Théologie animale
d'Andrew Linzey Pour la première fois traduit en français, Andrew Linzey, professeur de théologie à l’Université de Oxford et Directeur du Oxford Centre for Animal Ethics, ouvre une voie inédite pour la paix, à travers une réflexion inspirée sur la relation à l’animal.A l’occasion du 125e anniversaire de la mort de Victor Hugo, qui a toujours pris position en faveur des animaux, One Voice a choisi de publier la traduction française du livre d’Andrew Linzey : Théologie animale.
Pour ce spécialiste de l’éthique, auteur de nombreux textes de référence dans ce domaine, la question du rapport à l’animal nous concerne tous. Penser l’animal, c’est aussi penser l’humain.
A travers son ouvrage, il nous livre une réflexion étayée sur notre mode de vie dans sa globalité, mise en perspective à travers des problématiques profondément actuelles, telles que les OGM ou l’environnement. Il démontre savamment les implications de la responsabilité des humains à l’égard des plus faibles, et propose de bousculer l’ordre établi pour accéder, enfin à un monde plus juste et pacifié.
Muriel Arnal déclare : « Publier l’ouvrage d’Andrew Linzey était une évidence. Son approche des droits des animaux et du respect de toute vie constitue une base de réflexion tout à fait pertinente, et documentée de manière particulièrement intéressante. Plus que jamais ancré dans l’actualité, cet ouvrage devrait éveiller les consciences. »
Théologie animale, Andrew Linzey, Editions One Voice, 2010, 246 pagesUn commentaire de l’auteurVictor Hugo aurait été fier.
Victor Hugo a développé le concept d’une grande morale – une compassion élargie à toutes les formes de vie. Il est mort il y a 125 ans, le 22 mai 1885.
C’est le 22 mai 2010, date anniversaire de sa mort, qu’est publié le premier ouvrage en français sur la théologie animale.
Il est temps pour les églises de suivre ses traces et de rejoindre le mouvement de la protection animale. Théologie animale montre qu’il y existe des bases théologiques solides devant nous conduire à militer pour une justice envers les animaux.
One Voice est l’une des principales organisations de défense animale en France. Elle porte le flambeau dans la quête d’une relation plus respectueuse envers les animaux et mérite notre soutien chaleureux. C’est un grand honneur d’être publié par elle.
Professeur Andrew Linzey
A propos de l'auteurAndrew Linzey est un prêtre anglican, membre de la faculté de théologie de l’Université d’Oxford et directeur fondateur du Oxford Center for Animal Ethics. Il est également professeur honoraire à l’université de Manchester. Il a occupé à Oxford le premier poste académique au monde en théologie et bien-être animal. Entre autres fonctions, il a aussi occupé le poste de professeur honoraire à l’université de Birmingham de 1996 à 2007. Il est l’auteur d’un grand nombre d’articles et d’ouvrages sur la théologie et l’éthique, traduits pour la plupart dans de nombreuses langues. En 2006, il figurait sur la liste des 50 personnes oeuvrant pour un monde meilleur, établie par le journal The Independent.
A propos de One VoiceOne Voice est une association Loi 1908 qui cultive son indépendance politique, religieuse et financière comme garantie de sa liberté de parole et d’action. Elle mène, depuis 1995, une lutte non violente pour les droits des animaux et le respect de toute vie perpétuant ainsi la vision du Tout et de l’unité des combats chère à son célèbre parrain, Théodore Monod. L’association est le représentant pour la France de la Coalition européenne pour la fin de l’expérimentation animale.
Pour en savoir plus-
Le site One Voice-
La boutique One Voice où vous pourrez acheter le livre
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Violences sur les animaux et les humains : Le lien, sous la direction d'Andrew Linzey-
La note de lecture d'Olivier Jelen-
La note de lecture d'Estiva Reus-
Les animaux, nos humbles frères, de Jean GaillardLe sommairePréface à l'édition française
Première partie : Principes de théologie1. Respect de la vie, responsabilité et droits- Le respect de la vie
- La responsabilité vis-à-vis des animaux
- Les droits des animaux
- L'orientation théocentrique
2. La priorité morale des faibles- Le paradigme de l'égalité
- Le paradigme de la générosité
- Tracer la limite
- Des relations privilégiées : les enfants et les animaux
- Des biens mal acquis
- Deux objections
3. L'espèce humaine dans le rôle du serviteur- Ce qui marque la singularité
- Le Dieu souffrant
- Un sacerdoce du sacrifice
- Un service au nom d'une spécificité
- Les objections
4. Une théologie de la libération pour les animaux- Les dogmes de l'humanisme
- Un anthropocentrisme étriqué
- Retrouver les relations chrïstologiques
5. Les droits des animaux et la prédation- Le dilemme du vampire
- Parasitisme et prédation
- Repenser la loi naturelle
- Un impératif moral transnaturel
- Les objections au végétarisme
Seconde partie : Bousculer nos habitudes morales6. Les expériences sur les animaux, des sacrifices pas très religieux- Le fondement théologique de la valeur de la création
- Des implications morales
- Les animaux comme victimes sacrificielles
- Une critique des expériences sur les animaux
7. La chasse comme antiévangile de la prédation- La chasse avec Jésus-Christ
- Comment tuer en restant un chrétien consciencieux
- Jésus notre Prédateur
- Le sacrifice pour tous
- L'affranchissement de la servitude
8. Le végétarisme comme idéal biblique- La nourriture du paradis
- Une permission ambiguë
- Vivre sans violence
- Le Prince de la paix
- Pour approcher le Royaume de la paix
9. Les manipulations génétiques comme maltraitance des animaux- La révolution animale
- Appartenir et exister pour
- Les brevets et la doctrine de la création
- La théologie discréditée du génie génétique
- Quatre objections
- Eugénisme et génie génétique
Guide bibliographique des ouvrages cités
Remerciements
Index
Notes
La présentation du livre
par le site One Voice Dans cet ouvrage, publié en français par One Voice, les animaux ont droit au respect. A travers une relecture de la bible qui bouleverse les conventions généralement admises de la domination de l’humain sur les animaux, chaque être trouve sa place. Chaque vie a droit au respect.Andrew Linzey est un prêtre anglican, membre de la faculté de théologie de l’Université d’Oxford et directeur fondateur du Oxford Center for Animal Ethics. Il est l’auteur d’un grand nombre d’articles et d’ouvrages sur la théologie et l’éthique.
Une date de choixLe 22 mai 2010, date choisie pour la publication de ce premier ouvrage de théologie animale en français, est aussi celle du 125ème anniversaire de la mort de Victor Hugo. Victor Hugo, auteur cher à Linzey, était particulièrement sensible à la cause animale, et avait une vision assez claire quant au comportement humain : « Sans doute était-ce le premier devoir. (...) il fallait civiliser l'homme du côté de l'homme. La tâche est avancée déjà et fait des progrès chaque jour. Mais il faut aussi civiliser l'homme du côté de la nature. Là tout est à faire. »
Pour tous publicsCe livre est une théologie, certes, mais dont l’analyse et la logique développent des thèmes accessibles et pertinents pour tous, croyants ou non, désireux de réfléchir à la problématique de la place de l’humain vis-à-vis des animaux. Le «fait que les animaux soient innocents et sans défense, loin de nous permettre de les exclure du champ de nos préoccupations morales, est précisément ce qui devrait nous obliger à leur accorder une attention particulière et à les traiter avec les scrupules et les soins les plus extrêmes. »
Une introduction dédiée au public françaisDans une préface spécialement écrite pour la version française de son ouvrage, Andrew Linzey explique avec brio le rôle tenu par les grands penseurs de notre pays dans l’évolution du statut de l’animal à travers le monde. Depuis Descartes, jusqu’à Victor Hugo, Linzey retrace les grands courants de pensée qui ont conduit l’animal à la place inconfortable qu’il occupe aujourd’hui.
Respecter la vieLinzey nous invite non seulement à respecter la vie sous toutes ses formes, mais à accorder une priorité morale aux plus faibles. Il propose une relecture de la genèse où le concept de domination n’implique pas l’asservissement mais se substitue à la notion de responsabilité : « chaque fois que nous détenons un pouvoir vis-à-vis d’êtres qui sont plus ou moins sans défense, notre obligation morale de générosité n’en est que plus grande. S’il est bien un droit que nous confère notre pouvoir sur des animaux, c’est celui de les servir. » Refusant de faire du bien-être humain une priorité, il replace l’humain à sa juste position, au sein de la nature, n’hésitant pas à mettre en cause « des siècles d’anthropocentrisme chrétien (de la pire espèce) » dans la crise écologique actuelle.
Mettre fin à la souffranceMettre fin à la souffrance, libérer les animaux du joug des humains, faire évoluer le monde vers une plus grande mansuétude, ouvrir l’humain à une existence salutaire pour lui et la planète, Linzey ouvre aux chrétiens de nouvelles pistes pour le salut de leur âme. Il offre aussi ainsi à ses lecteurs une approche inédite de l’existence et une analyse étayée et solidement construite des textes religieux. Un monde où l’amour et la paix trouveraient enfin leur place.
Les animaux ne nous appartiennent pasLinzey aborde les thèmes fondamentaux que sont l’expérimentation animale, la chasse, la consommation de viande et les manipulations génétiques en se basant sur la doctrine religieuse et les implications morales qui en résultent. « La doctrine chrétienne de la création nous oblige à considérer que notre estimation de notre propre valeur ne peut pas constituer l’unique critère pour déterminer la valeur d’autres créatures. » Dans un monde où partout la tyrannie s’exerce, il invite l’homme à renaître en bouleversant ses habitudes séculaires, pour une existence plus juste et une paix planétaire.
Quelques extraits et un article
Plutôt que de rédiger un avis sans grand intérêt pour le visiteur (car je ne suis pas douée pour cette tâche) sur un livre aussi intéressant et dense (et parfois complexe dans sa première partie) que Théologie animale d'Andrew Linzey, j'ai préféré sélectionner ces documents :
- Les présentations claires qui figurent au début de chaque chapitre
- De longs extraits du chapitre "Le végétarisme comme idéal biblique" à lire sur ce lien
- Ainsi que l'article remarquable écrit par Yves Tissier
Tous ces documents, ajoutés à la très bonne présentation (ci-dessus), vous donneront ainsi un aperçu du livre bien meilleur que je ne saurais le faire et, je l'espère, l'envie de le découvrir pour avancer dans votre spiritualité et par la même occasion, soutenir l'association One Voice. Extraits : Les premières lignes de chaque chapitre
1. Respect de la vie, responsabilité et droits
Ce chapitre traite principalement de notre devoir moral envers les animaux, créatures de Dieu. Trois questions y sont soulevées : (1) Devons-nous faire preuve de respect envers les animaux ? (2) Avons-nous une responsabilité vis-à-vis des animaux ? (3) Les animaux ont-ils des droits ? Je propose pour ma part de répondre à ces trois questions par l'affirmative. Si je défends avec fermeté une doctrine des droits moraux des animaux, le lecteur pourra constater que, pour moi, une approche en termes de droits ne doit pas conduire à négliger d'autres notions comme le «respect» et la «responsabilité». J'ai traité en long et en large du problème des droits des animaux dans mes ouvrages Animal Rights : A Christian Assessment et Christianity and the Rights of Animals et je n'ai pas l'intention de répéter simplement la même argumentation ici. Mon idée est que le concept de droits est tout à fait compatible avec la théologie morale et qu'il convient de l'étendre aux animaux. En même temps, je m'oppose à l'idée que le droit puisse englober tout ce que l'on pourrait dire sur les animaux d'un point de vue théologique. Selon moi, il existe du point de vue théologique de bonnes raisons de reconnaître la valeur des animaux, de les respecter, d'accepter d'en être responsables et de reconnaître les droits que Dieu leur a donnés. (...)
2. La priorité morale des faibles
Le langage du respect, de la responsabilité et des droits permet-il de rendre aux animaux ce qui leur est dû en tant que créatures de Dieu ? Dans ce chapitre, j'explique que d'un point de vue théologique, il nous faut aller plus loin encore : une interprétation moralement satisfaisante de nos obligations envers les animaux implique nécessairement davantage qu'une simple exigence d'égale considération, contrairement à ce qu'avancent certains militants de la libération animale. A partir de la notion de générosité divine qu'incarne la personne de Jésus, je suggère que l'on accorde aux êtres faibles et sans défense une considération non pas égale mais plus grande. Une priorité morale devrait être donnée aux plus faibles. (...)
3. L'espèce humaine dans le rôle du serviteur
Il peut sembler que l'accent mis dans le chapitre précédent sur la communauté de destín entre humains et animaux occulte le credo traditionnel des chrétiens concernant le caractère unique du genre humain. On entend souvent dire que les partisans des droits des animaux ne voient aucune différence réelle entre animaux et humains et tentent de mettre les uns et les autres au même niveau du point de vue moral et théologique. Il est vrai qu'un certain nombre de défenseurs des droits des animaux remettent en cause la singularité du genre humain, parfois pour de bonnes raisons comme je vais le montrer. Cependant, faut-il en conclure qu'il n'est possible de vouloir un traitement éthique des animaux qu'au prix de l'abandon de la conception chrétienne traditionnelle selon laquelle l'être humain est particulier et unique ? Je ne le pense pas. Je vais m'efforcer de montrer qu'en réalité la conception selon laquelle les humains seraient moralement supérieurs tient une place centrale dans la théorie des droits des animaux. Partant de l'idée d'un Dieu qui souffre, j'explique que l'on peut définir ce caractère unique de l'être humain comme une capacité de servir et de se sacrifier. De ce point de vue, l'être humain est l'espèce à laquelle revient la mission exclusive d'exercer un ministère du don de soi, à l'image du Grand Prêtre, non pas seulement pour les membres de sa propre espèce mais pour toutes les créatures sensibles. Parce que les créatures gémissent et souffrent, il faut une espèce capable d'oeuvrer conjointement avec le Seigneur à la guérison et à la libération de la création. (...)
4. Une théologie de la libération pour les animaux
L'idée que l'être humain serait l'unique espèce capable d'oeuvrer avec Dieu à la libération et à la rédemption du monde nous amène naturellement à étudier la théologie de la libération. Toutefois, comme je le montre, la théologie de la libération ne tient aucunement sa promesse dès qu'il s'agit de l'oppression dont souffrent les animaux. Apparemment, au lieu de libérer la théologie de l'anthropocentrisme, les théologiens ne font que l'asservir à celui-ci, de façon toujours plus affirmée. À cet égard, leur étroitesse d'esprit est largement imputable à une christologie défaillante. Mon propos est de montrer comment il est possible - en restaurant cinq relations christologiques fondamentales - de concevoir une théologie de la libération qui rende justice à la souffrance de la création non humaine. (...)
5. Les droits des animaux et la prédation
Dans les chapitres qui précèdent, nous avons postulé que la volonté de Dieu était une création rachetée et libérée de la prédation et du parasitisme. C'est là une conception à contre-courant de la théologie moderne qui a admis, presque comme une évidence, que la rédemption divine dans le monde futur devait être limitée à la sphère humaine ou du moins, que le parasitisme et la prédation écologiques étaient la volonté de Dieu dans ce monde. Ici, je milite en faveur des projets de transformation du monde de la déité que je vois révélée en Jésus-Christ, et j'explique aussi que l'injonction de se comporter de façon « non naturelle » eu égard à nos habitudes de carnivores peut être un signe de grâce. Vivre sans tuer d'êtres sensibles dans la mesure où cela est possible est un devoir théologique qui incombe aux chrétiens désireux de se rapprocher du royaume de la paix. Ici comme ailleurs, je perçois un clivage fondamental entre ceux qui revendiquent une « éthique écologique» et les partisans d'une théologie de la libération fondée sur la création. (...)
6. Les expériences sur les animaux, des sacrifices pas très religieux
L'idée que les animaux n'existeraient que pour notre usage a une longue histoire. Cette nouvelle idée selon laquelle il existe des limites morales à ce que nous pouvons faire aux animaux a mis longtemps à émerger et, dans ses implications pratiques, elle pourra sembler radicale et implacable. C'est dans l'utilisation des animaux pour la recherche scientifique que cela apparaît de la façon la plus claire. Dans ce chapitre, je commence par reprendre à mon compte le principe théologique selon lequel les animaux ont une valeur non utilitaire et irréductible, et je tente de montrer que cette notion se fonde sur la doctrine traditionnelle de Dieu en tant que Père, Fils et Saint-Esprit. J'en détaille ensuite les implications morales, et je montre comment, en pratique, de telles implications rendent indispensable le refus moral de sacrifier des animaux au bénéfice des humains. (...)
7. La chasse comme antiévangile de la prédation
Proche de l'idée que les animaux n'existeraient que pour notre utilité, il y a l'idée que les animaux n'existeraient que pour notre bon plaisir. Il est étonnant qu'une telle idée puisse avoir connu au sein de la tradition chrétienne un succès tel, que saint François de Sales, pour ne prendre qu'un exemple, aura pu considérer la chasse comme une de ces « innocentes récréations » dont « nous pouvons toujours faire bon usage » pour développer notre vie spirituelle. Au contraire, j'affirme que la chasse, loin d'être « innocente » ou moralement neutre, représente l'antiévangile de Jésus notre Prédateur. Je pense que rares sont ceux qui auront vraiment saisi ce que pouvait signifier théologiquement le fait de justifier la destruction de la vie sensible simplement pour le plaisir ou pour la distraction que cela procure. Pour que la chasse pour le plaisir puisse être justifiée, il faudrait que l'on célèbre le parasitisme en tant que plan divin. Quelles que soient les difficultés qu'on puisse avoir à imaginer un monde sans prédation, intensifier et renforcer - sans aucune nécessité morale - les forces parasitaires à l'oeuvre dans notre monde, c'est plonger encore davantage la création dans ces ténèbres dont l'espérance chrétienne est que nous serons tous libérés, les humains comme les animaux. (...)
8. Le végétarisme comme idéal biblique
De tous les défis moraux issus de la théologie animale, on peut soutenir que le végétarisme est celui qui bénéficie de la justification biblique la plus affirmée. L'acceptation du principe minimaliste consistant à éviter, dans la mesure du possible, de faire du mal aux êtres sensibles rend à elle seule inacceptable le fait de tuer pour le plaisir de la gastronomie. Dans ce chapitre, je trace les grandes lignes du raisonnement que l'on peut tirer de la Genèse et du Livre d'Isaïe, tout en tenant compte également du fait que Jésus n'apparaît pas comme un végétarien dans les Évangiles canoniques. Même si nous admettons que, selon le chapitre IX de la Genèse, il est permis de manger de la viande à titre de concession particulière aux mauvais penchants de l'être humain, la question reste posée de savoir si le principe du régime carnivore peut se justifier. (...)
Un court extrait
(...) Dans le passé, nombreux ont été ceux - parmi lesquels, sans l'ombre d'un doute, les rédacteurs de la Bible eux-mêmes - qui ont pensé que tuer pour manger était essentiel et que notre existence même en dépendait. Or, comme je l'ai souligné au chapitre V, nous savons maintenant - du moins pour ceux d'entre nous qui vivent dans les pays riches de l'Occident - qu'il est parfaitement possible de se nourrir sainement sans le moindre recours à des produits à base de chair animale. Certes, il se peut que cela n'ait pas toujours été vrai dans le passé. Jusqu'à une date relativement récente, la croyance la plus ordinaire a toujours été que la viande était essentielle pour vivre bien.
Ceux qui optent pour le végétarisme peuvent le faire en sachant qu'ils vivent davantage en accord avec l'idéal biblique de paix que leurs contemporains mangeurs de viande. Voilà un fait qu'on ne devrait pas négliger. A bien des égards, il est difficile de savoir comment il serait possible de vivre de façon plus pacifique dans un monde marqué par la violence, l'avidité et le consumérisme. Souvent, l'individu se sent démuni face aux grands pouvoirs qui dominent la société et qui échappent même au contrôle démocratique. Choisir un mode de vie végétarien, c'est de façon pratique franchir une étape vers la cohabitation pacifique avec le reste de la création, une étape vers la réduction du nombre de mises à mort institutionnalisées dans le monde actuel. Un poulet en moins dans les assiettes, c'est un poulet en moins à l'abattoir. (...)
9. Les manipulations génétiques comme maltraitance des animaux
Dans ce chapitre, je rejette absolument l'idée que les animaux puissent faire l'objet de manipulations génétiques afin de devenir de meilleures machines à produire de la viande ou un meilleur matériel de laboratoire. Selon le point de vue de la théologie animale, remodeler génétiquement des animaux pour qu'ils ne soient plus que des moyens servant des fins humaines est moralement équivalent à l'institutionnalisation de l'esclavage humain. Il y a donc quelque chose de moralement douteux dans le développement indéfini d'une science génétique qui n'admet pas d'autres limites morales que celles du progrès dans le contrôle des espèces. Les défenseurs d'une justice morale pour les animaux ne sauraient se contenter de moins que le démantèlement de cette science en tant qu'institution. Nous atteignons ici les limites absolues de ce que peut tolérer une théologie de la création digne de ce nom. (...)
Théologie animale : ce titre a de quoi déconcerter. Tout d’abord, la théologie est souvent considérée comme un système philosophique empreint de dogmatisme et qui privilégie la pensée abstraite, sans rapport direct avec notre quotidien. [ De theos -dieu et logos -science, la théologie est l'« étude des questions religieuses fondée principalement sur les textes sacrés, la tradition etc », nous dit le Grand Robert ]. Par ailleurs, une théologie de l’animal paraît un sujet bien étrange, à contre-courant de la pensée chrétienne traditionnelle. En effet, habituellement la théologie est plutôt utilisée comme écran de fumée, pour étayer une doctrine qui justifie l’asservissement de l’animal par l’homme, d’où la méfiance couramment répandue à son égard.
Mais Andrew Linzey n’est pas un auteur comme les autres. Vers 1970, il fit partie du groupe d’Oxford aux côtés de Peter Singer, lequel publia en 1975 La libération animale, un essai philosophique qui marqua les esprits. Autrefois secrétaire de l’Association végétarienne d’Oxford, Andrew Linzey créa en 2006 l’Oxford Center for Animal Ethics. Il a publié de nombreux livres sur la cause animale, sujet dont il est devenu un spécialiste reconnu. En 2001, l’archevêque de Cantorbery lui a décerné le titre de docteur en théologie en reconnaissance pour son travail. Publiée en anglais en 1994, Animal theology est son œuvre majeure. C’est aussi son premier livre traduit en français, paru en mai 2010. Il faut saluer ici le courage éditorial de l’association de défense des animaux One Voice qui publie le texte en français.
Sans marquer le moindre pédantisme, Andrew Linzey impressionne par sa grande érudition, alignant une bibliographie de 32 pages ! Il aborde avec aisance aussi bien l’analyse critique de l’œuvre d’Aristote ou de Saint Thomas d’Aquin, que la pensée d’Albert Schweitzer ou d’un philosophe anglais de la Renaissance complètement méconnu. Faisant preuve d’un esprit francophile, Andrew Linzey a gratifié le lecteur français d’une préface spéciale qui mesure l’abîme séparant la pensée de Descartes de celle de Victor Hugo, l’un de ses auteurs favoris.
Théologie animale s’articule en deux parties. Dans la première, Principes de théologie, l’auteur développe ses conceptions concernant la place de l’animal dans la doctrine chrétienne. Dans la seconde partie, Bousculer nos habitudes morales, il en développe les applications pratiques. Au passage, il s’attarde sur la vivisection, la chasse, le végétarisme et les manipulations génétiques, montrant que la théologie n’est pas nécessairement une discipline austère, mais peut être une matière vivante et captivante par ses implications dans notre vie quotidienne. Pour illustrer le dynamisme de la pensée d’Andrew Linzey, on relèvera que, pour étayer sa démonstration, il peut successivement faire une longue métaphore sur le vampirisme, citer La ferme des animaux de George Orwell, ou même Mein Kampf comme contre-exemple et qu’il n’hésite pas à relever les faiblesses de ses propres arguments. C’est là l’indication d’une grande honnêteté intellectuelle. Par ailleurs, le fait qu’Andrew Linzey soit un prêtre anglican lui confère sans doute une plus grande liberté de pensée que s’il provenait du sérail catholique, à la pensée bien calibrée. [ Notons au passage que la Grande Bretagne jouit depuis le milieu du XIXème siècle d'une longue tradition de militantisme d'inspiration biblique en faveur de la protection animale et du végétarisme ]. En lisant Linzey, on découvre à quel point la position théologique de l’église catholique a peu évolué depuis le Moyen Âge.
Linzey nous montre en effet que, en ce qui concerne notre relation avec le règne animal, la doctrine de l’église contemporaine est restée plus ou moins celle de Saint Thomas d’Aquin (XIIIème siècle), qui a lui-même repris sans discussion deux axiomes d’Aristote ; à savoir que, contrairement aux humains, les animaux n’auraient pas la capacité de raisonner et que leur seule raison d’être serait de servir les humains. Aristote, le père de la rhétorique, s’avère ainsi également celui du sophisme, argument à logique fallacieuse. L’éthologie moderne (science du comportement animal) reconnaît pourtant aux animaux : intelligence, langage évolué, émotivité, sensibilité à la douleur, capacité d’entraide, voire le rire jadis le propre de l’homme. Mais d’après Linzey, « la position de saint Thomas d’Aquin peut se résumer ainsi : considérés en eux-mêmes, les animaux n’ont pas de raison et aucun droit, et les humains n’ont aucune responsabilité à leur égard ». Le dictionnaire de théologie morale de 1962 ne va guère au delà de cette position, et, malgré quelques déclarations encourageantes de Jean-Paul II, la théologie catholique romaine n’a pas évolué sur le fond.
Linzey utilise souvent des exemple parallèles : « L’idée que les animaux n’existeraient que pour le service ou le profit des humains est moralement aussi grotesque que de considérer que les enfants sont la propriété de leurs parents et que ces derniers peuvent en disposer à leur aise ». Il n’hésite pas à aller bien au delà de la pensée de Peter Singer qu’il qualifie d’anthropocentrique. Linzey montre au contraire que l’exemple de Jésus – « paradigme de la générosité » – est marqué par « la priorité morale du faible » et « suppose de notre part un changement radical de notre attitude vis à vis des animaux ».
Même le célèbre théologien Hans Küng postule que « le bien des humains est l’unique préoccupation de Dieu », oubliant au passage tout le reste de la création, animaux compris.
Rempli de compassion à l’égard de la souffrance animale, Andrew Linzey nous invite à la non-violence : « Vivre sans tuer d’êtres sensibles dans la mesure où cela est possible est un devoir théologique qui incombe aux chrétiens désireux de se rapprocher du royaume de la paix ». À ses yeux, le fait de choisir un régime alimentaire végétarien n’est pas anodin. Dans un style qui n’aurait pas déplu au Mahatma Gandhi, il écrit : « le végétarisme – loin d’être une sorte de supplément moral facultatif ou un aspect moral secondaire – est en fait un acte théologique implicite de la plus grande importance. En refusant de tuer et de manger de la chair animale, nous témoignons d’un ordre supérieur de l’existence […], qui ne demande qu’à advenir par nous ».
Concernant l’expérimentation animale en laboratoire, qui possède de farouches opposants en Grande-Bretagne, Linzey nous lance une mise en garde : « Nous ne devons pas oublier que, théologiquement parlant, l’utilisation que nous faisons des animaux est un usufruit : nous en sommes responsables devant Dieu. Les animaux ne nous appartiennent pas ». Cela rappelle ce que Khalil Gibran disait au sujet des enfants dans son texte inspiré Le Prophète.
Nous précisant que la France détient le triste record européen du nombre de chasseurs – avec 1,5 million de permis – Linzey se montre sans complaisance à leur égard : « Les chasseurs n’imitent pas la cruauté de la nature : ils la créent ». A cet égard, j’ajouterai que l’ours s’avère très dangereux dans les régions où il est chassé comme dans les Montagnes Rocheuses et en Sibérie. Au contraire, il ne s’attaque pas à l’homme dans les zones reculées où il est laissé en paix, comme certaines vallées isolées d’Alaska. Par ailleurs, au niveau des conséquences karmiques de la chasse, dans mon e-book Être végétarien, le bon choix ?, je cite l’exemple de l’empereur François-Joseph (page 124). J’avais oublié celui de Louis XVI, autre passionné de chasse, qui termina sa vie tragiquement comme un vulgaire gibier. Les animaux commencent du reste à se révolter, puisqu’en Biélorussie, on a noté récemment une dizaine d’attaques par des écureuils, et un renard atteint par le chasseur qui voulait l’achever à coup de crosse a même grièvement blessé celui-ci d’un coup de fusil en actionnant la gâchette pour se défendre (Courrier International n°1055 p.54).
Ce n’est que dans l’avant dernier chapitre de Théologie animale qu’Andrew Linzey aborde « Le végétarisme comme idéal biblique ». Pour lui, le principe de non-violence rend « inacceptable le fait de tuer pour le plaisir de la gastronomie ». Il argumente longuement les passages du chapitre de la Genèse qui ont été repris par l’ensemble des exégètes et son interprétation ne manque pas d’intérêt. Mais il serait beaucoup trop long d’exposer ici l’argumentation de Linzey, à partir d’un texte dont l’ambiguïté a permis la plus grande complaisance par le passé. Précisons seulement que Linzey garde en ligne de mire l’idéal messianique évoqué au livre d’Isaïe, le végétarisme étant clairement pour lui un préambule à « l’idéal d’un règne de paix universelle ».
Linzey aborde également la question de savoir quel était le régime alimentaire de Jésus. À ce propos, il considère « l’évangile des esséniens » que nous citons p.83-84 de notre livre comme probablement inventé à une époque relativement récente. Si tel était le cas, cela n’enlève rien à la beauté et à la puissance du texte.
Concernant les manipulations génétiques, cette pratique inspire à Linzey une sainte horreur. Il voit dans ce que nous qualifions pudiquement de « génie génétique » un système organisé d’exploitation et d’asservissement du monde animal. Pire, il considère cette pratique comme une insulte envers le créateur, l’homme prétendant interférer pour améliorer une création jugée imparfaite. Il voit dans cette abomination l’héritage d’Aristote, qui considérait que les animaux sont de par leur nature les esclaves des humains. De surcroît, la théologie chrétienne donne une interprétation permissive de la notion de domination de l’homme sur l’animal telle que l’expose la Genèse (I, 26-28) « interprétée comme une tyrannie autorisée sur le monde, et sur les animaux en particulier ».
Pour Linzey, les manipulations génétiques sont une façon de transformer les animaux en objets brevetables. « Ce qui est nouveau, c’est le fait que nous utilisions à présent des moyens technologiques permettant l’asservissement absolu de la nature des animaux, de telle sorte qu’ils deviennent totalement et complètement des biens de propriété humaine ». Pour Linzey, une telle approche de l’animal est clairement incompatible avec la doctrine chrétienne qui considère les animaux comme des créatures de Dieu. « Aucun être humain ne saurait être fondé à revendiquer la propriété absolue des animaux, pour la bonne raison que la création n’appartient qu’à Dieu ». Linzey nous met en garde contre les tentations d’eugénisme de nos savants, les expérimentations sur les animaux pouvant être le prélude d’expériences sur les humains, largement pratiquées du reste par les nazis.
Pour finir, Linzey nous rappelle que l’être humain fait partie intégrante de la nature et que toute intervention aboutissant à perturber l’équilibre de celle-ci parvient à bousculer l’homme lui-même.