- L'odyssée de Cornélius
- Pas si sauvages que ça...
- Tobby a des visions
- Filiu, un bon père de famille
- Mystérieuses communications...
- Un gardien vigilant
- Comment Sheila se fit piéger
- La corneille qui ne voulait pas voler
- Le spectacle était dans la salle
- Quand vient l'heure de la séparation...
L'avant-propos
Toutes les histoires de bêtes ne sont pas tristes, heureusement, et toutes ne finissent pas tragiquement. Les bêtes ne passent pas tout leur temps à s'entre-tuer. Elles ne sont pas toutes la cible des chasseurs. On ne met pas en cage tous les oiseaux, ni à l'attache tous les chiens. Les chats ne sont pas tous abandonnés quand sonne l'heure des vacances, et ceux qui traversent la route étourdiment ne se font pas tous écraser. Le renard n'attrape pas toujours le lapin et, neuf fois sur dix, l'épervier loupe la fauvette. Alors, bonnes gens, rentrez vos mouchoirs ! A leur manière, les bêtes savent aussi rire et nous faire rire, s'amuser et nous amuser, inventer des tours pendables, nous étonner et nous divertir.
Et puis il y a les histoires émouvantes, celles qui nous tirent une larmichette au coin de l'œil quand on les raconte ou qu'on les écoute. Il y a, avec les bêtes, les moments d'émotion.
Alors je vous propose un florilège d'histoires drôles et émouvantes.
Quelques extraits
Un extrait du chapitre "C'est malin, les oiseaux"
P14
Un extrait du chapitre "C'est malin, les oiseaux"
P14
./. Le pain avait été liquidé, mais il restait les biscottes. J'en cassai un petit morceau, à tout hasard. Le piaf s'en saisit et s'envola. Et alors il se passa quelque chose d'extraordinaire : avec son morceau de biscotte au bout du bec, il piqua droit sur la piscine, la frôla sur toute sa longueur en n'y trempant que le bec, et il remonta dans les arbres.
L'eau avait ramolli la biscotte : il pouvait désormais la manger.
Je refis l'expérience le jour suivant. Cette fois, ce furent trois oiseaux qui trempèrent leur biscotte dans l'eau de la piscine, en volant au ras de la surface ! ./.
Des extraits du chapitre "... Et, parfois, elles nous sauvent la vie"
P138-P143
P138-P143
Je revenais de Genève par avion. Un prêtre du canton de Vaud occupait le siège voisin du mien. Nous nous étions civilement salués et, peu après le décollage, nous avons engagé la conversation. Je ne sais plus par quels méandres elle en vint à dériver vers la superstition dont le bon abbé, bien entendu, se gaussait :
- ... Et pourtant, avouait-il, il doit nous rester, dans le cerveau, des bribes de ces fables, héritées peut-être d'une grand'mère, car un jour, Dieu me pardonne, j'y ai succombé.
- Racontez...
- Je roulais sur une petite route de montagne en corniche qui surplombait un précipice. Soudain, assis sur le parapet à ma gauche, je vis un grand chat noir qui me regardait venir. Instinctivement je serrai au maximum sur ma droite, à toucher la muraille, et bien m'en a pris ! Au détour d'un virage une voiture fonçait vers moi. Elle mordait la ligne médiane au point qu'en passant elle arracha mon rétroviseur. Et le chauffard disparut sans s'arrêter. Je l'avais échappé belle ! Si, dans mon esprit, la vue de ce chat noir ne s'était pas associée au mot "malheur", nous étions morts tous les deux.
- Vous voyez, mon père, que les chats noirs ne sont pas maléfiques, en dépit de ce que prétend une légende imbécile. Au contraire ! Car tout paraît donner à penser que celui-là vous a prévenu d'un danger et vous a sauvé la vie.
- J'en conviens. ./.
./. Maela et Dan avaient ramené du Brésil un magnifique ara, une espèce qui reproduit à la perfection notre vocabulaire. Hélas, l'аrа, baptisé Casta, se refusait à proférer le moindre mot. On avait beau lui répéter cinq cents fois la même phrase, il ne répondait que par "Kwakk"...
Deux mois plus tard, en rentrant chez eux, ils eurent la surprise de l'entendre lancer des "au secours ! au secours !" stridents. Or, ni Maela ni Dan ne le lui avaient enseigné. Entre deux cris de l'oiseau, ils entendirent, dans le lointain, une voix très faible qui appelait "au secours ! au secours !". Dan sortit précipitamment de la maison et tendit l'oreille. Les supplications provenaient de l'autre coté de la route. Dan y découvrit Ann John, une vieille dame solitaire, blessée et quasi-mourante. Depuis des heures, Casta l'entendait crier sa détresse et l'ara s'était décidé à parler pour relayer ses appels. ./.
./. A Meidrim, au pays de Galles, Donald Mottram descendit de son tracteur pour soigner l'un de ses veaux qui s'était blessé. Avant tout, il s'assura que son taureau, un impressionnant et irascible Charolais, se tenait loin de lui, au bout du champ. Alors qu'il pratiquait une injection, il sentit sur sa nuque le souffle de la bête qui, aussitôt, le chargea. Atteint de plusieurs coups de corne, Donald perdit connaissance. Une heure et demie plus tard, il revint à lui. Le taureau était toujours dans les parages mais, rangées devant lui, flanc contre flanc, toutes les vaches faisaient barrage et le maintenaient à distance. Quand il se releva, son bouclier vivant l'accompagna jusqu'à la barrière.
Pour les vacances de Noël, Valentin, six ans, accompagnait ses parents dans leur chalet de montagne, en Transylvanie. Parti se promener seul, en forêt, Valentin se perdit. Une battue fut aussitôt organisée, avec l'aide des voisins. Il urgeait de retrouver l'enfant avant la tombée du jour car, en cette saison, les nuits sont mortellement froides...
On ne le découvrit qu'à l'aube. Couché au pied d'un arbre, il dormait profondément. Trois castors à l'épaisse fourrure étaient couchés sur lui. Ils l'avaient protégé de cette nuit glaciale.
L'affaire fit "la une" de la presse locale car il y avait dix témoins.
L'étonnant de cette histoire tient au fait que le castor est une bête farouche qui fuit l'homme du plus loin qu'il le sent. ./.
Un extrait du chapitre "On n'apprend pas ça, à l'Ecole..."
P176
P176
./. Le même jeune vétérinaire se présente chez un certain Dupont pour vacciner ses vaches. Le Dupont en question est un petit vieux de 85 ans. Il accueille le praticien, assis sur la margelle du puits. A côté de lui, un panier plein d'épis de maïs. Les deux hommes sympathisent, parlent de la pluie et du beau temps, mais le vétérinaire regarde sa montre :
- Bon, il est temps d'aller piquer vos vaches !
- Oh doucement, petit ! Mes trois génisses ne sont pas encore attrapées !
- Elles sont loin ?
- Va savoir ! Elles vont où elles veulent...
- Il vaut mieux que je revienne demain, quand vous aurez mis la main dessus.
- Mais non, tu vas voir !
Le petit vieux se lève, égrène un peu de maïs et appelle :
- Hector ! Hector !...
Et, dans la minute, un corbeau apparaît. Il se pose sur la margelle et picore le maïs. Quand il a fini, le petit vieux lui dit :
- Allez, Hector, va voir où sont les vaches.
Le corbeau s'envole et disparaît.
Cinq minutes plus tard il est de retour.
Le petit vieux se lève :
- Viens, petit. Prends ton attirail. Il a trouvé et on n'a plus qu'à le suivre.
Derrière le corbeau, qui vole de branche en branche, ils entrent dans le bois. Et cinq cents mètres plus loin, ils découvrent les génisses en train de paître.
Pas plus difficile que ça. ./.
Un extrait du chapitre "Tobby a des visions"
P190-P194
P190-P194
- Voilà, je suis prêt, annonça Bertrand V. à Mathilde, son épouse. Je n'ai plus qu'à l'attendre.
Ce matin, à dix heures, se tiendrait à Epernay la réunion annuelle des membres du réseau de résistance auquel Bertrand, de 1941 à 1945, avait appartenu. Lors de la création de l'association, il avait été décidé que ces amicales rencontres seraient itinérantes, de façon à ne pas privilégier uniquement les Parisiens : tantôt dans une ville et tantôt dans une autre.
Bertrand avouait qu'il n'avait guère la fibre amicaliste. Certes, il était content de revoir de temps en temps ses camarades de l'armée des ombres, mais le seul plaisir de remuer des souvenirs de plus en plus brumeux ne le motivait pas suffisamment pour qu'il eût envie de courir à Marseille ou à Lille, toutes affaires cessantes.
Cependant, cette fois-ci, c'est Epernay qui accueillait les vaillants survivants de l'épopée, dont Robert S. qui, lui aussi, résidait à Reims et avait, la veille, téléphoné à son ami :
- C'est idiot de prendre deux voitures. Je passerai te chercher à neuf heures trente, ça te va ?
Et c'est donc lui que Bertrand attendait.
Depuis le début de la matinée, Tobby, un fox-terrier à poil ras, affichait une nervosité inhabituelle. On le savait, comme tous les chiens de sa race, passablement agité et remuant, mais là, il envoyait le bouchon un peu loin, aboyant sans raison et tournicotant dans les jambes de Bertrand que son manège agaçait :
- Je ne sais pas ce qu'il a, ce matin ! Il n'a pas arrêté de m'embêter pendant que je m'habillais. Il a emmené ma chemise dans la salle de bains, puis ça a été la cravate...
- Il n'aime pas te voir partir, c'est tout, avançait Mathilde.
- Mais il me voit partir tous les jours, et il ne dit rien !
- Alors je ne comprends pas...
- Je vais attendre Robert sur le pas de la porte. Il n'y a plus une seule place dans la rue Buirette pour se garer.
Il embrassa Mathilde et se dirigea vers la sortie. Mais Tobby l'agrippa par le bas de son pantalon et le tira sauvagement en arrière.
- Mais tu es fou, Tobby ! Qu'est-ce qui te prend ? Il est possédé ce chien, ma parole !... Lâche mon pantalon, s'il te plaît !
- Je n'aime pas ça, dit Mathilde toute songeuse. Tobby ne veut pas que tu partes, c'est clair.
- Je crois plutôt qu'il veut jouer, seulement ce n'est pas le moment.
- Non, Bertrand, je ne suis pas d'accord. Tu sais bien que les bêtes sentent des choses qui nous échappent...
Pour calmer le chien, Bertrand prit le parti de s'asseoir :
- Tu rêves, ma chérie ! Je ne vois pas ce qu'il pourrait sentir ou pressentir, il ne sait même pas où je vais !
- Veux-tu me faire plaisir ?... Ne va pas à cette réunion.
- Mais c'est ridicule ! Pour une fois qu'elle se tient à vingt-six kilomètres de chez moi ! Les camarades ne vont pas comprendre !... Et Robert qui se dérange pour me prendre, qu'est-ce que je lui dis ? Que le chien ne veut pas que je sorte de la maison ? Ils n'ont pas fini de rigoler, les copains !
Il se leva, se dirigea vers la porte et, de nouveau, Tobby le retint par le bas de son pantalon.
- Cette fois, dit Mathilde, je te supplie de ne pas y aller.
Elle semblait soucieuse, grave même.
Bertrand jeta son manteau et son chapeau sur un fauteuil :
- Bon. Je ne veux pas te contrarier à ce point-là. Mais je te laisse le soin d'expliquer à Robert que, dans la maison, c'est maintenant Tobby qui fait la loi !
Quinze minutes plus tard, Robert sonnait à la porte. Mathilde s'acquitta de sa mission du mieux qu'elle le put. Robert commença par s'esclaffer, puis chercha à raisonner le couple. Il se heurta à un mur : Mathilde.
Dix minutes plus tard, il réitéra ses regrets, prit congé du couple, monta dans sa voiture et mit le moteur en route.
Quarante minutes plus tard, sur la N51, le chauffeur d'un camion perdit le contrôle de ses dix tonnes et emboutit de plein fouet la Peugeot de Robert. Il fut tué sur le coup.
S'il avait été à ses côtés, Bertrand aurait subi le même sort.
Merci, Tobby.
Biologistes, vétérinaires et psychologues sont d'accord : les bêtes sont capables d'étonnantes prémonitions et les exemples sont innombrables. Le docteur Philippe de Wailly, dont le livre fourmille de cas vérifiés et d'observations objectives, en cite de saisissants...
A Fribourg, on peut admirer la statue d'un canard, au centre d'une place fréquentée. Pendant la guerre de 40-45, il a sauvé la vie à des milliers d'habitants en les prévenant, bien avant les sirènes, qu'une vague de bombardiers alliés approchait de la ville.
En juin 1972, le chien Voyou, un bâtard noir et blanc, a tout tenté pour empêcher son maître de prendre, gare de l'Est, le train qui devait le conduire à Lens. Il tournait autour de lui en aboyant, l'empêchait d'avancer et, comme Tobby, il l'agrippa par le pantalon quand il monta dans son wagon. Voyant qu'il ne parvenait pas à le retenir, Voyou courut en tête du train et se jeta entre les rails, devant la locomotive, pour tenter d'arrêter le convoi. Et le vétérinaire parisien, qui a vécu cette malheureuse histoire, conclut :
- Je n'ai eu que plus tard l'explication de ce geste insensé : Voyou savait que j'étais en danger et a sacrifié sa vie pour essayer de sauver la mienne. Le train que j'avais pris a déraillé dans le tunnel de Vïerzy, et je n'ai échappé à la mort que par miracle. Voyou "savait", et il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de m'avertir ! ./.
Un extrait du chapitre "Mystérieuses communications..."
P206-P207
P206-P207
./. Ce lien télépathique m'a toujours fasciné. Encore faut-il préciser qu'il ne s'établit pas entre n'importe quel homme et n'importe quelle bête. Il faut, pour cela, qu'une très profonde connivence rapproche l'un et l'autre, une connivence faite d'amour mutuel, de confiance et de complicité.
Ce lien, je l'avais avec Moune, ce beau chat noir dont j'ai conté, en cinq volumes, les malices et les exploits. Du temps que je dirigeais les programmes de la télévision française, la plus grande fantaisie gouvernait mes heures de retour au logis. Elles dépendaient de l'imprévisible et du fortuit : tantôt un visionnage de dernière minute, tantôt un rendez-vous qui se prolongeait. Mais, quelle que soit l'heure à laquelle ma voiture quittait la rue de Turenne pour s'engager dans la rue Villehardouin, Moune, à l'instant même, abandonnait le fauteuil où il roupillait pour se poster devant la porte d'entrée de mon appartement. J'étais pourtant encore loin ! Mais lui savait que, dans dix minutes, ma clé tournerait dans la serrure.
Ce type de communication peut jouer en sens inverse : de la bête vers l'homme. Lorsqu'il habitait dans la vallée de Saint-Amarin, au cœur des Vosges, Hervé Grosjean eut l'occasion de constater qu'entre son chien Lucky et lui, ce lien télépathique existait bel et bien et, mieux encore, qu'il fonctionnait à la perfection...
Il était neuf heures du soir. Hervé, son dîner achevé, lisait tranquillement au coin de la cheminée où crépitait un joyeux feu de bois. Tout semblait calme. La nuit, dehors, imposait le poids de son silence aux bruits de la vie. Lucky, lui, vadrouillait dans les parages. Rituellement, à la tombée du jour, il se payait une promenade vespérale et digestive, levant ici un campagnol à la recherche d'insectes, effarouchant là un lapin sorti du terrier. Et, soudain, Hervé perçut, mentalement mais distinctement, les appels de désespoir de son chien. Aucun son, pourtant, ne passait les murs épais de la maison...
- Bon, j'ai rêvé, se dit-il. Et il reprit sa lecture.
Mais les appels se renouvelaient, devenaient pressants... Il se leva, enfila son manteau et sortit. Sans se poser l'ombre d'une question, il se dirigea droit vers le bois qui, à deux cents mètres, profilait sur le ciel la masse plus sombre de ses arbres.
- J'étais, me dit-il, comme guidé par un fil invisible et je marchais sans hésitation dans une direction qui m'était imposée.
Il pénétra profondément dans le bois et, dix minutes plus tard, les aboiements plaintifs de Lucky lui parvinrent pour la première fois. Il le trouva enfin. Le chien avait posé la patte sur un piège à mâchoire et, ne pouvant s'en dégager, il appelait son ami à son secours...
Hervé réussit à le libérer et les blessures que le piège avait occasionnées cicatrisèrent vite. Mais un fait s'imposait : c'est bien par la télépathie que Lucky avait alerté Hervé Grosjean.
Le Docteur Philippe de Wailly cite, dans "Le sixième sens des animaux" des cas similaires, notamment celui-ci :
"En 1952, le Docteur Karlis Osio a testé les phénomènes extrasensoriels chez les chats en leur commandant par la pensée de choisir entre deux coupes de nourriture placées aux extrémités d'une boîte en forme de T. L'humain, par la seule force de sa pensée, demandait au chat de tourner à droite ou à gauche sans que le chat puisse voir l'observateur." Et le chat s'exécutait.
De nombreuses hypothèses ont été avancées pour tenter d'expliquer ce phénomène. Aucune, à ce jour, n'emporte une totale adhésion.
Le chapitre (intégral) "Quand vient l'heure de la séparation..."
P228-P233
P228-P233
D'aucuns jugeront peut-être que ce triste aspect des choses n'a pas sa place dans un recueil "d'histoires drôles".
Si je m'y décide, néanmoins, c'est que la relation des bêtes avec la mort est fort différente de la nôtre. Ce sentiment de rupture irrémédiable et définitive, qui nous habite quand vient l'heure de la séparation, leur est totalement étranger. Tout donne à penser, au contraire, que nos animaux familiers ont foi en une continuité qui, au-delà de la mort, maintient d'indestructibles liens, comme s'ils savaient qu'un jour les vivants que nous sommes aujourd'hui retrouveront les disparus d'hier dans un au-delà sans chagrin.
Du même coup, la mort, telle que la vivent les bêtes, n'est pas désespérante. Elle est une chose naturelle et programmée, comme l'est la vie elle-même. Elle n'est qu'un passage que nous emprunterons nous-mêmes un jour.
Cette familiarité avec ce qui, pour nous, est "le pire de ce qui peut arriver" a, chez les bêtes, deux conséquences. La première est qu'ils la sentent venir de très loin, qu'il s'agisse de leur propre mort ou de celle de ceux qu'ils aiment. L'autre conséquence est qu'elles accompagnent, mentalement et physiquement, l'ami qui s'en va puisque cet adieu à la vie terrestre n'interrompt qu'un souffle mais en aucun cas un sentiment, et elles l'accompagnent parfois au point de se laisser elles-mêmes mourir pour rejoindre l'ami plus tôt que ne le prévoyait leur propre destin.
Nous avons beaucoup d'exemples de ces deux comportements parfaitement cohérents et complémentaires. Ceux de la fidélité, d'abord.
J'ai rapporté, dans un livre publié en 1991 mais que tout le monde n'a pas lu (hélas) cette belle histoire que m'a narrée Françoise Sallé.
Cela se passe à Thouars, dans les Deux-Sèvres. Vivaient là, en parfaite harmonie, un vieux monsieur à la retraite et sa fille Françoise qui escortait son crépuscule avec amour et dévouement. Vivait là aussi un chat, Doudou, un Européen noir comme l'ébène, qui vouait à Monsieur Sallé une véritable passion. Et le bonheur habitait la maison.
Et puis, un matin, Monsieur Sallé se réveilla très mal en point. La Faculté diagnostiqua une maladie très grave. Il déclina rapidement et, une nuit, il s'éteignit doucement, comme la flamme d'une bougie à bout de course.
Françoise pleura toutes les larmes de son corps et, deux jours plus tard, elle enferma Doudou dans la maison et s'en fut conduire son père dans le cimetière de Thouars, à l'autre bout de la ville.
Deux semaines passèrent.
C'est en refermant une fenêtre malencontreusement ouverte qu'elle s'aperçut que Doudou en avait profité pour s'évader. Elle le chercha dans le voisinage, car il lui arrivait de fuguer, mobilisa médias et gendarmerie et dut se rendre à l'évidence : Doudou demeurait introuvable.
Le dimanche suivant, elle se rendit au cimetière pour déposer des fleurs sur la tombe de son papa et là, que vit-elle ? Doudou assis sur le marbre, immobile et squelettique...
Et cela, déjà, est stupéfiant ! Ce cimetière, il n'y était jamais allé, Doudou... Et à l'autre bout de la ville, en plus ! Cette tombe, rien ni personne ne lui avait indiqué que c'était la bonne !... Et pourtant, il ne s'était pas trompé...
Françoise voulut le ramener chez elle. Le chat s'y refusa énergiquement. Alors elle rentra seule et, un peu plus tard, elle lui ramena de quoi manger et boire. Elle tenta encore de le convaincre de la suivre, elle le caressa, le prit dans ses bras... Peine perdue. Doudou sauta sur le marbre froid du tombeau et s'y allongea, décidé à ne jamais quitter son grand ami.
Des témoins alertèrent un journaliste de Thouars et la presse locale s'empara de l'affaire. J'ai lu les articles qui furent alors publiés et Françoise me confia une superbe photo de Doudou, assis sur la tombe de Monsieur Sallé.
Et bien, croyez-le ou pas, pendant deux ans, Françoise vint tous les jours au cimetière nourrir le chat. Et, une nuit d'hiver où il gelait à pierre fendre, Doudou mourut de froid, seul dans ce grand cimetière enneigé. Il avait enfin rejoint celui qu'il aimait jusqu'à en mourir.
Bien d'autres cas de ce genre sont dans les mémoires. Les mélomanes se souviennent que lorsque Mozart fut enterré, une tornade dispersa le cortège qui suivait le convoi. Au cimetière, à l'heure d'inhumer le grand musicien, devant le trou encore béant, il n'y avait personne. Personne sauf son chien qui, lui, l'avait suivi jusqu'au bout...
Mais les bêtes, ai-je dit, sentent aussi, de très loin, la mort frapper. Le docteur Philippe de Wailly rappelle un fait troublant qui défraya, à l'époque, la chronique. Un acteur très connu, William Ferris, fut assassiné par un fou alors qu'il s'apprêtait à entrer en scène. Il était 7h20. Exactement à la même heure et à des kilomètres de là, Davie, son chien entra en transes, aboyant et mordant dans le vide, désespéré de ne rien pouvoir faire pour sauver son maître...
Mon ami, Michel Bokanowski, ancien ministre du Général de Gaulle et Compagnon de la libération, m'a raconté, il y a fort longtemps, que lorsque son père, Maurice Bokanowski, lui aussi ministre, se tua en avion, sa chatte, à 400 kilomètres de là, devint comme folle à l'heure exacte de l'accident.
Les bêtes sentent aussi venir leur propre mort...
C'était l'été dernier. Nous séjournions à la campagne avec nos deux chats. Quelques jours plus tôt, Gros-Mimi nous avait fait une belle frayeur : une crise d'épilepsie spectaculaire dont il semblait s'être bien remis mais qui avait nécessité une hospitalisation de vingt-quatre heures chez le bon docteur Philippe de Smet. "Quel âge a-t-il ?" m'avait demandé le vétérinaire en nous accueillant. "Plus de vingt ans..." Le toubib avait hoché la tête et fait la grimace. "Bon. Je vais le garder en observation jusqu'à demain..."
Tout le temps que dura ce séjour en clinique, Petit-Lulu le chercha partout, fouillant chaque recoin des trois hectares du domaine, miaulant désespérément pour appeler "son" chat, son inséparable et tendre compagnon. Et, quand il le revit enfin, ce fut la fête !
Juillet passa, sans alertes ni problèmes, et le mois d'août se glissa en douceur au coeur d'une nature épanouie. Nous étions tous ensemble, ce soir-là, dans le fumoir où une chatière permet aux bêtes d'aller et venir en toute liberté. Les "parents" regardaient la télé. Les "enfants" se prélassaient sur un canapé. Dix heures venaient de sonner. Soudain Mimi sauta sur le sol, nous lança un bref miaulement et sortit.
On ne l'a plus jamais revu...
Sa mort l'avait appelé. Et, sans hésiter, sans gémir, sans protester, il s'était rendu tout droit au rendez-vous ultime. Discrètement, pudiquement. "Ne vous dérangez pas. Je sais ce qui m'attend et ce que j'ai à faire."
Nous l'avons cherché partout, pendant huit jours, et même au-delà du domaine. Il s'en était allé très loin, mourir tout seul, courageusement, lucidement, sans molester personne.
Le plus étonnant de l'histoire est que Petit-Lulu qui, d'habitude, le suit où qu'il aille comme son ombre, n'avait pas bougé lorsque "son" chat était sorti. Et dans les heures et les jours qui suivirent, il fut le seul à ne pas le chercher. Il savait, lui aussi !
Quelle mystérieuse communication entre Gros-Mimi et lui l'avait informé ? Ou bien son sixième sens était-il entré en jeu ?
Personne ne pourra jamais nous le dire.
Guy Sabatier, ancien député-maire de Laon, m'a relaté, sur le même sujet, un phénomène curieux...
Retraité depuis bon nombre d'années il réside à présent, avec son épouse, dans une belle maison de bord de mer, au Brusc, à deux pas de Six Fours les Plages. Si près de l'eau, il est naturel que les oiseaux de mer les visitent. Madame Sabatier qui, toute sa vie durant, a entretenu avec les oiseaux une relation affectueuse et confiante, se fait un devoir de parsemer le gravier de son jardin de petits morceaux de pain, de graines et de fruits. Et, tout aussi rituellement, les tourterelles, qui abondent dans ce coin de la côte, viennent picorer les gâteries qu'elle leur dispense.
Un bel après-midi d'été, alors qu'une tribu d'oiseaux faisait bombance, elle remarqua qu'une tourterelle chancelait, battait de l'aile, semblait malade. Elle piqua cependant une miette et remonta vers le ciel d'un vol lourd. Elle revint le lendemain, et aussi le surlendemain. Elle paraissait de plus en plus faible... Alors, d'un pas hésitant, elle s'approcha de l'amie des oiseaux, comme pour lui demander son aide, puis, à la surprise générale, elle entra dans la maison, ce qu'aucun oiseau ne faisait jamais.
"Je l'ai prise", m'a dit l'amie des oiseaux, "très doucement. Je l'ai caressée un grand moment, et elle est morte dans mes mains".
L'explication de cet étrange comportement, le vétérinaire de Six Fours les Plages l'a fournie :
"Les tourterelles savent, depuis longtemps, qu'ici c'est la maison du bon Dieu. On y trouve à manger tous les jours, et personne n'effarouche les oiseaux. Les gens qui l'habitent ne peuvent être que de braves gens, bons et généreux, auxquels on peut faire confiance. Alors c'est ici que, le moment venu, on peut trouver de l'aide et, peut-être même, mourir. Paisiblement."
Et c'est sur cette note qu'il faut clore ce chapitre : paisiblement.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe recherche désespérément ce livre. Pourriez vous m'aider en me disant si vous connaissez une librairie qui le vendrais?
Merci de votre aide. Cordialement .
Bonjour, désolée mais je ne peux pas vous aider. Il vous faut surveiller les sites de vente (Bon Coin, Ebay, Price Minister...), vous devriez finir par le trouver.
RépondreSupprimerCordialement.