L'amour tendre
30 confidences de 30 millions d'amis
de Jean-Pierre Hutin
dessins de Michel Bridenne
(Petit up)
30 confidences de 30 millions d'amis
de Jean-Pierre Hutin
dessins de Michel Bridenne
(Petit up)
Depuis sa création, l'émission de Jean-Pierre Hutin, "Trente millions d'amis", accueille des personnalités du monde des arts, des lettres ou de la politique. Chacune d'entre elles a confié avec des mots simples, ceux du coeur et de la vérité, sa douce passion, sa joie de vivre avec un animal. Les confidences ainsi recueillies en disent souvent plus long sur la personnalité des maîtres que les interviews officielles.
L'auteur de "Mabrouk" a rassemblé les interviews les plus tendres et surtout les plus révélatrices de cette passion mystérieuse qui unit les créateurs aux témoins attentifs de leur travail ; il a voulu enfin, à travers ces témoignages prestigieux, apporter une nouvelle pierre à son combat pour la défense et le respect des animaux de compagnie.
Ils sont trente ainsi, de Jouhandeau à Malraux, de Thierry Le Luron à Françoise Sagan, de Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand, à nous transmettre leurs plus belles, leurs plus drôles et leurs plus touchantes confidences.
L'amour tendre, Jean-Pierre Hutin, Michel Bridenne, Editions Robert Laffont, 1988, 330 pages
A propos de l'auteur
Producteur de l'émission "Trente millions d'amis", chroniqueur à Radio-France, Jean-Pierre Hutin est né en 1931 à Alep, en Syrie. Fondateur de la revue "Trente millions d'amis" et de l'Association de défense des animaux de compagnie (ADAC), il est aussi le créateur du prix littéraire "Trente millions d'amis", du prix "Crins blancs" et président de la Commission "Protection du cheval" de la fédération équestre française. Jean-Pierre Hutin a témoigné de son amour des chiens dans "Mabrouk, chien d'une vie", et "Junior, la tendresse retrouvée".
Les personnalités au sommaire
Patrick Besson, Alphonse Boudard, Jean Carrière, François Cavanna, Madeleine Chapsal, George Conchon, Maurice Druon, Remo Forlani, Inès de la Fressange, Valéry Giscard d'Estaing, Martin Gray, Paul Guth, Marcel Jouhandeau, Jacques Lanzmann, Dominique Lapierre, Jacques Laurent, Thierry Le Luron, André Malraux, Claude Manceron, François Mitterrand, Yves Navarre, François Nourrissier, Margaret Price, Christine de Rivoyre, Jules Roy, Robert Sabatier, Françoise Sagan, Michel de Saint Pierre, Vasarely, Françoise Xenakis.
Extrait
L'avertissement, de Jean-Pierre Hutin (pages 9 à 12)
"Mon chat est mort. Brutalement, en quelques heures, j'ai perdu douze ans d'un amour si pur, si parfait.
Il était mon chat. Mais aussi mon pays, ma famille, mes amis... et mon enfant.
Je suivis dans un désarroi total, meurtrie par les "t'as qu'à en prendre un autre" des amis et les "cette réaction est tout à fait excessive et anormale'' de mon mari, dans un manque physique et affectif déchirant, errante dans un présent glacial.
C'est moi qui ai creusé sa tombe, l'ayant ramené à la campagne à minuit, c'est moi qui l'ai mis dans ce trou, affolée, passant une dernière fois.mon visage dans sa fourrure avant de l'envelopper dans sa couverture préférée, c'est moi qui l'ai enterré, mis le noir de la terre sur cette couverture blanche. Et pourtant...
Pourtant, je ne crois pas qu'il soit mort. Ma main, mon visage se tendent malgré moi et cherchent encore une caresse. Je l'attends, je suis en manque de lui. Je ne sais pas dans quoi je sombre, c'est vous qui m'avez rassurée, qui m'avez dit que pleurer un animal c'est pleurer une vie, un amour, une complicité plus que parfaite, que mon infinie détresse n'est pas folie et qu'il était juste et bon de pleurer cette amputation de soi qui est aussi, dans le même temps, une autre vie, que l'on a respectée, aimée. Je pense à ce passage de L'Insoutenable légèreté de l'être, où Térésa dit à son chien Karénine qu'elle l'a aimé d'une meilleure façon qu'elle n'a aimé Thomas.
Merci d'avoir écrit ce livre sur votre chien Mabrouk, et de m'avoir fait savoir que ce tremblement intérieur incessant, ces crises de larmes incontrôlables, cette errance... un autre humain au moins savait ce que c'était.
Merci."
A elle seule, cette lettre, choisie parmi des milliers d'autres, prouve que mon combat est utile. Elle justifie en bloc MABROUK, chien d'une vie, JUNIOR, la tendresse retrouvée et aujourd'hui la publication des témoignages des "Trente" qui ont confié à nos caméras leur tendresse, leur angoisse, leur douce passion, leur joie de vivre avec un animal.
J'ai voulu une trace écrite de ces confidences afin que tous ceux - des millions - qui aiment les animaux soient confortés dans leur amour et dans leur chagrin.
Cette lettre a valeur de symbole. Elle montre notre solitude, le mur d'indifférence édifié par tous ceux qui voudraient faire de nous des marginaux.
Depuis toujours, je partage avec d'autres la conviction que, misérables ou puissants, jeunes ou vieux, intellectuels ou "primaires", nous ne sommes que de simples hommes, des humains partageant notre planète avec d'autres habitants, ces animaux que nous aimons, que nous redoutons, ou qui nous servent de nourriture.
Il est de bon ton de s'élever contre les guerres qui fauchent à la "fleur de l'âge" des générations entières, mais les massacres quotidiens, les milliards de vies sacrifiées pour que nos assiettes soient pleines n'émeuvent qu'une infime partie de l'humanité. Pourtant une vie est une vie et l'espèce humaine n'a pas, philosophiquement, plus de droits que l'espèce animale.
Que savons-nous réellement sur les animaux ?
Depuis quinze ans je fréquente - pour les besoins d'une émission - la communauté scientifique. Modeste, celle-ci sait avec une grande certitude qu'elle ne sait pas.
Rien ne nous autorise à penser que nous sommes supérieurs à une vache, un lion, un chien, un cheval. Des civilisations évoluées l'ont déjà dit.
Notre attitude "civilisée" conduit au racisme le plus pervers.
Quand certains d'entre nous décrétaient que les Noirs n'étaient pas des êtres humains et les réduisaient à l'esclavage, ne faisait-on pas - permettez-moi l'euphémisme - la même erreur de jugement... ou lorsque nous estimions qu'un Indien était d'une race inférieure ! Alors que, placés dans son environnement, nous n'aurions pas vécu plus d'une semaine ! C'est avec ce genre de raisonnement que, plus près de nous, le nazisme provoquait l'holocauste des "sous-hommes". Tout se tient.
Hormis le bouddhisme, les religions n'ont pas aidé non plus au respect dû aux bêtes.
Le Coran, par exemple, continue à enseigner le mépris du chien "...être impur".
En catimini, les grands théologiens catholiques modernes ont retrouvé vers le XVIIIe siècle une âme à ces "créatures de Dieu", mais nos catéchismes n'en parlent toujours pas.
Un tel silence pendant des siècles, une telle discrétion aujourd'hui sont en partie responsables de la détresse de la condition animale.
J'ai souhaité, avec ce florilège, démontrer que les amis des bêtes ne sont pas ces égoïstes, ces misanthropes, ces minus habens, ces simples d'esprit, ces gâteux, autant d'épithètes dont on gratifie ceux pour qui chiens, chats, chevaux, oiseaux constituent une présence amicale, tendre et même indispensable.
Je publierai un jour les confidences de tous ces anonymes, fidèles soutiens, depuis douze ans, de l'action de l'émission qui, sans leur appui, n'existerait plus depuis longtemps.
Mais aujourd'hui, on l'aura deviné, ma démarche est autre.
La diversité, la qualité de ces trente amis de "30 MILLIONS D'AMIS", la réunion de tous ces talents étaient nécessaires pour que cette "illustration et défense de la cause animale" atteigne son but.
Je remercie personnellement chacun d'eux d'avoir compris mon dessein et accepté que des conversations à bâtons rompus soient imprimées, ce qui, déjà délicat pour tout le monde, l'est encore plus pour des écrivains.
Certains ont légèrement réécrit leur texte. D'autres l'ont laissé tel quel.
Quelques-uns enfin ont ressenti le besoin d'ajouter un post-scriptum actualisant leur situation.
Une dernière précision. Les textes que nous publions comportent l'intégralité des propos qui ont été diffusés à l'antenne, mais, les séquences durant sept à huit minutes seulement, il fallait effectuer des coupes... celles-ci ont été rétablies.
C'est dire que le lecteur retrouvera au fil des pages des confidences inédites.
Jean-Pierre Hutin
L'auteur de "Mabrouk" a rassemblé les interviews les plus tendres et surtout les plus révélatrices de cette passion mystérieuse qui unit les créateurs aux témoins attentifs de leur travail ; il a voulu enfin, à travers ces témoignages prestigieux, apporter une nouvelle pierre à son combat pour la défense et le respect des animaux de compagnie.
Ils sont trente ainsi, de Jouhandeau à Malraux, de Thierry Le Luron à Françoise Sagan, de Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand, à nous transmettre leurs plus belles, leurs plus drôles et leurs plus touchantes confidences.
L'amour tendre, Jean-Pierre Hutin, Michel Bridenne, Editions Robert Laffont, 1988, 330 pages
A propos de l'auteur
Producteur de l'émission "Trente millions d'amis", chroniqueur à Radio-France, Jean-Pierre Hutin est né en 1931 à Alep, en Syrie. Fondateur de la revue "Trente millions d'amis" et de l'Association de défense des animaux de compagnie (ADAC), il est aussi le créateur du prix littéraire "Trente millions d'amis", du prix "Crins blancs" et président de la Commission "Protection du cheval" de la fédération équestre française. Jean-Pierre Hutin a témoigné de son amour des chiens dans "Mabrouk, chien d'une vie", et "Junior, la tendresse retrouvée".
Les personnalités au sommaire
Patrick Besson, Alphonse Boudard, Jean Carrière, François Cavanna, Madeleine Chapsal, George Conchon, Maurice Druon, Remo Forlani, Inès de la Fressange, Valéry Giscard d'Estaing, Martin Gray, Paul Guth, Marcel Jouhandeau, Jacques Lanzmann, Dominique Lapierre, Jacques Laurent, Thierry Le Luron, André Malraux, Claude Manceron, François Mitterrand, Yves Navarre, François Nourrissier, Margaret Price, Christine de Rivoyre, Jules Roy, Robert Sabatier, Françoise Sagan, Michel de Saint Pierre, Vasarely, Françoise Xenakis.
Extrait
L'avertissement, de Jean-Pierre Hutin (pages 9 à 12)
"Mon chat est mort. Brutalement, en quelques heures, j'ai perdu douze ans d'un amour si pur, si parfait.
Il était mon chat. Mais aussi mon pays, ma famille, mes amis... et mon enfant.
Je suivis dans un désarroi total, meurtrie par les "t'as qu'à en prendre un autre" des amis et les "cette réaction est tout à fait excessive et anormale'' de mon mari, dans un manque physique et affectif déchirant, errante dans un présent glacial.
C'est moi qui ai creusé sa tombe, l'ayant ramené à la campagne à minuit, c'est moi qui l'ai mis dans ce trou, affolée, passant une dernière fois.mon visage dans sa fourrure avant de l'envelopper dans sa couverture préférée, c'est moi qui l'ai enterré, mis le noir de la terre sur cette couverture blanche. Et pourtant...
Pourtant, je ne crois pas qu'il soit mort. Ma main, mon visage se tendent malgré moi et cherchent encore une caresse. Je l'attends, je suis en manque de lui. Je ne sais pas dans quoi je sombre, c'est vous qui m'avez rassurée, qui m'avez dit que pleurer un animal c'est pleurer une vie, un amour, une complicité plus que parfaite, que mon infinie détresse n'est pas folie et qu'il était juste et bon de pleurer cette amputation de soi qui est aussi, dans le même temps, une autre vie, que l'on a respectée, aimée. Je pense à ce passage de L'Insoutenable légèreté de l'être, où Térésa dit à son chien Karénine qu'elle l'a aimé d'une meilleure façon qu'elle n'a aimé Thomas.
Merci d'avoir écrit ce livre sur votre chien Mabrouk, et de m'avoir fait savoir que ce tremblement intérieur incessant, ces crises de larmes incontrôlables, cette errance... un autre humain au moins savait ce que c'était.
Merci."
A elle seule, cette lettre, choisie parmi des milliers d'autres, prouve que mon combat est utile. Elle justifie en bloc MABROUK, chien d'une vie, JUNIOR, la tendresse retrouvée et aujourd'hui la publication des témoignages des "Trente" qui ont confié à nos caméras leur tendresse, leur angoisse, leur douce passion, leur joie de vivre avec un animal.
J'ai voulu une trace écrite de ces confidences afin que tous ceux - des millions - qui aiment les animaux soient confortés dans leur amour et dans leur chagrin.
Cette lettre a valeur de symbole. Elle montre notre solitude, le mur d'indifférence édifié par tous ceux qui voudraient faire de nous des marginaux.
Depuis toujours, je partage avec d'autres la conviction que, misérables ou puissants, jeunes ou vieux, intellectuels ou "primaires", nous ne sommes que de simples hommes, des humains partageant notre planète avec d'autres habitants, ces animaux que nous aimons, que nous redoutons, ou qui nous servent de nourriture.
Il est de bon ton de s'élever contre les guerres qui fauchent à la "fleur de l'âge" des générations entières, mais les massacres quotidiens, les milliards de vies sacrifiées pour que nos assiettes soient pleines n'émeuvent qu'une infime partie de l'humanité. Pourtant une vie est une vie et l'espèce humaine n'a pas, philosophiquement, plus de droits que l'espèce animale.
Que savons-nous réellement sur les animaux ?
Depuis quinze ans je fréquente - pour les besoins d'une émission - la communauté scientifique. Modeste, celle-ci sait avec une grande certitude qu'elle ne sait pas.
Rien ne nous autorise à penser que nous sommes supérieurs à une vache, un lion, un chien, un cheval. Des civilisations évoluées l'ont déjà dit.
Notre attitude "civilisée" conduit au racisme le plus pervers.
Quand certains d'entre nous décrétaient que les Noirs n'étaient pas des êtres humains et les réduisaient à l'esclavage, ne faisait-on pas - permettez-moi l'euphémisme - la même erreur de jugement... ou lorsque nous estimions qu'un Indien était d'une race inférieure ! Alors que, placés dans son environnement, nous n'aurions pas vécu plus d'une semaine ! C'est avec ce genre de raisonnement que, plus près de nous, le nazisme provoquait l'holocauste des "sous-hommes". Tout se tient.
Hormis le bouddhisme, les religions n'ont pas aidé non plus au respect dû aux bêtes.
Le Coran, par exemple, continue à enseigner le mépris du chien "...être impur".
En catimini, les grands théologiens catholiques modernes ont retrouvé vers le XVIIIe siècle une âme à ces "créatures de Dieu", mais nos catéchismes n'en parlent toujours pas.
Un tel silence pendant des siècles, une telle discrétion aujourd'hui sont en partie responsables de la détresse de la condition animale.
J'ai souhaité, avec ce florilège, démontrer que les amis des bêtes ne sont pas ces égoïstes, ces misanthropes, ces minus habens, ces simples d'esprit, ces gâteux, autant d'épithètes dont on gratifie ceux pour qui chiens, chats, chevaux, oiseaux constituent une présence amicale, tendre et même indispensable.
Je publierai un jour les confidences de tous ces anonymes, fidèles soutiens, depuis douze ans, de l'action de l'émission qui, sans leur appui, n'existerait plus depuis longtemps.
Mais aujourd'hui, on l'aura deviné, ma démarche est autre.
La diversité, la qualité de ces trente amis de "30 MILLIONS D'AMIS", la réunion de tous ces talents étaient nécessaires pour que cette "illustration et défense de la cause animale" atteigne son but.
Je remercie personnellement chacun d'eux d'avoir compris mon dessein et accepté que des conversations à bâtons rompus soient imprimées, ce qui, déjà délicat pour tout le monde, l'est encore plus pour des écrivains.
Certains ont légèrement réécrit leur texte. D'autres l'ont laissé tel quel.
Quelques-uns enfin ont ressenti le besoin d'ajouter un post-scriptum actualisant leur situation.
Une dernière précision. Les textes que nous publions comportent l'intégralité des propos qui ont été diffusés à l'antenne, mais, les séquences durant sept à huit minutes seulement, il fallait effectuer des coupes... celles-ci ont été rétablies.
C'est dire que le lecteur retrouvera au fil des pages des confidences inédites.
Jean-Pierre Hutin
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