De l’Antiquité à nos jours, de la découverte du gorille à celle des cultures des chimpanzés, cette fascinante histoire des relations entre hommes et grands singes dévoile les comportements surprenants des bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans et leur proximité avec notre espèce.
La croyance commune en la singularité de l’homme et sa séparation radicale d’avec les autres primates ne traduirait-elle pas en fait notre angoisse d’une régression vers la bestialité ? D’où vient cette notion d’une différence de nature et quels arguments scientifiques l’ont successivement alimentée ? Comment les grands singes ont-ils été constitués en objets de savoir et d’expérimentation, prétextes à discours sur les races et sur les femmes ? Et comment s’affirment-ils aujourd’hui en partenaires et semblables pour les humains ?
Petite histoire des grands singes, Chris Herzfeld, Editions du Seuil, 2012, 210 pages
A propos de l'auteur
Chris Herzfeld est philosophe des sciences et artiste. Spécialiste de l'histoire de la primatologie et des relations entre humains et grands singes, elle mène, depuis de nombreuses années, des travaux de terrain avec bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans, à travers le monde.
Pour en savoir plus
- Le site des Editions du Seuil
- Le site officiel de Chris Herzfeld
- Ce lien (PDF) pour découvrir les 28 premières pages du livre
- A écouter, cet entretien avec Chris Herzfeld, sur RFI
- La page Les cultures non-humaines
Au sommaire
Introduction
1. L'étrangeté du Même.
Hommes sauvages, simiens et êtres hybrides.
2. Quand le singe n'était qu'un crâne.
Expansion coloniale, collections d'histoire naturelle et classification.
3. Singes-cobayes.
Primates et recherche expérimentale.
4. Des anthropoïdes qui se prennent pour des humains.
Singes spationautes, singes peintres et singes parlants.
5. Socialités, traditions et cultures chez les primates.
Quand recule la frontière entre l'homme et l'animal.
6. Des femmes et des singes.
Sexe, genre et primatologie.
Devenir-humain...
A découvrir dans cette première histoire de la primatologie en français : des primates anthropoïdes qui regardent des couchers de soleil, des gorilles bipèdes, des chimpanzés qui écrivent, des orangs-outans qui font du troc et des bonobos qui peignent... Un monde véritablement fascinant et un regard philosophique sur la grande épopée des relations entre hommes et singes.
Comment le singe vint à l'homme ? Cette "Petite histoire des grands singes" interroge la fascinante histoire des relations entre Occidentaux et primates, scrute comment ils sont devenus des objets de discours savants et des rats de laboratoire. Elle prend également au sérieux une conduite longtemps perçue comme risible, mais qui, de l'Antiquité au XXIe siècle, a néanmoins captivé tous ceux qui ont fréquenté les simiens : leur capacité exceptionnelle d'imitation des comportements humains... Cette aptitude atteint un degré remarquable chez les espèces les plus proches de l'homme sur le plan phylogénétique : bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans. Quand ces espèces vivent en lien étroit avec les humains dans leur famille et leur maison, elles se réapproprient en effet, avec beaucoup de facilité, leurs habitudes, leurs savoir-faire et même leurs manières d'être-au-monde, expérimentant certaines formes de devenir-humain, cette notion faisant écho avec celle de "devenir-animal", proposée par Deleuze et Guattari dans "Mille Plateaux" (1980). Un "devenir-humain" fantastique par son étendue et sa densité... Certains anthropomorphes tracent ainsi des signes d'écriture, manifestent de la pudeur, peignent, admirent les couchers de soleil et vont jusqu'à se prendre pour des humains.
Cette brève histoire culturelle des idées savantes à propos des grands singes traverse différents champs, des philosophes de l'Antiquité aux encyclopédistes du Moyen-Age, des savants de la Renaissance aux nomenclateurs des Lumières (Premier chapitre), des collections muséales à l'expansion coloniale (Deuxième chapitre), de la biologie expérimentale à la théorie de l'esprit (Troisième chapitre), des recherches de terrain aux cultures animales (Cinquième chapitre), de la présence des femmes en primatologie aux études de genre (Sixième chapitre). Enfin, une attention spéciale est accordée aux grands singes qui cohabitent avec les humains (Quatrième chapitre). Davantage que sur la question des propres de l'Homme, sans cesse posée, l'accent sera donc mis sur les ressemblances entre humains et anthropoïdes, ainsi que sur la communauté essentielle qui les unit...
Héritière des femmes primatologues des années 1960, Chris Herzfeld détaille les raisons de leur présence sur le terrain.
Quand les hommes observent les primates, ils véhiculent des préjugés machistes, révèle un livre. Voila pourquoi les grandes stars de la discipline appartiennent au sexe dit faible.
King Kong bien sûr. Mais aussi les gorilles et Dian Fossey, incarnée à l'écran par Sigourney Weaver. Ou encore le chimpanzé de Max mon amour, de Nagisa Oshima, avec Charlotte Rampling. Dans l'imaginaire collectif, femmes et singes entretiennent une histoire singulière, qui fascine autant qu'elle inquiète la gent masculine. Tel est le point de départ d'une réflexion passionnante de Chris Herzfeld, auteur d'une "Petite Histoire des grands singes" (Ed. du Seuil).
Philosophe, primatologue mais aussi artiste, cette scientifique belge soulève avec acuité une question inédite: pourquoi les femmes ont-elles été à l'origine de la plupart des observations sur les primates, au détriment de leurs collègues du sexe dit fort?
Plus dévouées, elles poseraient moins de problèmes
L'explication est assez prosaïque: pour étudier correctement les "presque humains", il faut passer du temps sur le terrain. Beaucoup de temps. Or, aux prémices de la primatologie, dans les années 1960, les carrières se faisaient avant tout dans les universités, loin de la jungle. Pas question pour ces messieurs de s'enterrer à l'autre bout du monde. Mieux valait envoyer des collègues féminines - moins ambitieuses qu'eux, pensaient-ils - défier l'oubli...
De fait, les trois "figures" de la recherche en primatologie demeurent aujourd'hui encore Dian Fossey (dix-huit ans avec les gorilles de montagne au Rwanda), Jane Goodall (quinze ans en Tanzanie) et Biruté Galdikas (en Indonésie depuis vingt-neuf ans!).
Mais une autre idée était à l'oeuvre. Les femmes, plus dévouées, plus patientes et passionnées que leurs homologues virils, poseraient, pensait-on, moins de problèmes. En outre, aucun risque de voir les grands singes entrer en rivalité avec elles, à la différence de leurs collègues masculins. N'étaient-elles pas mieux à même, en outre, de décrypter la communication non verbale grâce à leurs compétences spécifiques et quasi innées de mères potentielles?
Des qualités qui ont fait naître des préjugés sexistes
Repérant le filon, la célèbre revue National Geographic exploita au maximum cette imagerie féminine. Dès le numéro d'août 1963, note Chris Herzfeld, le magazine mit en scène un bébé singe tendant la main à Jane Goodall. Une jolie femme blonde, Jane, "sorte de Grâce Kelly de la primatologie" propre à alimenter "les fantasmes occidentaux", commente la scientifique.
De leur côté, les hommes n'ont pas hésité pas à nourrir leurs observations sur le terrain de préjugés sexistes. Jusqu'à l'exemple, caricatural et pourtant repris par de nombreux spécialistes, de l'utilisation fréquente des morceaux de bois chez les grands singes: si c'est un mâle, il les manipule forcément pour en faire une arme. Si c'est une femelle, elle s'en sert, évidemment, "pour jouer à la poupée". Aux premiers, la domination, la capacité à créer des outils et la fonction de protection du groupe ; aux secondes, l'éducation des petits, la sociabilité et la soumission.
Tant pis si, dans la réalité, les choses se révèlent plus subtiles. Chez les bonobos, par exemple, l'agressivité n'est pas, loin s'en faut, le seul fait des mâles. De même, chez les babouins, la hiérarchie fine à l'intérieur de la tribu est dans les faits assurée par les femelles. Ces observations-là, vérifiées à de nombreuses reprises par des primatologues femmes, n'ont pas été mises en avant dans les revues scientifiques, quasiment toutes dirigées par un (et non pas une) responsable. En matière de sciences, la femme n'est toujours pas un homme comme les autres.
La croyance commune en la singularité de l’homme et sa séparation radicale d’avec les autres primates ne traduirait-elle pas en fait notre angoisse d’une régression vers la bestialité ? D’où vient cette notion d’une différence de nature et quels arguments scientifiques l’ont successivement alimentée ? Comment les grands singes ont-ils été constitués en objets de savoir et d’expérimentation, prétextes à discours sur les races et sur les femmes ? Et comment s’affirment-ils aujourd’hui en partenaires et semblables pour les humains ?
Petite histoire des grands singes, Chris Herzfeld, Editions du Seuil, 2012, 210 pages
A propos de l'auteur
Chris Herzfeld est philosophe des sciences et artiste. Spécialiste de l'histoire de la primatologie et des relations entre humains et grands singes, elle mène, depuis de nombreuses années, des travaux de terrain avec bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans, à travers le monde.
Pour en savoir plus
- Le site des Editions du Seuil
- Le site officiel de Chris Herzfeld
- Ce lien (PDF) pour découvrir les 28 premières pages du livre
- A écouter, cet entretien avec Chris Herzfeld, sur RFI
- La page Les cultures non-humaines
Au sommaire
Introduction
1. L'étrangeté du Même.
Hommes sauvages, simiens et êtres hybrides.
2. Quand le singe n'était qu'un crâne.
Expansion coloniale, collections d'histoire naturelle et classification.
3. Singes-cobayes.
Primates et recherche expérimentale.
4. Des anthropoïdes qui se prennent pour des humains.
Singes spationautes, singes peintres et singes parlants.
5. Socialités, traditions et cultures chez les primates.
Quand recule la frontière entre l'homme et l'animal.
6. Des femmes et des singes.
Sexe, genre et primatologie.
Devenir-humain...
A découvrir dans cette première histoire de la primatologie en français : des primates anthropoïdes qui regardent des couchers de soleil, des gorilles bipèdes, des chimpanzés qui écrivent, des orangs-outans qui font du troc et des bonobos qui peignent... Un monde véritablement fascinant et un regard philosophique sur la grande épopée des relations entre hommes et singes.
Comment le singe vint à l'homme ? Cette "Petite histoire des grands singes" interroge la fascinante histoire des relations entre Occidentaux et primates, scrute comment ils sont devenus des objets de discours savants et des rats de laboratoire. Elle prend également au sérieux une conduite longtemps perçue comme risible, mais qui, de l'Antiquité au XXIe siècle, a néanmoins captivé tous ceux qui ont fréquenté les simiens : leur capacité exceptionnelle d'imitation des comportements humains... Cette aptitude atteint un degré remarquable chez les espèces les plus proches de l'homme sur le plan phylogénétique : bonobos, chimpanzés, gorilles et orangs-outans. Quand ces espèces vivent en lien étroit avec les humains dans leur famille et leur maison, elles se réapproprient en effet, avec beaucoup de facilité, leurs habitudes, leurs savoir-faire et même leurs manières d'être-au-monde, expérimentant certaines formes de devenir-humain, cette notion faisant écho avec celle de "devenir-animal", proposée par Deleuze et Guattari dans "Mille Plateaux" (1980). Un "devenir-humain" fantastique par son étendue et sa densité... Certains anthropomorphes tracent ainsi des signes d'écriture, manifestent de la pudeur, peignent, admirent les couchers de soleil et vont jusqu'à se prendre pour des humains.
Cette brève histoire culturelle des idées savantes à propos des grands singes traverse différents champs, des philosophes de l'Antiquité aux encyclopédistes du Moyen-Age, des savants de la Renaissance aux nomenclateurs des Lumières (Premier chapitre), des collections muséales à l'expansion coloniale (Deuxième chapitre), de la biologie expérimentale à la théorie de l'esprit (Troisième chapitre), des recherches de terrain aux cultures animales (Cinquième chapitre), de la présence des femmes en primatologie aux études de genre (Sixième chapitre). Enfin, une attention spéciale est accordée aux grands singes qui cohabitent avec les humains (Quatrième chapitre). Davantage que sur la question des propres de l'Homme, sans cesse posée, l'accent sera donc mis sur les ressemblances entre humains et anthropoïdes, ainsi que sur la communauté essentielle qui les unit...
Héritière des femmes primatologues des années 1960, Chris Herzfeld détaille les raisons de leur présence sur le terrain.
Quand les hommes observent les primates, ils véhiculent des préjugés machistes, révèle un livre. Voila pourquoi les grandes stars de la discipline appartiennent au sexe dit faible.
King Kong bien sûr. Mais aussi les gorilles et Dian Fossey, incarnée à l'écran par Sigourney Weaver. Ou encore le chimpanzé de Max mon amour, de Nagisa Oshima, avec Charlotte Rampling. Dans l'imaginaire collectif, femmes et singes entretiennent une histoire singulière, qui fascine autant qu'elle inquiète la gent masculine. Tel est le point de départ d'une réflexion passionnante de Chris Herzfeld, auteur d'une "Petite Histoire des grands singes" (Ed. du Seuil).
Philosophe, primatologue mais aussi artiste, cette scientifique belge soulève avec acuité une question inédite: pourquoi les femmes ont-elles été à l'origine de la plupart des observations sur les primates, au détriment de leurs collègues du sexe dit fort?
Plus dévouées, elles poseraient moins de problèmes
L'explication est assez prosaïque: pour étudier correctement les "presque humains", il faut passer du temps sur le terrain. Beaucoup de temps. Or, aux prémices de la primatologie, dans les années 1960, les carrières se faisaient avant tout dans les universités, loin de la jungle. Pas question pour ces messieurs de s'enterrer à l'autre bout du monde. Mieux valait envoyer des collègues féminines - moins ambitieuses qu'eux, pensaient-ils - défier l'oubli...
De fait, les trois "figures" de la recherche en primatologie demeurent aujourd'hui encore Dian Fossey (dix-huit ans avec les gorilles de montagne au Rwanda), Jane Goodall (quinze ans en Tanzanie) et Biruté Galdikas (en Indonésie depuis vingt-neuf ans!).
Mais une autre idée était à l'oeuvre. Les femmes, plus dévouées, plus patientes et passionnées que leurs homologues virils, poseraient, pensait-on, moins de problèmes. En outre, aucun risque de voir les grands singes entrer en rivalité avec elles, à la différence de leurs collègues masculins. N'étaient-elles pas mieux à même, en outre, de décrypter la communication non verbale grâce à leurs compétences spécifiques et quasi innées de mères potentielles?
Des qualités qui ont fait naître des préjugés sexistes
Repérant le filon, la célèbre revue National Geographic exploita au maximum cette imagerie féminine. Dès le numéro d'août 1963, note Chris Herzfeld, le magazine mit en scène un bébé singe tendant la main à Jane Goodall. Une jolie femme blonde, Jane, "sorte de Grâce Kelly de la primatologie" propre à alimenter "les fantasmes occidentaux", commente la scientifique.
De leur côté, les hommes n'ont pas hésité pas à nourrir leurs observations sur le terrain de préjugés sexistes. Jusqu'à l'exemple, caricatural et pourtant repris par de nombreux spécialistes, de l'utilisation fréquente des morceaux de bois chez les grands singes: si c'est un mâle, il les manipule forcément pour en faire une arme. Si c'est une femelle, elle s'en sert, évidemment, "pour jouer à la poupée". Aux premiers, la domination, la capacité à créer des outils et la fonction de protection du groupe ; aux secondes, l'éducation des petits, la sociabilité et la soumission.
Tant pis si, dans la réalité, les choses se révèlent plus subtiles. Chez les bonobos, par exemple, l'agressivité n'est pas, loin s'en faut, le seul fait des mâles. De même, chez les babouins, la hiérarchie fine à l'intérieur de la tribu est dans les faits assurée par les femelles. Ces observations-là, vérifiées à de nombreuses reprises par des primatologues femmes, n'ont pas été mises en avant dans les revues scientifiques, quasiment toutes dirigées par un (et non pas une) responsable. En matière de sciences, la femme n'est toujours pas un homme comme les autres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire