Les sens mystérieux des animaux
de Vitus B. Dröscher
de Vitus B. Dröscher
Vitus B. Dröscher, journaliste allemand spécialisé dans la recherche scientifique, n'a pas passé moins de huit ans à rassembler les matériaux de ce livre. Aussi bien, cette "exploration de l'âme des animaux" apparaît-elle comme l'ouvrage le plus complet, le plus clair et le plus intelligent que l'on ait écrit sur les facultés du monde animal, ce monde qui ne cesse de fasciner l'homme.
Parmi les sujets abordés :
Voir avec les oreilles, le super-sonar des dauphins, une couveuse artificielle inventée par des oiseaux, une centrale électrique vivante chez le gymnote, des abeilles sans postérieur, le secret des architectes termites, un paradis pour les enfants chez les chiens de prairie, comment les cynocéphales se lient d'amitié, les rats ne se multiplient pas comme des rats, la dictature du langage des odeurs, les capacités mathématiques des abeilles...
Les sens mystérieux des animaux, Vitus B. Dröscher, Editions Robert Laffont, 1978, 210 pages
Le sommaire
1. L'instinct profond
2. Inventions de la nature
3. Armes miracles et ruses de guerre
4. Tournois en bonne règle
5. Guerre et paix au royaume des termites
6. Dans les villes de chiens de prairie
7. Hôte des cynocéphales
8. Ordre hiérarchique chez les animaux
9. Dégénérescence de la vie communautaire
10. Le langage des oies, des sauterelles et d'autres animaux
11. Débats parlementaires chez les abeilles
12. L'agenda de la nature
13. La boussole des animaux migrateurs
14. La force primordiale des instincts
15. Comment sont liés le corps et l'âme
Le sommaire détaillé
- La guerre nocturne des ultra-sons
- Voir avec les oreilles
- Vol sans visibilité
- Les physiciens ne trouvent pas la solution
- Le super-sonar des dauphins
- Etranges coups de sifflet dans l'océan
- Palabre sous l'eau
- Le "troisième oeil" du serpent à sonnettes
- Enigmes encore à résoudre
- Une vie sous le joug du travail
- Calorifères pour la couveuse
- Une centrale électrique vivante chez le gymnote
- Les mouches ont un compteur de vitesse
- Le gouvernail du bousier
- Des abeilles sans postérieur
- La guerre des gaz chez les insectes
- Duel aux flèches d'amour
- Mouches tirées au juger
- Une usine de nylon dans la forêt vierge
- Ruses de guerre des araignées et des guêpes
- Trappes et trébuchets
- Dans les estomacs des plantes carnivores
- La ruse mortelle du réduve
- Les duels des cerfs et des antilopes
- La "cravate américaine" du lézard
- Guerre des nerfs chez les musaraignes carrelets
- Le signe de la capitulation
- Pigeons meurtriers
- Massacre pendant le vol nuptial
- Le secret des architectes termites
- Un système de climatisation perfectionné
- Hormones de jeunesse et écoles de combat
- Un paradis fabuleux pour les enfants
- Alerte aérienne
- Chez les voisins ennemis
- Conquérants et pionniers
- Les léopards attaquent
- Comment les cynocéphales se lient d'amitié
- Mutinerie et révolution
- La vie amoureuse des cynocéphales
- Jardins d'enfants rigoureusement surveillés
- Des guerres entre Etats ?
- Babouins gardiens de chèvres
- Actions d'éclat sans récompense
- Les jeux olympiques des poussins
- Révolte des "blousons noirs"
- Les coqs luttent en "rounds"
- Complexes d'infériorité
- "Exercices dans la cour du quartier" chez les poissons
- L'infériorité physique rend bête
- Quand les mâles deviennent femelles
- Les premiers signes de dégénérescence
- Désagrégation du mariage
10. Le langage des oies, des sauterelles et d'autres animaux
- Qu'est-ce que les oies ont à se raconter ?
- Corneilles provinciales et cosmopolites polyglottes
- Une histoire d'amour chez les choucas
- Les ragots tournent en rond
- Conséquences étranges des mésalliances entre canards
- Un couple de grillons se téléphone
- Le tournoi des chevaliers du pré
- Duo d'amour avec une sauterelle mâle
- La dictature du langage des odeurs
- L'idée géniale du professeur Butenandt
- L'ABC des abeilles
- Les capacités mathématiques des abeilles
- La consommation d'énergie en tant que télémètre
- On demande des interprètes
- L'expulsion de la reine
- Une horloge régulatrice dans la ruche
- Les éclaireuses deviennent pilotes
- Comment les abeilles apprennent à parler
- La notion de temps dans la vie amoureuse du crabe appelant
- Le tableau de service des abeilles mellifères
- Jusqu'à la 300e et 400e génération
- Les quarante chronomètres intérieurs de l'homme
- Le réglage des chronomètres
- Comment arrêter les chronomètres incorporés
- Où se trouve le chronomètre incorporé
- L'agenda annuel des animaux et des plantes
- Les fauvettes astronomes
- Repères célestes près de Chypre
- Dérive vers l'est du Turkestan
- Eclairs de chaleur et étoiles filantes
- Pourquoi les papillons de nuit sont attirés par la lumière
- Les pistes des saumons
- Animaux qui apprennent par coeur
- Les poissons naviguent en haute mer
- Quelle est l'origine de la boussole solaire ?
- Comment les pigeons voyageurs trouvent-ils le chemin du bercail ?
- Les sens mystérieux
- Magnétisme terrestre ou rayons électriques
- Les leurres déclenchent des actes instinctifs
- Les dindes fuient devant une mouche
- L'amour maternel - non prévu au plan
- Le faux vaut le vrai
- La science des vices humains
- Scène de ménage chez les cichlasmes
- En contradiction avec les sentiments
- Instincts hérités des temps les plus reculés
- L'homme et le chimpanzé cherchent à impressionner
- Postes de commandement dans le système nerveux
- Un être vivant sert de robot
- Hallucination sur commande
- Sentiments complexes
- La création de nouveaux modes de comportement
- Exploration des atomes de l'âme
- Sensations de plaisir par stimulation artificielle
- L'image matérielle de la création
- Robots en quête de nourriture
- La "rédaction des nouvelles" dans la cellule nerveuse
- Mathématique des mouvements de l'âme
Voir aussi, du même auteur
- Le merveilleux dans le règne animal
- Les animaux savent vivre et survivre
- Le langage secret des animaux
- C'est arrivé au zoo
(p55-p57) ../.. Le règne animal possède des "secrets" dont l'homme est particulièrement jaloux. Par exemple, cette faculté qu'ont maints reptiles et amphibiens, comme les lézards et les salamandres, de remplacer complètement des parties du corps qu'ils ont perdues, de les régénérer. Il ne s'agit pas seulement de la queue dont ils peuvent se séparer si un de leurs poursuivants l'a saisie : la vulgaire salamandre des étangs peut faire repousser ses pattes en vraie grandeur et perfection si un poisson carnivore les a mordues, et cela aussi souvent qu'il le faut. ../.. Bien plus, ce batracien est capable de remplacer les yeux, cornée et pupille comprises, qu'un oiseau lui a becquetés. ../..
../.. Le professeur V. Frisch, de l'Institut zoologique de l'Université de Munich, grand maître des recherches sur les abeilles, a observé un cas particulièrement extrême. Revenant à sa table d'expérience dans son jardin après une assez longue absence, il fut témoin de l'attaque d'une abeille, en train de lécher un pot de miel, par une lycose. Celle-ci lui arracha toute la partie postérieure ; mais, contre toute attente, la moitié antérieure de la victime resta aussi vivante qu'avant et continua de sucer le miel, bien que celui-ci tombât aussitôt par gouttes de la taille coupée. ../..
(Le secret des architectes termites - p96) ../.. Ce qui nous semble encore incompréhensible, c'est que ces petits êtres puissent concevoir un vaste plan de construction pour ériger leur immense bâtiment, alors qu'ils sont privés de la lumière du jour et n'ont aucun repère préalable. L'expérience suivante rend peut-être cette énigme plus troublante encore.
Avant même que les soldats, avec leur disposition en cercle, aient pu jalonner en quelque sorte et préparer le plan, les futures tranches de construction furent divisées en deux moitiés par un mur épais en tôle d'acier. Ainsi les termites placés d'un côté ne pouvaient entrer en contact avec leurs camarades de l'autre côté, ni par le son, ni par la vue, ni par l'odorat, ni par le toucher. Selon les normes humaines, ils étaient donc condamnés à se tromper dans leur travail. On pouvait au moins penser que la construction ne serait plus exactement symétrique, ou que les arcs de la coupole ne seraient pas contigus. Mais, à la grande surprise de tous, les termites se comportèrent comme si la tôle d'acier n'existait pas et l'englobèrent dans leur maçonnerie.
Le phénomène n'en apparaissait que plus énigmatique, et même aujourd'hui la science n'a pas la moindre base pour donner une explication plausible. ../..
(Un paradis fabuleux pour les enfants - p109-p110) ../.. Quand les jeunes chiens de prairie ont faim, ils ne recherchent pas longtemps leur mère. Ils se blottissent aussitôt contre le premier animal adulte qu'ils trouvent et essayent avidement de téter. La plupart du temps, ils tombent naturellement sur une étrangère, mais dans ce pays de cocagne, le lait coule en abondance. Peu importe que ce soit sa mère ou une autre femelle, quand le petit a faim et mendie sa nourriture, il a toujours à boire. ../.. Le soir, le petit n'a pas du tout envie de retourner sagement coucher chez sa mère. Là même où il vient de jouer, il descend s'installer dans un "lit" étranger et reçoit un accueil aimable de n'importe quelle famille, comme sa mère reçoit de son côté des visites d'enfants étrangers. Cette sollicitude pour leur postérité explique la très faible mortalité infantile des chiens de prairie. Dans tout un été, John King n'a enregistré qu'un décès sur 58 nouveau-nés. ../..
(p122) ../.. En plein palabre, un éclaireur perché dans un arbre à proximité semble avoir vu quelque chose. Il descend rapidement, gesticule avec agitation, grogne, claque de la langue et fait des grimaces. Les autres l'ont manifestement compris, car la troupe se reforme très vite et file bon train.
Il s'agit de rejoindre un troupeau de trente impalas auprès desquelles les singes semblent les bienvenus : dès qu'elles les ont sentis, elles se hâtent de venir à leur rencontre. Quelle étrange amitié que celle de deux animaux aussi différents que les cynocéphales et les antilopes aux pâturons noirs !
Si curieux que cela puisse paraître, ces deux espèces d'animaux forment dans la savane une communauté sur laquelle aucun prédateur n'a de prise. Avec leurs excellents yeux, les singes, grimpés dans les arbres, découvrent les ennemis de fort loin. Mais, ceux qu'ils ne peuvent distinguer car ils sont trop bien camouflés dans l'herbe haute de la savane, ou cachés derrière des broussailles épaisses, sont découverts par les impalas grâce à leur sens olfactif exceptionnel. De plus, cynocéphales et antilopes comprennent mutuellement leurs signaux et leurs avertissements. Ils savent tout de suite l'espèce d'ennemi que le partenaire vient d'observer et quelles contre-mesures il faut prendre. ../..
(p134) ../.. Ces études sur la langue des singes sont étayées par une expérience qu'entreprirent, au début de 1962, des savants américains dans le jardin zoologique du Bronx, à New York. Alors que des nuages annonçant un orage couvraient le ciel, on a enregistré sur bande magnétique le bavardage de primates dans un enclos. Quelques jours après, par un beau soleil brillant, on a repassé la bande. Les animaux ont d'abord eu un mouvement de surprise, puis ils se sont précipités aussi vite que possible dans des coins abrités contre la pluie. Cet étonnant comportement montre qu'ils possèdent une vraie langue sonore et qu'ils ont compris sans difficulté leurs conversations précédentes sur le temps. ../..
(Babouins gardiens de chèvres - p135-p138) ../.. Dans la ferme de Otjiruse, près de Windhuk, la femelle babouin Ahla mène tous les jours un troupeau d'environ 80 chèvres au pâturage sans être ni surveillée ni accompagnée par un humain. Du reste ce n'est pas du tout un cas exceptionnel, ni un "singe prodige" car elle a eu déjà deux prédécesseurs dans sa fonction, dont l'un s'est acquitté pendant six ans avec le plus grand soin.
../.. Par-dessus le marché, les babouins n'ont même pas besoin d'apprendre leur rôle difficile. Ahla avait été capturée à l'âge de deux ans par les indigènes. Les trois premiers jours, elle vécut dans une stalle particulière du kraâl des chèvres avec les chevreaux nouveau-nés, et eut ainsi en abondance du lait à boire.
Bientôt elle suivit le troupeau de son propre gré quand celui-ci s'en allait au pâturage, le matin. Dès la première fois et sans que personne lui eût montré comment s'y prendre, elle sut s'entendre avec les chèvres et elle maintint l'ordre jusqu'au retour. Elle voyait d'emblée si le troupeau n'était pas au complet, par exemple quand certaines bêtes étaient allées se reposer à l'ombre d'un buisson. Alors elle montait vite sur le dos d'une grosse chèvre, ou dans un arbre, ce qui lui donnait rapidement une vue d'ensemble de la situation, puis ramenait le déserteur au troupeau en poussant des mugissements et des cris. A part cela, elle ne conduisait par le troupeau, elle l'accompagnait, et c'était toujours les chèvres elles-mêmes qui décidaient de la direction à prendre.
../.. Au bout de quelques jours, Ahla connaissait déjà les 80 chèvres individuellement. Si Mme Aston en achetait une nouvelle, il fallait qu'elle la lui présente, sinon "l'étrangère" était chassée sans pitié.
../.. Un jour, il se produisit un incident plus remarquable encore. Le matin de bonne heure, une demi-heure après avoir quitté la ferme, Ahla revient surexcitée et criant à tue-tête. Que se passait-il donc ? L'Ovambo qui trayait les chèvres avait oublié de laisser sortir du kraâl deux des chevreaux qui étaient allés brouter la veille pour la première fois avec les "grands". Quand Mme Aston se fut finalement aperçue de l'erreur, et l'eut corrigée, la diligente bergère se mit à la tête de sa petite arrière-garde, et l'emmena rejoindre le gros de la troupe en poussant sans cesse son "ho-ho-ho".
Le Dr. Hoesch écrit textuellement : "Quand Ahla revient le soir avec son troupeau, elle va tout d'abord avec les chèvres à l'abreuvoir, mais entre la première au kraâl et grimpe de là par une lucarne dans l'enclos des chevreaux. De son poste, elle ne peut pas voir mais seulement entendre les animaux adultes qui vont mettre une heure environ à rentrer tranquillement, l'un après l'autre, dans le kraâl principal.
Dès que, de l'intérieur de l'enclos, elle entend la voix d'une mère appelant son petit, elle saisit juste le bon, saute avec lui par la lucarne et le dépose contre le pis de la mère. Elle accomplit ce service sans se tromper, même quand plusieurs chèvres bêlent en même temps et que plusieurs chevreaux leur répondent... Elle porte même les petits à leur mère avant que l'un ou l'autre ait donné de la voix.
Elle connaît tous ses protégés sans que l'on ait réussi à savoir comment elle les distingue. Aucun indigène ni aucun Blanc ne serait capable de trouver ainsi, sans erreur, le bon chevreau, parmi une vingtaine de petites bêtes, souvent de la même couleur et du même âge. Chez Ahla une faute est inconcevable.
Ce zèle dont elle témoigne pour faire téter confine à la manie. Elle ne peut pas attendre patiemment. Si tous les petits sont auprès de leur mère, elle surveille l'opération et remet souvent à téter des chevreaux qui n'ont plus faim et qui s'écartent du pis. S'ils ne sont pas encore bien solides sur leurs pattes, elle les soutient ; s'ils sont rassasiés et que la pression du lait est encore trop forte, elle en boit un peu, mais n'en prend jamais autrement."
Une seule faille se glisse dans cette fidélité fanatique. Chaque fois que Mme Aston prend un chevreau à une mère qui vient d'en mettre trois au monde pour le donner à une autre qui n'en a qu'un, Ahla le rapporte toujours à la vraie mère, si loin soit-elle.
../.. Mais le plus étonnant est encore qu'Ahla, qui cherche elle-même sa nourriture dans les champs, n'a pas la moindre récompense pour ces actions d'éclat. On ne peut donc pas parler d'un dressage indirect. N'est-on pas déjà, chez cet animal, devant les premiers symptômes d'un acte guidé par la raison ?
(Une histoire d'amour chez les choucas - p169) ../.. Suit un échange de tendresses. Un murmure d'amour commence, bec contre bec, au cours duquel les adultes font entendre des sons tout à fait enfantins. Ces manifestations de tendresse demeureront inchangées pendant toute la vie des deux oiseaux, sans jamais diminuer d'intensité. Chaque réunion, fût-ce après une toute petite promenade, sera saluée jusqu'à leurs vieux jours par un "murmure d'amour" semblable au premier. Les choucas vivent aussi vieux que les hommes, mais comme ils se marient dès l'âge de deux ans, ils restent donc fidèles bien plus longtemps que nous. ../..
(La dictature du langage des odeurs - p179-p180) ../.. Les distances auxquelles les mâles sentent la présence d'une femelle nous paraissent inouïes. L'homme ne perçoit les odeurs subtiles qu'à quelques mètres de distance ; les bombyx du mûrier découvrent la trace de leurs femelles à plusieurs centaines de mètres.
Pour mesurer exactement à quelle distance le langage des odeurs est vraiment perceptible, les savants ont lâché des bombyx mâles d'un train en marche, à des intervalles réguliers. Au bout de 11 kilomètres de voyage, bon nombre de ces animaux retrouvaient encore le chemin de la cage tapissée de gaze dans laquelle étaient restées les femelles émettant des odeurs. A cette distance, il serait impossible de percevoir ces cris, et même des signaux optiques.
../.. Plus encore, ces rares molécules d'odeur qui viennent impressionner l'une ou l'autre des cellules nerveuses (40.000 au total) dans l'antenne du papillon mâle, déterminent avec une autorité dictatoriale le court temps de vie qui lui est accordé. Cette existence vraiment éthérée commence lorsque le papillon sort de sa chrysalide. Tout d'abord, il ne bouge presque pas, ne vole pas du tout, mais se repose dans un coin protégé.
Il a une bonne raison pour cela : pendant toute la durée de son existence, l'insecte ne vit que d'air et d'amour. A la différence de beaucoup d'autres espèces de papillons, il est incapable d'avaler la moindre goutte, le moindre fragment de quoi que ce soit. Quand la réserve fournie par la chrysalide est absorbée, la mort survient. S'il veut remplir à temps les tâches pour lesquelles il est venu au monde, il lui faut ménager ses forces. Des vols entrepris au hasard pour chercher femme seraient un gaspillage ridicule d'énergie. ../..
(Le déchiffrage du langage des abeilles - p186) ../.. Par un beau jour de printemps, les deux filles du savant cachèrent un pot de miel dans leur grand jardin et, avec des rires amusés, lui demandèrent de le retrouver.
Il ouvrit sa ruche, l'observa pendant deux minutes environ et dit "direction nord-nord-ouest, distance 340 mètres." Il la mesura au pas et se trouva devant un buisson dans le feuillage duquel le bourdonnement des abeilles lui révéla la cachette du pot de miel.
Comment avaient-elles pu la lui indiquer si vite ? Les abeilles éclaireuses, qui venaient de découvrir le pot de miel, étaient très pressées de "raconter" la trouvaille à leurs camarades de la ruche et de les inviter à venir. C'est cette "conversation" que Karl von Frisch avait écoutée et comprise. ../..
(p238) ../.. Des scènes bouleversantes se déroulent encore presque tous les jours actuellement sur les iles Bikini. La dernière bombe "H" y a explosé il y a 10 ans, mais le sol et l'eau sont toujours contaminés par la radioactivité, d'où des conséquences catastrophiques pour le comportement instinctif des animaux qui y vivent. Les tortues de mer sortent de l'eau à la saison de la ponte pour déposer leurs oeufs dans les trous sur la plage, après quoi elles retournent normalement par le plus court chemin dans leur élément. Mais maintenant leur sens de l'orientation est détruit. Pendant des semaines, ces colosses en armure se traînent dans tous les sens sur la terre sans pouvoir retrouver le chemin de la mer, s'égarent de plus en plus dans les déserts de sable que les explosions atomiques ont laissés derrière elles, et meurent par dizaines de milliers, lentement, douloureusement.
Dans les colonies d'oiseaux marins, des millions d'oeufs gisent, non couvés. Tous sont stériles, commencent à pourrir au bout de peu de temps et répandent une puanteur infernale sur l'archipel de la mort. D'autres oiseaux s'enterrent dans des monticules dont ils ne sortent pratiquement jamais.
Une espèce de dipneuste, qui vit dans les eaux des îles Bikini peut manifestement, ainsi que les étoiles de mer, percevoir les rayons radio-actifs et les reconnaître comme dangereux. Comme l'eau est plus contaminée que la terre, on trouve presque toujours ces poissons sur cette dernière, rampant même parmi les branchages des buissons et des arbres avec des mouvements de nageoires maladroits - image grotesque et macabre du comportement instinctif chaotique des animaux à la suite des retombées radio-actives et signal d'alarme pour l'humanité tout entière. ../..
(p257) ../.. Le professeur H. Precht et le Dr. Elke Lindenlaub ont fait, en 1954, l'expérience avec des chats : ils ont enfermé un de ces animaux dans un sac complètement opaque, chez eux, puis l'ont porté dans un laboratoire obscur après un tour de ville riche en détours. Là, ils l'ont lâché au milieu d'un labyrinthe comportant 24 sorties et attendu pour voir laquelle il allait choisir. Cette expérience fut ensuite répétée avec 142 autres chats.
La très grande majorité se glissa par une seule et même issue, celle qui se trouvait dans la direction de sa maison.
Elke Lindenlaub a obtenu des résultats semblables, en montant la même expérience avec des souris. Là aussi nous restons perplexes devant un phénomène qui semble se trouver au-delà de tous les sens humains. ../..
Parmi les sujets abordés :
Voir avec les oreilles, le super-sonar des dauphins, une couveuse artificielle inventée par des oiseaux, une centrale électrique vivante chez le gymnote, des abeilles sans postérieur, le secret des architectes termites, un paradis pour les enfants chez les chiens de prairie, comment les cynocéphales se lient d'amitié, les rats ne se multiplient pas comme des rats, la dictature du langage des odeurs, les capacités mathématiques des abeilles...
Les sens mystérieux des animaux, Vitus B. Dröscher, Editions Robert Laffont, 1978, 210 pages
Le sommaire
1. L'instinct profond
2. Inventions de la nature
3. Armes miracles et ruses de guerre
4. Tournois en bonne règle
5. Guerre et paix au royaume des termites
6. Dans les villes de chiens de prairie
7. Hôte des cynocéphales
8. Ordre hiérarchique chez les animaux
9. Dégénérescence de la vie communautaire
10. Le langage des oies, des sauterelles et d'autres animaux
11. Débats parlementaires chez les abeilles
12. L'agenda de la nature
13. La boussole des animaux migrateurs
14. La force primordiale des instincts
15. Comment sont liés le corps et l'âme
Le sommaire détaillé
1. L'instinct profond
- Des oreilles ennemies vous écoutent !- La guerre nocturne des ultra-sons
- Voir avec les oreilles
- Vol sans visibilité
- Les physiciens ne trouvent pas la solution
- Le super-sonar des dauphins
- Etranges coups de sifflet dans l'océan
- Palabre sous l'eau
- Le "troisième oeil" du serpent à sonnettes
- Enigmes encore à résoudre
2. Inventions de la nature
- Une couveuse artificielle inventée par des oiseaux- Une vie sous le joug du travail
- Calorifères pour la couveuse
- Une centrale électrique vivante chez le gymnote
- Les mouches ont un compteur de vitesse
- Le gouvernail du bousier
- Des abeilles sans postérieur
3. Armes miracles et ruses de guerre
- Le viseur du ver luisant- La guerre des gaz chez les insectes
- Duel aux flèches d'amour
- Mouches tirées au juger
- Une usine de nylon dans la forêt vierge
- Ruses de guerre des araignées et des guêpes
- Trappes et trébuchets
- Dans les estomacs des plantes carnivores
- La ruse mortelle du réduve
4. Tournois en bonne règle
- Combats de serpents venimeux- Les duels des cerfs et des antilopes
- La "cravate américaine" du lézard
- Guerre des nerfs chez les musaraignes carrelets
- Le signe de la capitulation
- Pigeons meurtriers
5. Guerre et paix au royaume des termites
- Attaque contre la forteresse des termites- Massacre pendant le vol nuptial
- Le secret des architectes termites
- Un système de climatisation perfectionné
- Hormones de jeunesse et écoles de combat
6. Dans les villes de chiens de prairie
- Un paysage lunaire sur la terre- Un paradis fabuleux pour les enfants
- Alerte aérienne
- Chez les voisins ennemis
- Conquérants et pionniers
7. Hôte des cynocéphales
- Marches militaires- Les léopards attaquent
- Comment les cynocéphales se lient d'amitié
- Mutinerie et révolution
- La vie amoureuse des cynocéphales
- Jardins d'enfants rigoureusement surveillés
- Des guerres entre Etats ?
- Babouins gardiens de chèvres
- Actions d'éclat sans récompense
8. Ordre hiérarchique chez les animaux
- Pas de paix sans lutte- Les jeux olympiques des poussins
- Révolte des "blousons noirs"
- Les coqs luttent en "rounds"
- Complexes d'infériorité
- "Exercices dans la cour du quartier" chez les poissons
- L'infériorité physique rend bête
- Quand les mâles deviennent femelles
9. Dégénérescence de la vie communautaire
- Les rats ne se multiplient pas comme des rats- Les premiers signes de dégénérescence
- Désagrégation du mariage
10. Le langage des oies, des sauterelles et d'autres animaux
- Qu'est-ce que les oies ont à se raconter ?
- Corneilles provinciales et cosmopolites polyglottes
- Une histoire d'amour chez les choucas
- Les ragots tournent en rond
- Conséquences étranges des mésalliances entre canards
- Un couple de grillons se téléphone
- Le tournoi des chevaliers du pré
- Duo d'amour avec une sauterelle mâle
- La dictature du langage des odeurs
- L'idée géniale du professeur Butenandt
11. Débats parlementaires chez les abeilles
- Le déchiffrage du langage des abeilles- L'ABC des abeilles
- Les capacités mathématiques des abeilles
- La consommation d'énergie en tant que télémètre
- On demande des interprètes
- L'expulsion de la reine
- Une horloge régulatrice dans la ruche
- Les éclaireuses deviennent pilotes
- Comment les abeilles apprennent à parler
12. L'agenda de la nature
- Le chronomètre incorporé des animaux- La notion de temps dans la vie amoureuse du crabe appelant
- Le tableau de service des abeilles mellifères
- Jusqu'à la 300e et 400e génération
- Les quarante chronomètres intérieurs de l'homme
- Le réglage des chronomètres
- Comment arrêter les chronomètres incorporés
- Où se trouve le chronomètre incorporé
- L'agenda annuel des animaux et des plantes
13. La boussole des animaux migrateurs
- Les étoiles-guides- Les fauvettes astronomes
- Repères célestes près de Chypre
- Dérive vers l'est du Turkestan
- Eclairs de chaleur et étoiles filantes
- Pourquoi les papillons de nuit sont attirés par la lumière
- Les pistes des saumons
- Animaux qui apprennent par coeur
- Les poissons naviguent en haute mer
- Quelle est l'origine de la boussole solaire ?
- Comment les pigeons voyageurs trouvent-ils le chemin du bercail ?
- Les sens mystérieux
- Magnétisme terrestre ou rayons électriques
14. La force primordiale des instincts
- Une touffe de plumes comme ennemi- Les leurres déclenchent des actes instinctifs
- Les dindes fuient devant une mouche
- L'amour maternel - non prévu au plan
- Le faux vaut le vrai
- La science des vices humains
- Scène de ménage chez les cichlasmes
- En contradiction avec les sentiments
- Instincts hérités des temps les plus reculés
- L'homme et le chimpanzé cherchent à impressionner
15. Comment sont liés le corps et l'âme
- Téléguidage d'animaux vivants- Postes de commandement dans le système nerveux
- Un être vivant sert de robot
- Hallucination sur commande
- Sentiments complexes
- La création de nouveaux modes de comportement
- Exploration des atomes de l'âme
- Sensations de plaisir par stimulation artificielle
- L'image matérielle de la création
- Robots en quête de nourriture
- La "rédaction des nouvelles" dans la cellule nerveuse
- Mathématique des mouvements de l'âme
Voir aussi, du même auteur
- Le merveilleux dans le règne animal
- Les animaux savent vivre et survivre
- Le langage secret des animaux
- C'est arrivé au zoo
Quelques extraits choisis
(tirés de l'édition 1974)
(tirés de l'édition 1974)
Chapitre 2 : Inventions de la nature
(p55-p57) ../.. Le règne animal possède des "secrets" dont l'homme est particulièrement jaloux. Par exemple, cette faculté qu'ont maints reptiles et amphibiens, comme les lézards et les salamandres, de remplacer complètement des parties du corps qu'ils ont perdues, de les régénérer. Il ne s'agit pas seulement de la queue dont ils peuvent se séparer si un de leurs poursuivants l'a saisie : la vulgaire salamandre des étangs peut faire repousser ses pattes en vraie grandeur et perfection si un poisson carnivore les a mordues, et cela aussi souvent qu'il le faut. ../.. Bien plus, ce batracien est capable de remplacer les yeux, cornée et pupille comprises, qu'un oiseau lui a becquetés. ../..
../.. Le professeur V. Frisch, de l'Institut zoologique de l'Université de Munich, grand maître des recherches sur les abeilles, a observé un cas particulièrement extrême. Revenant à sa table d'expérience dans son jardin après une assez longue absence, il fut témoin de l'attaque d'une abeille, en train de lécher un pot de miel, par une lycose. Celle-ci lui arracha toute la partie postérieure ; mais, contre toute attente, la moitié antérieure de la victime resta aussi vivante qu'avant et continua de sucer le miel, bien que celui-ci tombât aussitôt par gouttes de la taille coupée. ../..
Chapitre 5 : Guerre et paix au royaume des termites
(Le secret des architectes termites - p96) ../.. Ce qui nous semble encore incompréhensible, c'est que ces petits êtres puissent concevoir un vaste plan de construction pour ériger leur immense bâtiment, alors qu'ils sont privés de la lumière du jour et n'ont aucun repère préalable. L'expérience suivante rend peut-être cette énigme plus troublante encore.
Avant même que les soldats, avec leur disposition en cercle, aient pu jalonner en quelque sorte et préparer le plan, les futures tranches de construction furent divisées en deux moitiés par un mur épais en tôle d'acier. Ainsi les termites placés d'un côté ne pouvaient entrer en contact avec leurs camarades de l'autre côté, ni par le son, ni par la vue, ni par l'odorat, ni par le toucher. Selon les normes humaines, ils étaient donc condamnés à se tromper dans leur travail. On pouvait au moins penser que la construction ne serait plus exactement symétrique, ou que les arcs de la coupole ne seraient pas contigus. Mais, à la grande surprise de tous, les termites se comportèrent comme si la tôle d'acier n'existait pas et l'englobèrent dans leur maçonnerie.
Le phénomène n'en apparaissait que plus énigmatique, et même aujourd'hui la science n'a pas la moindre base pour donner une explication plausible. ../..
Chapitre 6 : Dans les villes de chiens de prairie
(Un paradis fabuleux pour les enfants - p109-p110) ../.. Quand les jeunes chiens de prairie ont faim, ils ne recherchent pas longtemps leur mère. Ils se blottissent aussitôt contre le premier animal adulte qu'ils trouvent et essayent avidement de téter. La plupart du temps, ils tombent naturellement sur une étrangère, mais dans ce pays de cocagne, le lait coule en abondance. Peu importe que ce soit sa mère ou une autre femelle, quand le petit a faim et mendie sa nourriture, il a toujours à boire. ../.. Le soir, le petit n'a pas du tout envie de retourner sagement coucher chez sa mère. Là même où il vient de jouer, il descend s'installer dans un "lit" étranger et reçoit un accueil aimable de n'importe quelle famille, comme sa mère reçoit de son côté des visites d'enfants étrangers. Cette sollicitude pour leur postérité explique la très faible mortalité infantile des chiens de prairie. Dans tout un été, John King n'a enregistré qu'un décès sur 58 nouveau-nés. ../..
Chapitre 7 : Hôte des cynocéphales
(p122) ../.. En plein palabre, un éclaireur perché dans un arbre à proximité semble avoir vu quelque chose. Il descend rapidement, gesticule avec agitation, grogne, claque de la langue et fait des grimaces. Les autres l'ont manifestement compris, car la troupe se reforme très vite et file bon train.
Il s'agit de rejoindre un troupeau de trente impalas auprès desquelles les singes semblent les bienvenus : dès qu'elles les ont sentis, elles se hâtent de venir à leur rencontre. Quelle étrange amitié que celle de deux animaux aussi différents que les cynocéphales et les antilopes aux pâturons noirs !
Si curieux que cela puisse paraître, ces deux espèces d'animaux forment dans la savane une communauté sur laquelle aucun prédateur n'a de prise. Avec leurs excellents yeux, les singes, grimpés dans les arbres, découvrent les ennemis de fort loin. Mais, ceux qu'ils ne peuvent distinguer car ils sont trop bien camouflés dans l'herbe haute de la savane, ou cachés derrière des broussailles épaisses, sont découverts par les impalas grâce à leur sens olfactif exceptionnel. De plus, cynocéphales et antilopes comprennent mutuellement leurs signaux et leurs avertissements. Ils savent tout de suite l'espèce d'ennemi que le partenaire vient d'observer et quelles contre-mesures il faut prendre. ../..
(p134) ../.. Ces études sur la langue des singes sont étayées par une expérience qu'entreprirent, au début de 1962, des savants américains dans le jardin zoologique du Bronx, à New York. Alors que des nuages annonçant un orage couvraient le ciel, on a enregistré sur bande magnétique le bavardage de primates dans un enclos. Quelques jours après, par un beau soleil brillant, on a repassé la bande. Les animaux ont d'abord eu un mouvement de surprise, puis ils se sont précipités aussi vite que possible dans des coins abrités contre la pluie. Cet étonnant comportement montre qu'ils possèdent une vraie langue sonore et qu'ils ont compris sans difficulté leurs conversations précédentes sur le temps. ../..
(Babouins gardiens de chèvres - p135-p138) ../.. Dans la ferme de Otjiruse, près de Windhuk, la femelle babouin Ahla mène tous les jours un troupeau d'environ 80 chèvres au pâturage sans être ni surveillée ni accompagnée par un humain. Du reste ce n'est pas du tout un cas exceptionnel, ni un "singe prodige" car elle a eu déjà deux prédécesseurs dans sa fonction, dont l'un s'est acquitté pendant six ans avec le plus grand soin.
../.. Par-dessus le marché, les babouins n'ont même pas besoin d'apprendre leur rôle difficile. Ahla avait été capturée à l'âge de deux ans par les indigènes. Les trois premiers jours, elle vécut dans une stalle particulière du kraâl des chèvres avec les chevreaux nouveau-nés, et eut ainsi en abondance du lait à boire.
Bientôt elle suivit le troupeau de son propre gré quand celui-ci s'en allait au pâturage, le matin. Dès la première fois et sans que personne lui eût montré comment s'y prendre, elle sut s'entendre avec les chèvres et elle maintint l'ordre jusqu'au retour. Elle voyait d'emblée si le troupeau n'était pas au complet, par exemple quand certaines bêtes étaient allées se reposer à l'ombre d'un buisson. Alors elle montait vite sur le dos d'une grosse chèvre, ou dans un arbre, ce qui lui donnait rapidement une vue d'ensemble de la situation, puis ramenait le déserteur au troupeau en poussant des mugissements et des cris. A part cela, elle ne conduisait par le troupeau, elle l'accompagnait, et c'était toujours les chèvres elles-mêmes qui décidaient de la direction à prendre.
../.. Au bout de quelques jours, Ahla connaissait déjà les 80 chèvres individuellement. Si Mme Aston en achetait une nouvelle, il fallait qu'elle la lui présente, sinon "l'étrangère" était chassée sans pitié.
../.. Un jour, il se produisit un incident plus remarquable encore. Le matin de bonne heure, une demi-heure après avoir quitté la ferme, Ahla revient surexcitée et criant à tue-tête. Que se passait-il donc ? L'Ovambo qui trayait les chèvres avait oublié de laisser sortir du kraâl deux des chevreaux qui étaient allés brouter la veille pour la première fois avec les "grands". Quand Mme Aston se fut finalement aperçue de l'erreur, et l'eut corrigée, la diligente bergère se mit à la tête de sa petite arrière-garde, et l'emmena rejoindre le gros de la troupe en poussant sans cesse son "ho-ho-ho".
Le Dr. Hoesch écrit textuellement : "Quand Ahla revient le soir avec son troupeau, elle va tout d'abord avec les chèvres à l'abreuvoir, mais entre la première au kraâl et grimpe de là par une lucarne dans l'enclos des chevreaux. De son poste, elle ne peut pas voir mais seulement entendre les animaux adultes qui vont mettre une heure environ à rentrer tranquillement, l'un après l'autre, dans le kraâl principal.
Dès que, de l'intérieur de l'enclos, elle entend la voix d'une mère appelant son petit, elle saisit juste le bon, saute avec lui par la lucarne et le dépose contre le pis de la mère. Elle accomplit ce service sans se tromper, même quand plusieurs chèvres bêlent en même temps et que plusieurs chevreaux leur répondent... Elle porte même les petits à leur mère avant que l'un ou l'autre ait donné de la voix.
Elle connaît tous ses protégés sans que l'on ait réussi à savoir comment elle les distingue. Aucun indigène ni aucun Blanc ne serait capable de trouver ainsi, sans erreur, le bon chevreau, parmi une vingtaine de petites bêtes, souvent de la même couleur et du même âge. Chez Ahla une faute est inconcevable.
Ce zèle dont elle témoigne pour faire téter confine à la manie. Elle ne peut pas attendre patiemment. Si tous les petits sont auprès de leur mère, elle surveille l'opération et remet souvent à téter des chevreaux qui n'ont plus faim et qui s'écartent du pis. S'ils ne sont pas encore bien solides sur leurs pattes, elle les soutient ; s'ils sont rassasiés et que la pression du lait est encore trop forte, elle en boit un peu, mais n'en prend jamais autrement."
Une seule faille se glisse dans cette fidélité fanatique. Chaque fois que Mme Aston prend un chevreau à une mère qui vient d'en mettre trois au monde pour le donner à une autre qui n'en a qu'un, Ahla le rapporte toujours à la vraie mère, si loin soit-elle.
../.. Mais le plus étonnant est encore qu'Ahla, qui cherche elle-même sa nourriture dans les champs, n'a pas la moindre récompense pour ces actions d'éclat. On ne peut donc pas parler d'un dressage indirect. N'est-on pas déjà, chez cet animal, devant les premiers symptômes d'un acte guidé par la raison ?
Chapitre 10 : Le langage des oies, des sauterelles et d'autres animaux
(Une histoire d'amour chez les choucas - p169) ../.. Suit un échange de tendresses. Un murmure d'amour commence, bec contre bec, au cours duquel les adultes font entendre des sons tout à fait enfantins. Ces manifestations de tendresse demeureront inchangées pendant toute la vie des deux oiseaux, sans jamais diminuer d'intensité. Chaque réunion, fût-ce après une toute petite promenade, sera saluée jusqu'à leurs vieux jours par un "murmure d'amour" semblable au premier. Les choucas vivent aussi vieux que les hommes, mais comme ils se marient dès l'âge de deux ans, ils restent donc fidèles bien plus longtemps que nous. ../..
(La dictature du langage des odeurs - p179-p180) ../.. Les distances auxquelles les mâles sentent la présence d'une femelle nous paraissent inouïes. L'homme ne perçoit les odeurs subtiles qu'à quelques mètres de distance ; les bombyx du mûrier découvrent la trace de leurs femelles à plusieurs centaines de mètres.
Pour mesurer exactement à quelle distance le langage des odeurs est vraiment perceptible, les savants ont lâché des bombyx mâles d'un train en marche, à des intervalles réguliers. Au bout de 11 kilomètres de voyage, bon nombre de ces animaux retrouvaient encore le chemin de la cage tapissée de gaze dans laquelle étaient restées les femelles émettant des odeurs. A cette distance, il serait impossible de percevoir ces cris, et même des signaux optiques.
../.. Plus encore, ces rares molécules d'odeur qui viennent impressionner l'une ou l'autre des cellules nerveuses (40.000 au total) dans l'antenne du papillon mâle, déterminent avec une autorité dictatoriale le court temps de vie qui lui est accordé. Cette existence vraiment éthérée commence lorsque le papillon sort de sa chrysalide. Tout d'abord, il ne bouge presque pas, ne vole pas du tout, mais se repose dans un coin protégé.
Il a une bonne raison pour cela : pendant toute la durée de son existence, l'insecte ne vit que d'air et d'amour. A la différence de beaucoup d'autres espèces de papillons, il est incapable d'avaler la moindre goutte, le moindre fragment de quoi que ce soit. Quand la réserve fournie par la chrysalide est absorbée, la mort survient. S'il veut remplir à temps les tâches pour lesquelles il est venu au monde, il lui faut ménager ses forces. Des vols entrepris au hasard pour chercher femme seraient un gaspillage ridicule d'énergie. ../..
Chapitre 11 : Débats parlementaires chez les abeilles
(Le déchiffrage du langage des abeilles - p186) ../.. Par un beau jour de printemps, les deux filles du savant cachèrent un pot de miel dans leur grand jardin et, avec des rires amusés, lui demandèrent de le retrouver.
Il ouvrit sa ruche, l'observa pendant deux minutes environ et dit "direction nord-nord-ouest, distance 340 mètres." Il la mesura au pas et se trouva devant un buisson dans le feuillage duquel le bourdonnement des abeilles lui révéla la cachette du pot de miel.
Comment avaient-elles pu la lui indiquer si vite ? Les abeilles éclaireuses, qui venaient de découvrir le pot de miel, étaient très pressées de "raconter" la trouvaille à leurs camarades de la ruche et de les inviter à venir. C'est cette "conversation" que Karl von Frisch avait écoutée et comprise. ../..
Chapitre 13 : La boussole des animaux migrateurs
(p238) ../.. Des scènes bouleversantes se déroulent encore presque tous les jours actuellement sur les iles Bikini. La dernière bombe "H" y a explosé il y a 10 ans, mais le sol et l'eau sont toujours contaminés par la radioactivité, d'où des conséquences catastrophiques pour le comportement instinctif des animaux qui y vivent. Les tortues de mer sortent de l'eau à la saison de la ponte pour déposer leurs oeufs dans les trous sur la plage, après quoi elles retournent normalement par le plus court chemin dans leur élément. Mais maintenant leur sens de l'orientation est détruit. Pendant des semaines, ces colosses en armure se traînent dans tous les sens sur la terre sans pouvoir retrouver le chemin de la mer, s'égarent de plus en plus dans les déserts de sable que les explosions atomiques ont laissés derrière elles, et meurent par dizaines de milliers, lentement, douloureusement.
Dans les colonies d'oiseaux marins, des millions d'oeufs gisent, non couvés. Tous sont stériles, commencent à pourrir au bout de peu de temps et répandent une puanteur infernale sur l'archipel de la mort. D'autres oiseaux s'enterrent dans des monticules dont ils ne sortent pratiquement jamais.
Une espèce de dipneuste, qui vit dans les eaux des îles Bikini peut manifestement, ainsi que les étoiles de mer, percevoir les rayons radio-actifs et les reconnaître comme dangereux. Comme l'eau est plus contaminée que la terre, on trouve presque toujours ces poissons sur cette dernière, rampant même parmi les branchages des buissons et des arbres avec des mouvements de nageoires maladroits - image grotesque et macabre du comportement instinctif chaotique des animaux à la suite des retombées radio-actives et signal d'alarme pour l'humanité tout entière. ../..
(p257) ../.. Le professeur H. Precht et le Dr. Elke Lindenlaub ont fait, en 1954, l'expérience avec des chats : ils ont enfermé un de ces animaux dans un sac complètement opaque, chez eux, puis l'ont porté dans un laboratoire obscur après un tour de ville riche en détours. Là, ils l'ont lâché au milieu d'un labyrinthe comportant 24 sorties et attendu pour voir laquelle il allait choisir. Cette expérience fut ensuite répétée avec 142 autres chats.
La très grande majorité se glissa par une seule et même issue, celle qui se trouvait dans la direction de sa maison.
Elke Lindenlaub a obtenu des résultats semblables, en montant la même expérience avec des souris. Là aussi nous restons perplexes devant un phénomène qui semble se trouver au-delà de tous les sens humains. ../..
La couverture de l'édition 1965
La couverture de l'édition 1974
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire