Un monde hallucinant : l'élevage intensif.
Il est urgent que le Français qui mange chaque année 107kg de viande soit informé de la nature des produits qu'il consomme :
- Porcs placés dès leur naissance sous des bulles de plastique;
- Veaux immobilisés pour donner une viande plus blanche;
- Volailles débecquées pour permettre à l’éleveur de les entasser plus facilement;
- Et bientôt, peut-être, poulets sans cerveaux...
Au mépris de notre santé, mais pour le plus grand bénéfice des trusts agro-alimentaires qui organisent ce marché de la viande, cet élevage concentrationnaire est en train de se développer dans le plus grand secret.
Plus grave, ce système contribue à l’appauvrissement du tiers monde, puisque le tiers de la production mondiale des céréales actuellement utilisé pour l’élevage du bétail permettrait de nourrir 1 milliard et demi d’êtres humains.
Cette enquête, menée aussi bien dans les "usines à viande" qu’auprès des responsables, veut alerter l’opinion publique. Il faut que cesse ce grand massacre, l’une des expressions les plus hideuses de notre société.
Le grand massacre, Alfred Kastler, Michel Damien, Jean-Claude Nouet, Editions Fayard, 1981, 383 pages
A propos des auteurs
Alfred Kastler, prix Nobel, membre de l'Académie des sciences.
Jean-Claude Nouet, professeur à la faculté de médecine.
Michel Damien, journaliste.
Avant-propos
Animal ou objet ?
Nanterre. Une institutrice d'école maternelle demande un jour à ses élèves de dessiner une poule ou un coq. Les enfants âgés de cinq à six ans, qui apprendront bientôt à lire et à compter, semblent perplexes. Ce jeu leur paraît difficile. Une poule, un coq ?
Satisfait de son travail, un garçonnet au regard vif et aux boucles blondes apporte son dessin. Sur la feuille : des lignes noires enchevêtrées. Un second enfant remet un gribouillage différent mais aussi peu évocateur : un ovale tracé d'une main hésitante, et surchargé de zébrures vertes.
L'heure de la sortie approche. Les enfants commencent à courir entre les tables. Pourquoi s'obstiner ? L'institutrice s'interroge. A-t-elle posé une question claire ? Elle s'approche du garçonnet aux boucles blondes :
- Où as-tu vu des poules ? questionne-t-elle.
- A La Parisienne, maîtresse.
- A La Parisienne ?
- Oui, là où on vend de tout.
Le second dessin à la main, l'enseignante se dirige vers un petit Portugais. " Est-ce un œuf ?" demande-t-elle à l'enfant qui a tracé la forme ovoïde décorée de traits énigmatiques.
- Non, c'est un poulet, Thérèse.
- Je ne reconnais pas sa tête, ni ses pattes... Ses plumes n'ont pas de couleurs. Où sont ses pattes ?
- Dans le plastique.
- Et les plumes ?...
L'enfant s'immobilise, dérouté par tant de questions futiles, par le temps perdu à ne pas jouer, c'est-à-dire à se consacrer à des activités sérieuses. Son regard semble traduire, pendant un instant, l'étonnement face à l'immensité de l'ignorance de l'adulte.
Un claquement de mains, quelques mots prononcés à voix haute, et la maîtresse rassemble autour d'elle tous les enfants. En dix minutes, elle découvre que nombre d'enfants d'intelligence normale associent d'abord la notion de volaille à La Parisienne, supermarché du coin : les dessins mystérieux représentaient des poulets prêts à cuire, sans plumes, sous une pellicule de plastique, dans une barquette blanche.
Pour ces enfants, ces poulets sont des marchandises au même titre que le pain sous cellophane ou les paquets de lessive. Ils n'établissent aucun rapport entre eux et les animaux. Dans leur esprit, un poulet acheté à La Parisienne n'a jamais été vivant. Il n'est pas un animal. Ce n'est pas comme le chien de la directrice de l'école qui, à certains moments, a le droit de courir dehors, et de recevoir les caresses brutales de cinquante petites mains.
Les œufs ne sont pas pondus par les poules, mais l'on peut les acheter dans des boîtes en carton bleu, jaune, vert. D'où viennent-ils ? La Parisienne les fournit. C'est le travail des marchands.
Ont-ils jamais vu une poule debout sur ses pattes ? Les comptines traditionnelles chantées en choeur dans les écoles ont perdu leur signification. L'institutrice songe à l'une d'elles, et prononce les premières paroles reprises avec allant par les enfants :
Une poule sur un mur
Qui picote du pain dur
Picoti picota
Lève la queue
Et puis s'en va.
Seule une minorité d'enfants parvient à décrire ensuite la scène - ceux qui partent peut-être en week-end -, d'autres semblent la saisir d'intuition, plusieurs enfin demeurent rivés à La Parisienne où jamais une poule n'a picoré du pain dur sur un mur.
Les enfants d'aujourd'hui ne savent pas toujours qu'une poule est un animal. Mais une poule est-elle encore un animal dans un poulailler où sont appliquées les méthodes d'élevage intensif ? Si oui, ses congénères le seront-elles encore dans dix ans, dans vingt ans ? Notre enquête nous conduira peut-être à répondre par la négative, et à rejoindre ces enfants qui, ignorant la totalité de l'évolution des techniques modernes d'élevage, pourraient avoir exprimé une vérité.
Qu'est-ce qu'une poule, qu'est-ce qu'un animal ? Un vocabulaire est à redéfinir, à préciser. Jusqu'où s'étend la métamorphose qui atteint notre civilisation ? Personne ne le sait. En moins de vingt ans - la durée d'un clin d'oeil à l'échelle de l'Histoire - des termes et des connaissances traditionnels, que l'on croyait assimilés définitivement, ont été ébranlés, soufflés par l'explosion d'un nouveau mode de vie.
Il est urgent que le Français qui mange chaque année 107kg de viande soit informé de la nature des produits qu'il consomme :
- Porcs placés dès leur naissance sous des bulles de plastique;
- Veaux immobilisés pour donner une viande plus blanche;
- Volailles débecquées pour permettre à l’éleveur de les entasser plus facilement;
- Et bientôt, peut-être, poulets sans cerveaux...
Au mépris de notre santé, mais pour le plus grand bénéfice des trusts agro-alimentaires qui organisent ce marché de la viande, cet élevage concentrationnaire est en train de se développer dans le plus grand secret.
Plus grave, ce système contribue à l’appauvrissement du tiers monde, puisque le tiers de la production mondiale des céréales actuellement utilisé pour l’élevage du bétail permettrait de nourrir 1 milliard et demi d’êtres humains.
Cette enquête, menée aussi bien dans les "usines à viande" qu’auprès des responsables, veut alerter l’opinion publique. Il faut que cesse ce grand massacre, l’une des expressions les plus hideuses de notre société.
Le grand massacre, Alfred Kastler, Michel Damien, Jean-Claude Nouet, Editions Fayard, 1981, 383 pages
A propos des auteurs
Alfred Kastler, prix Nobel, membre de l'Académie des sciences.
Jean-Claude Nouet, professeur à la faculté de médecine.
Michel Damien, journaliste.
Avant-propos
Animal ou objet ?
Nanterre. Une institutrice d'école maternelle demande un jour à ses élèves de dessiner une poule ou un coq. Les enfants âgés de cinq à six ans, qui apprendront bientôt à lire et à compter, semblent perplexes. Ce jeu leur paraît difficile. Une poule, un coq ?
Satisfait de son travail, un garçonnet au regard vif et aux boucles blondes apporte son dessin. Sur la feuille : des lignes noires enchevêtrées. Un second enfant remet un gribouillage différent mais aussi peu évocateur : un ovale tracé d'une main hésitante, et surchargé de zébrures vertes.
L'heure de la sortie approche. Les enfants commencent à courir entre les tables. Pourquoi s'obstiner ? L'institutrice s'interroge. A-t-elle posé une question claire ? Elle s'approche du garçonnet aux boucles blondes :
- Où as-tu vu des poules ? questionne-t-elle.
- A La Parisienne, maîtresse.
- A La Parisienne ?
- Oui, là où on vend de tout.
Le second dessin à la main, l'enseignante se dirige vers un petit Portugais. " Est-ce un œuf ?" demande-t-elle à l'enfant qui a tracé la forme ovoïde décorée de traits énigmatiques.
- Non, c'est un poulet, Thérèse.
- Je ne reconnais pas sa tête, ni ses pattes... Ses plumes n'ont pas de couleurs. Où sont ses pattes ?
- Dans le plastique.
- Et les plumes ?...
L'enfant s'immobilise, dérouté par tant de questions futiles, par le temps perdu à ne pas jouer, c'est-à-dire à se consacrer à des activités sérieuses. Son regard semble traduire, pendant un instant, l'étonnement face à l'immensité de l'ignorance de l'adulte.
Un claquement de mains, quelques mots prononcés à voix haute, et la maîtresse rassemble autour d'elle tous les enfants. En dix minutes, elle découvre que nombre d'enfants d'intelligence normale associent d'abord la notion de volaille à La Parisienne, supermarché du coin : les dessins mystérieux représentaient des poulets prêts à cuire, sans plumes, sous une pellicule de plastique, dans une barquette blanche.
Pour ces enfants, ces poulets sont des marchandises au même titre que le pain sous cellophane ou les paquets de lessive. Ils n'établissent aucun rapport entre eux et les animaux. Dans leur esprit, un poulet acheté à La Parisienne n'a jamais été vivant. Il n'est pas un animal. Ce n'est pas comme le chien de la directrice de l'école qui, à certains moments, a le droit de courir dehors, et de recevoir les caresses brutales de cinquante petites mains.
Les œufs ne sont pas pondus par les poules, mais l'on peut les acheter dans des boîtes en carton bleu, jaune, vert. D'où viennent-ils ? La Parisienne les fournit. C'est le travail des marchands.
Ont-ils jamais vu une poule debout sur ses pattes ? Les comptines traditionnelles chantées en choeur dans les écoles ont perdu leur signification. L'institutrice songe à l'une d'elles, et prononce les premières paroles reprises avec allant par les enfants :
Une poule sur un mur
Qui picote du pain dur
Picoti picota
Lève la queue
Et puis s'en va.
Seule une minorité d'enfants parvient à décrire ensuite la scène - ceux qui partent peut-être en week-end -, d'autres semblent la saisir d'intuition, plusieurs enfin demeurent rivés à La Parisienne où jamais une poule n'a picoré du pain dur sur un mur.
Les enfants d'aujourd'hui ne savent pas toujours qu'une poule est un animal. Mais une poule est-elle encore un animal dans un poulailler où sont appliquées les méthodes d'élevage intensif ? Si oui, ses congénères le seront-elles encore dans dix ans, dans vingt ans ? Notre enquête nous conduira peut-être à répondre par la négative, et à rejoindre ces enfants qui, ignorant la totalité de l'évolution des techniques modernes d'élevage, pourraient avoir exprimé une vérité.
Qu'est-ce qu'une poule, qu'est-ce qu'un animal ? Un vocabulaire est à redéfinir, à préciser. Jusqu'où s'étend la métamorphose qui atteint notre civilisation ? Personne ne le sait. En moins de vingt ans - la durée d'un clin d'oeil à l'échelle de l'Histoire - des termes et des connaissances traditionnels, que l'on croyait assimilés définitivement, ont été ébranlés, soufflés par l'explosion d'un nouveau mode de vie.
2 commentaires:
Je suis auteure depuis 1987 (sortie de mon 1 er livre) et à ma confusion, je viens seulement de découvrir deux conférences du Pr Kastler.
Mon propos est sur l'alimentation bio, végétarienne, bien associée dans l'assiette. je suis obligée de reconnaître que mes sources découlent du Pr. Kastler, mais elles ont été reprises par d'autres qui n'ont pas cité leurs véritables sources.
Je vais donc ajouter l'œuvre de ce Monsieur dans mon 6 ème livre et conseiller le livre "Le grand Massacre".
J'aimerais, d'autre part, vous faire suivre ce 6ème livre pour l'édition. Comment puis-je vous le faire parvenir ?
Avec mes remerciements
Bonjour,
Pour me contacter, laissez-moi un commentaire avec votre adresse mail. Il ne sera pas publié mais cela me permettra ensuite de vous envoyer un mail.
Animalia
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