La nuit des baleines
et autres aventures
parmi les chauves-souris,
les crocodiles, les manchots
et... les baleines
de Diane Ackerman
et autres aventures
parmi les chauves-souris,
les crocodiles, les manchots
et... les baleines
de Diane Ackerman
Sait-on que les chauves-souris sont des créatures très généreuses, merveilleux parents, et, d'un point de vue écologique, d'une importance capitale ? Sait-on, encore, que les crocodiles et les alligators sont cent fois plus anciens que l'homme, seuls survivants de l'époque des dinosaures ? Ou bien que les baleines utilisent la rime pour mémoriser leurs chants ? Que les manchots offrent des cadeaux à leur fiancée ?
Diane Ackerman, avec le sérieux scientifique et le style incisif qui l'ont imposée auprès des lecteurs, nous convie cette fois-ci à une magnifique célébration d'un monde animal inattendu. Qu'elle soit à califourchon sur le dos d'un alligator dans les marais de Floride, qu'elle nage avec les baleines dans les eaux glacées de Patagonie ou qu'elle reste impavide sous une averse de pipi de chauve-souris, elle fait un sort à bien des idées reçues à propos des animaux.
La nuit des baleines et autres aventures... est enfin une ode à l'homme et à l'harmonie qui peut régner entre les deux espèces.
La nuit des baleines, Diane Ackerman, Traduction : Alexandre Kalda, Editions Grasset, 1993, 304 pages
A propos de l'auteur
Diane Ackerman collabore au prestigieux "New Yorker". Poète et essayiste, elle est l'auteur du "Livre des sens" (Grasset, 1991).
Au sommaire
- Introduction
- Eloge des chauves-souris
- Les paupières de l'aube
- La lune et les baleines
- Lanternes blanches
Pour en savoir plus
- Le site des Editions Grasset
- Le naufrage de Noé, de Diane Ackerman
p23 [Dans une grotte] ./. Les chercheurs qui s'y aventurèrent portaient des masques à oxygène et des vêtements très ajustés. Non seulement ils risquaient de recevoir l'averse des crottes de chauves-souris suspendues au-dessus de leurs têtes (en certains endroits, 1800 adultes au mètre carré et, dans la crèche où se trouvent les petits, tout glabres et roses, une foule affamée et criaillante de quelque 5000 bébés au mètre carré), mais il y avait aussi les épaisses couches de guano poudreux, les larves rampantes des insectes, la chaleur infernale et les vapeurs intenses d'ammoniac. Une aubaine pour les chauves-souris que cet incubateur douillet. Pour elles, l'enfer serait d'essayer de vivre comme nous, dans des boîtes réfrigérées où nous n'avons ni air frais ni soleil et que nous encombrons d'obstacles et envahissons d'odeurs aussi irritantes que la menthe, le citron et l'eau de Javel. Et peut-être, tout comme moi, trouveraient-elles bizarre que nous nous nourrissions d'animaux démembrés qui n'ont plus rien d'animaux, bien que, paradoxalement, nous tenions à les faire cuire à la température de la proie vivante. ./.
p189 [Roger] "./. Nous nous apercevrons vite que ce ne sont pas seulement les mammifères qui ont des droits - les oiseaux en ont aussi, et les amphibies, les lézards, les insectes et aussi les plantes et le plancton et tout le reste, jusqu'à ce que la paix règne entre nous et les autres formes de vie sur terre. Et nous reconnaîtrons que nous ne sommes qu'une espèce parmi tant d'autres. C'est merveilleux d'y penser..."
p200 ./. De la hutte sur la falaise, je vis dans l'eau la même baleine et le même baleineau que j'avais vus plus tôt. Elle avait une grande blessure caractéristique au flanc. Et les callosités formaient comme des parenthèses sur sa tête. Un autre observateur ayant trouvé qu'elles ressemblaient à des crocs, on l'appelait Fang (Croc). Son nouveau baleineau était blotti contre elle. Ils avaient passé la matinée près du camp. Le soleil dessinait une voie scintillante sur la mer. A chaque fois que les baleines faisaient surface, des gouttes d'eau étincelaient autour d'elles.
Fang et son baleineau étaient juste au-dessous de moi. Mais la baie tout entière était une valse de mères et de petits. Les baleines franches ne sont grosses que pendant un an à peu près, ce qui semble bien court. Après tout, chez les éléphants, la femelle porte son petit pendant 22 mois, et les baleines sont plus grosses que les éléphants. Quand naît un éléphanteau, il doit se lever tout chancelant et se tenir sur ses pattes, alors qu'un baleineau peut passer directement du liquide amniotique du ventre de sa mère à la matrice de l'océan. Il n'a pas à se soutenir. Mammifères à sang chaud, les baleines, qui respirent comme nous, pourraient, en principe, vivre sur la terre ferme. Mais en ce cas, leur poids écraserait leurs organes. Il leur faut l'eau pour soutenir leur masse; c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les baleines échouées sur les rivages se portent si mal. Un baleineau n'ayant pas à se tenir debout, ses os sont si flexibles que l'on pourrait prendre une de ses côtes et la courber dans les deux sens comme du caoutchouc dur. Les bébés n'ont pratiquement pas de poids. On dirait qu'ils volent. Autre détail merveilleux à propos des mères et de leurs petits : une mère est elle-même faite d'eau à 97%. Quand elle parle, le son traverse directement l'eau, son corps et sa matrice, et son petit l'entend. Mais comme la matrice ne contient pas d'air, le bébé ne peut pas répondre. Le bébé doit attendre dans la matrice pendant un an, écouter patiemment, jusqu'au moment où il naît et peut enfin répondre.
Un nouveau-né ne quitte pas sa mère, il nage souvent de concert avec elle. Il arrive que la mère nage de façon à toucher le baleineau à chaque fois que sa queue entre en contact avec l'eau. Parfois, le bébé chahute un peu et se cogne dans sa mère, ou bien même lui grimpe sur le dos. Pour finir, elle perd patience et pour le punir, roule rapidement sur le dos alors qu'il s'apprête à lui rentrer dedans pour la énième fois. Puis, elle l'attrape par la queue et le maintient sous l'eau. Il postillonne, il ahane, il éternue, il tousse. Au bout d'un petit moment, elle le libère. Après quoi, tous deux nagent à nouveau de concert, et le baleineau ne s'aventure pas à recommencer ses galipettes. Les baleineaux affamés donnent des coups de tête dans leurs mères, leur grimpent dessus, font du toboggan sur leur dos pour les forcer à rouler sur elles-mêmes et à les allaiter. Il arrive qu'une mère apaise un baleineau trop remuant en se glissant sous lui ; elle se retourne pour le faire sortir de l'eau et le garder en équilibre sur sa poitrine en le tenant contre ses nageoires. De temps à autre, avec une nageoire de la taille d'un mur, elle caresse doucement son petit. ./.
p204 ./. Il approcha sa gueule du bateau, qu'il bouscula un peu. Passant la main par-dessus le plat-bord, je lui touchai délicatement la tête avec un doigt. Tout son corps tressaillit. Comment peut-il être sensible au point de percevoir le contact le plus léger d'un être humain ? me demandai-je. Et sa peau était étonnamment douce, pareille à de la peau de chamois. ./.
p214 ./. A l'extrémité sud de la baie, une baleine éleva la queue et la maintint en l'air en se laissant dériver sous le vent pendant cinq minutes. Puis, elle revint à son point de départ, en fit le tour, remit sa queue en l'air et se laissa de nouveau dériver sous le vent. De joie, Roger se donna une grande claque sur le genou. La baleine "faisait de la voile". Elle se servait de sa longue queue comme d'une toile et prenait le vent qui, assez fort, lui faisait traverser la baie. Ainsi les baleines franches voguent-elles parfois pendant une heure et demie sans s'arrêter; il semble que ce soit l'un de leurs sports préférés. On pourrait croire qu'il y a beaucoup d'animaux qui font la même chose, parce que ça économise les forces et que ça doit être amusant. Mais non. Les seuls autres animaux qui le fassent sont trois espèces de méduses. ./.
p222 ./. Une baleine qui dort culbute lentement sur le côté et peut même poser la tête sur le fond. Ou bien elle reste calmement étendue, comme un cadavre. Quand elle remonte à la surface pour respirer au coeur de son sommeil, elle s'élève avec la lenteur d'un rêve, fend l'eau, respire à plusieurs reprises et, sans même plonger, se laisse couler vers le fond. En Argentine, par temps calme, il arrive que les baleines franches dorment dans la matinée. Certaines semblent avoir la tête lourde et la queue légère. Résultat, elles piquent du nez, et leur queue sort de l'eau. Il est en revanche assez rare de voir dormir les baleines à bosse : elles flottent moins bien et coulent d'habitude très vite. Mais on n'a aucun mal à étudier le comportement des baleines franches : ce sont des baleines de surface. Elles sont si grasses qu'elles flottent dès qu'elles se détendent. Et elles passent beaucoup de temps le dos à l'air. Quand elles dorment à la surface, leur rythme respiratoire tombe de façon incroyable, leurs évents ne se referment pas entre deux respirations, ce qui fait qu'il leur arrive de ronfler. Au vrai, elles font en dormant des bruits merveilleux et grossiers de fin de repas. A leur réveil, elles s'étirent, ouvrent la bouche et bâillent. Quelquefois, elles élèvent la queue et la secouent. Puis, elles vaquent à leurs occupations. Elles dorment souvent si longtemps à la surface, quand il fait beau, qu'elles attrapent des coups de soleil dans le dos : et elles pèlent tout comme les humains, mais sur une échelle beaucoup plus vaste. La peau qui se détache de leur dos tombe dans la mer, où elle devient nourriture pour les oiseaux. Lorsqu'elles fendent l'eau, elles rejettent ainsi une grande quantité de peau. Ce que voyant, les mouettes arrivent à tire-d'aile. La queue perd peu de peau. Les mouettes le savent. Et quand une baleine se contente de frapper l'eau avec la queue, elles ne pipent pas.
Une mouette s'abattit, arracha un bout de peau dans le dos de Fang, et de douleur Fang secoua tout ensemble la tête et la queue, s'arc-bouta, puis plongea. La mouette vola vers deux autres baleines, non loin de là, les attaqua et repartit. Les mouettes de la baie avaient pris une étrange habitude. Au lieu d'attendre que les baleines perdent leur peau, elles se posaient sur leur échine et découpaient la peau et le blanc. ./. C'est ainsi que des baleines comme Fang étaient grêlées de cratères dus aux mouettes. Lorsqu'une mouette atterrissait sur le dos d'une baleine, celle-ci était prise de panique. Cette année, les baleines étant moins nombreuses dans la baie, Roger pensait que les mouettes de varech y étaient pour quelque chose. Les baleines devaient être dans d'autres baies, où les mouettes ne connaissaient pas encore le truc. ./.
p280 ./. Sur 100 manchots que nous voyons là, il n'y en a que 24 qui reviendront. Ils meurent souvent d'inanition. Les petits ne savent pas toujours s'y prendre pour pêcher. Ou bien leurs parents peuvent les laisser trop tôt. Ou les oeufs peuvent éclore trop tard dans la saison. Ou les petits ont des malformations. Ou ils sont trop malingres. Ou les sheatbills attaquent souvent les manchots quand ils nourrissent leurs petits. Mais ce n'est pas les petits qui les intéressent. C'est le krill que les parents ont rapporté. ./. Comme si cela ne suffisait pas encore, on a déjà trouvé des métabolites de DDT dans les tissus des manchots d'Adélie. L'ornithologue Roger Tory Peterson l'a fait remarquer : "Les manchots vont peut-être finir par nous servir de révélateur de la condition de la mer et d'indicateur de la santé de notre planète aqueuse."
Diane Ackerman, avec le sérieux scientifique et le style incisif qui l'ont imposée auprès des lecteurs, nous convie cette fois-ci à une magnifique célébration d'un monde animal inattendu. Qu'elle soit à califourchon sur le dos d'un alligator dans les marais de Floride, qu'elle nage avec les baleines dans les eaux glacées de Patagonie ou qu'elle reste impavide sous une averse de pipi de chauve-souris, elle fait un sort à bien des idées reçues à propos des animaux.
La nuit des baleines et autres aventures... est enfin une ode à l'homme et à l'harmonie qui peut régner entre les deux espèces.
La nuit des baleines, Diane Ackerman, Traduction : Alexandre Kalda, Editions Grasset, 1993, 304 pages
A propos de l'auteur
Diane Ackerman collabore au prestigieux "New Yorker". Poète et essayiste, elle est l'auteur du "Livre des sens" (Grasset, 1991).
Au sommaire
- Introduction
- Eloge des chauves-souris
- Les paupières de l'aube
- La lune et les baleines
- Lanternes blanches
Pour en savoir plus
- Le site des Editions Grasset
- Le naufrage de Noé, de Diane Ackerman
Quelques extraits choisis
Un passage du chapitre "Eloge des chauves-souris"
p23 [Dans une grotte] ./. Les chercheurs qui s'y aventurèrent portaient des masques à oxygène et des vêtements très ajustés. Non seulement ils risquaient de recevoir l'averse des crottes de chauves-souris suspendues au-dessus de leurs têtes (en certains endroits, 1800 adultes au mètre carré et, dans la crèche où se trouvent les petits, tout glabres et roses, une foule affamée et criaillante de quelque 5000 bébés au mètre carré), mais il y avait aussi les épaisses couches de guano poudreux, les larves rampantes des insectes, la chaleur infernale et les vapeurs intenses d'ammoniac. Une aubaine pour les chauves-souris que cet incubateur douillet. Pour elles, l'enfer serait d'essayer de vivre comme nous, dans des boîtes réfrigérées où nous n'avons ni air frais ni soleil et que nous encombrons d'obstacles et envahissons d'odeurs aussi irritantes que la menthe, le citron et l'eau de Javel. Et peut-être, tout comme moi, trouveraient-elles bizarre que nous nous nourrissions d'animaux démembrés qui n'ont plus rien d'animaux, bien que, paradoxalement, nous tenions à les faire cuire à la température de la proie vivante. ./.
Des passages du chapitre "La lune et les baleines"
p189 [Roger] "./. Nous nous apercevrons vite que ce ne sont pas seulement les mammifères qui ont des droits - les oiseaux en ont aussi, et les amphibies, les lézards, les insectes et aussi les plantes et le plancton et tout le reste, jusqu'à ce que la paix règne entre nous et les autres formes de vie sur terre. Et nous reconnaîtrons que nous ne sommes qu'une espèce parmi tant d'autres. C'est merveilleux d'y penser..."
p200 ./. De la hutte sur la falaise, je vis dans l'eau la même baleine et le même baleineau que j'avais vus plus tôt. Elle avait une grande blessure caractéristique au flanc. Et les callosités formaient comme des parenthèses sur sa tête. Un autre observateur ayant trouvé qu'elles ressemblaient à des crocs, on l'appelait Fang (Croc). Son nouveau baleineau était blotti contre elle. Ils avaient passé la matinée près du camp. Le soleil dessinait une voie scintillante sur la mer. A chaque fois que les baleines faisaient surface, des gouttes d'eau étincelaient autour d'elles.
Fang et son baleineau étaient juste au-dessous de moi. Mais la baie tout entière était une valse de mères et de petits. Les baleines franches ne sont grosses que pendant un an à peu près, ce qui semble bien court. Après tout, chez les éléphants, la femelle porte son petit pendant 22 mois, et les baleines sont plus grosses que les éléphants. Quand naît un éléphanteau, il doit se lever tout chancelant et se tenir sur ses pattes, alors qu'un baleineau peut passer directement du liquide amniotique du ventre de sa mère à la matrice de l'océan. Il n'a pas à se soutenir. Mammifères à sang chaud, les baleines, qui respirent comme nous, pourraient, en principe, vivre sur la terre ferme. Mais en ce cas, leur poids écraserait leurs organes. Il leur faut l'eau pour soutenir leur masse; c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les baleines échouées sur les rivages se portent si mal. Un baleineau n'ayant pas à se tenir debout, ses os sont si flexibles que l'on pourrait prendre une de ses côtes et la courber dans les deux sens comme du caoutchouc dur. Les bébés n'ont pratiquement pas de poids. On dirait qu'ils volent. Autre détail merveilleux à propos des mères et de leurs petits : une mère est elle-même faite d'eau à 97%. Quand elle parle, le son traverse directement l'eau, son corps et sa matrice, et son petit l'entend. Mais comme la matrice ne contient pas d'air, le bébé ne peut pas répondre. Le bébé doit attendre dans la matrice pendant un an, écouter patiemment, jusqu'au moment où il naît et peut enfin répondre.
Un nouveau-né ne quitte pas sa mère, il nage souvent de concert avec elle. Il arrive que la mère nage de façon à toucher le baleineau à chaque fois que sa queue entre en contact avec l'eau. Parfois, le bébé chahute un peu et se cogne dans sa mère, ou bien même lui grimpe sur le dos. Pour finir, elle perd patience et pour le punir, roule rapidement sur le dos alors qu'il s'apprête à lui rentrer dedans pour la énième fois. Puis, elle l'attrape par la queue et le maintient sous l'eau. Il postillonne, il ahane, il éternue, il tousse. Au bout d'un petit moment, elle le libère. Après quoi, tous deux nagent à nouveau de concert, et le baleineau ne s'aventure pas à recommencer ses galipettes. Les baleineaux affamés donnent des coups de tête dans leurs mères, leur grimpent dessus, font du toboggan sur leur dos pour les forcer à rouler sur elles-mêmes et à les allaiter. Il arrive qu'une mère apaise un baleineau trop remuant en se glissant sous lui ; elle se retourne pour le faire sortir de l'eau et le garder en équilibre sur sa poitrine en le tenant contre ses nageoires. De temps à autre, avec une nageoire de la taille d'un mur, elle caresse doucement son petit. ./.
p204 ./. Il approcha sa gueule du bateau, qu'il bouscula un peu. Passant la main par-dessus le plat-bord, je lui touchai délicatement la tête avec un doigt. Tout son corps tressaillit. Comment peut-il être sensible au point de percevoir le contact le plus léger d'un être humain ? me demandai-je. Et sa peau était étonnamment douce, pareille à de la peau de chamois. ./.
p214 ./. A l'extrémité sud de la baie, une baleine éleva la queue et la maintint en l'air en se laissant dériver sous le vent pendant cinq minutes. Puis, elle revint à son point de départ, en fit le tour, remit sa queue en l'air et se laissa de nouveau dériver sous le vent. De joie, Roger se donna une grande claque sur le genou. La baleine "faisait de la voile". Elle se servait de sa longue queue comme d'une toile et prenait le vent qui, assez fort, lui faisait traverser la baie. Ainsi les baleines franches voguent-elles parfois pendant une heure et demie sans s'arrêter; il semble que ce soit l'un de leurs sports préférés. On pourrait croire qu'il y a beaucoup d'animaux qui font la même chose, parce que ça économise les forces et que ça doit être amusant. Mais non. Les seuls autres animaux qui le fassent sont trois espèces de méduses. ./.
p222 ./. Une baleine qui dort culbute lentement sur le côté et peut même poser la tête sur le fond. Ou bien elle reste calmement étendue, comme un cadavre. Quand elle remonte à la surface pour respirer au coeur de son sommeil, elle s'élève avec la lenteur d'un rêve, fend l'eau, respire à plusieurs reprises et, sans même plonger, se laisse couler vers le fond. En Argentine, par temps calme, il arrive que les baleines franches dorment dans la matinée. Certaines semblent avoir la tête lourde et la queue légère. Résultat, elles piquent du nez, et leur queue sort de l'eau. Il est en revanche assez rare de voir dormir les baleines à bosse : elles flottent moins bien et coulent d'habitude très vite. Mais on n'a aucun mal à étudier le comportement des baleines franches : ce sont des baleines de surface. Elles sont si grasses qu'elles flottent dès qu'elles se détendent. Et elles passent beaucoup de temps le dos à l'air. Quand elles dorment à la surface, leur rythme respiratoire tombe de façon incroyable, leurs évents ne se referment pas entre deux respirations, ce qui fait qu'il leur arrive de ronfler. Au vrai, elles font en dormant des bruits merveilleux et grossiers de fin de repas. A leur réveil, elles s'étirent, ouvrent la bouche et bâillent. Quelquefois, elles élèvent la queue et la secouent. Puis, elles vaquent à leurs occupations. Elles dorment souvent si longtemps à la surface, quand il fait beau, qu'elles attrapent des coups de soleil dans le dos : et elles pèlent tout comme les humains, mais sur une échelle beaucoup plus vaste. La peau qui se détache de leur dos tombe dans la mer, où elle devient nourriture pour les oiseaux. Lorsqu'elles fendent l'eau, elles rejettent ainsi une grande quantité de peau. Ce que voyant, les mouettes arrivent à tire-d'aile. La queue perd peu de peau. Les mouettes le savent. Et quand une baleine se contente de frapper l'eau avec la queue, elles ne pipent pas.
Une mouette s'abattit, arracha un bout de peau dans le dos de Fang, et de douleur Fang secoua tout ensemble la tête et la queue, s'arc-bouta, puis plongea. La mouette vola vers deux autres baleines, non loin de là, les attaqua et repartit. Les mouettes de la baie avaient pris une étrange habitude. Au lieu d'attendre que les baleines perdent leur peau, elles se posaient sur leur échine et découpaient la peau et le blanc. ./. C'est ainsi que des baleines comme Fang étaient grêlées de cratères dus aux mouettes. Lorsqu'une mouette atterrissait sur le dos d'une baleine, celle-ci était prise de panique. Cette année, les baleines étant moins nombreuses dans la baie, Roger pensait que les mouettes de varech y étaient pour quelque chose. Les baleines devaient être dans d'autres baies, où les mouettes ne connaissaient pas encore le truc. ./.
Un passage du chapitre "Lanternes blanches"
p280 ./. Sur 100 manchots que nous voyons là, il n'y en a que 24 qui reviendront. Ils meurent souvent d'inanition. Les petits ne savent pas toujours s'y prendre pour pêcher. Ou bien leurs parents peuvent les laisser trop tôt. Ou les oeufs peuvent éclore trop tard dans la saison. Ou les petits ont des malformations. Ou ils sont trop malingres. Ou les sheatbills attaquent souvent les manchots quand ils nourrissent leurs petits. Mais ce n'est pas les petits qui les intéressent. C'est le krill que les parents ont rapporté. ./. Comme si cela ne suffisait pas encore, on a déjà trouvé des métabolites de DDT dans les tissus des manchots d'Adélie. L'ornithologue Roger Tory Peterson l'a fait remarquer : "Les manchots vont peut-être finir par nous servir de révélateur de la condition de la mer et d'indicateur de la santé de notre planète aqueuse."
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