Le zoo des philosophes
De la bestialisation à l'exclusion
d'Armelle Le Bras-Chopard
De la bestialisation à l'exclusion
d'Armelle Le Bras-Chopard
L'objet de ce livre est de montrer comment le débat sur les différences entre l'homme et l'animal (1ère partie) et les caractères anthropomorphisés attribués à certaines espèces animales (2ème partie) ont pour but de renvoyer à l'animalité, présentée sous la forme péjorative de la bestialité, à des distinctions sexuelles raciales, ethniques, religieuses ou sociales (3ème partie).
En Occident, auquel nous nous cantonnerons, le discours religieux, philosophique, scientifique... n'a en effet rien de neutre. Le constat des différences entre l'homme et l'animal sert à prouver la supériorité de l'homme sur la bête et à justifier la domination de l'un, le sujet, sur l'autre, réduit à l'état d'objet. L'intention est claire dans les thèses dualistes qui posent une coupure radicale entre les essences humaine et animale et trouvent leur expression culminante dans la théorie de l'animal-machine de Descartes. Mais elle transpire aussi dans les thèses monistes qui, si elles affirment une continuité entre les deux ordres (continuité des espèces dans l'Antiquité, transformisme de Lamark puis évolutionnisme de Darwin...) et rejettent le principe d'une différence de nature, établissent une différence de degrés et posent l'homme au sommet de la hiérarchie. Si la controverse a de tout temps été très vive sur cette question de la nature de l'animal parce qu'elle renvoie à celle de la nature de l'homme, elle est ranimée ces dernières années, en particulier par les écologistes et les défenseurs des droits des animaux qui dénoncent cette façon anthropocentriste de définir l'animal par rapport au référent humain et ce droit à la domination qui en découle pour l'homme.
Le propos ne consiste pas ici à prendre partie dans ce débat qui suscite aujourd'hui une abondante littérature visant à réhabiliter l'animal, mais à comprendre comment le discours sur l'animal, s'il sert d'abord à légitimer les rapports jugés iniques entre l'homme et l'animal, n'est en fait qu'un détour pour introduire des discriminations à l'intérieur de l'humanité.
Le zoo des philosophes, Armelle Le Bras-Chopard, Editions Pocket, 2002, 390 pages
Une autre présentation du livre
Comment l'affirmation de la suprématie de l'homme sur l'animal, dans l'idéologie occidentale, a-t-elle servi à légitimer d'autres dominations et discriminations à l'intérieur de l'humanité ? Telle est l'interrogation soulevée par cet ouvrage. L'auteur ne présente pas une dénonciation de type écologique des traitements iniques infligés à nos "frères inférieurs", mais l'analyse du processus qui conduit à extraire de l'humanité des êtres humains et à les traiter comme des bêtes. Cette opération de "bestialisation" provoque la "diabolisation" "d'espèces" entières de populations : les femmes, les Barbares, le peuple, l'autre... Certains propos, pudiquement oubliés, des plus grands penseurs pourraient prêter à sourire s'ils n'avaient préparé ou accompagné des pratiques d'exclusion parfois meurtrières.
Qu'est-ce qu'un animal ? On peut répondre à cette question en zoologue. On peut aussi interroger les représentations culturelles de l'animalité et la manière dont elles ont contribué à définir l'humanité. L'animal est en effet pour l'homme un proche dans l'aventure biologique de la vie, un être familier qui partage son quotidien et son imaginaire, et en même temps un étranger, un autre qui effraie, qui menace, qu'il faut dominer, dresser, tuer. Si l'humain a bien voulu s'avouer animal, ce fut toujours au nom d'une animalité supérieure, dépassant la condition ordinaire des bêtes. Comme s'il était nécessaire, pour que l'homme se sente homme, qu'il dégrade l'animal et aille jusqu'à en faire une sorte d'envers inquiétant de lui-même. De l'animal au monstre, la différence n'est que de degrés. Est-ce un hasard si la plupart des pratiques et des discours de discrimination, à l'intérieur même de l'espèce humaine, ont consisté à bestialiser celles et ceux qu'il s'agissait d'éliminer, de dominer ou d'exploiter ?
C'est la relation très ambivalente de l'homme à l'animal qu'explore Armelle Le Bras-Chopard. Où l'on apprend que, nonobstant l'amour qu'on leur porte, c'est la haine qui domine notre rapport aux bêtes.
A propos de l'auteur
Armelle Le Bras-Chopard, professeur agrégée de science politique, est depuis 2000 chargée de mission pour l'égalité des chances femmes/hommes dans l'enseignement supérieur au ministère de l'Education nationale. Elle a publié plusieurs ouvrages dont 'La Guerre : Théories et idéologies' (Montchrestien), 'Les femmes et la politique' (L'Harmattan) et 'Le zoo des philosophes' (Plon) qui a remporté le prix Médicis du meilleur essai en 2000.
Au sommaire
- La main leste
- Le corps politique
- Les monstres
Quelles espèces humaines envoyées au zoo ?
Les femmes, molles ébauches
- Les Barbares
- Le peuple dans tous ses états
- Tous des dieux ?
Pour en savoir plus
- Le site des Editions Plon
- Un éternel Treblinka, de Charles Patterson
- Ethique animale, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
- Philosophie animale, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Hicham-Stéphane Afeïssa
- Animaux et philosophes, de Lucien Malson
- Animalement vôtre : Procès d'animaux, Histoires d'hommes, de Chantal Knecht
A l'heure où à hue et à dia les journaux de France s'égaient d'une expression colorée, chasse à l'homme, le retour d'Armelle Le Bras-Chopard sur les rapports que le genre humain entretient avec ses proches étrangers, les animaux, possède une cinglante acuité. Sa thèse : sans l'idée que nous avons appris à nous faire des bêtes, nous ne pourrions pas penser à l'identique la cruauté, la ségrégation, l'exclusion.
De là, par les voies de la réflexion théologique, philosophique et politique, une étude qui en dernier ressort apparaît sémiotique et morale. Il s'agit de penser le cheminement historique d'une contamination du langage et de l'esprit humain par des idées et des images qui associent à l'animal, cette figure première de l'altérité, une culpabilité, une infériorité et finalement une nullité ontologique. En particulier sont examinées plusieurs théories formulées par de grands auteurs de l'Antiquité classique, de la religion chrétienne ou du XVIIeme siècle. D'un bout à l'autre de cet essai, la bestialisation de l'animal par la représentation humaine est envisagée comme la perle séminale d'où coule le flot des barbaries et des injustices.
Par son souci de souligner l'imbrication naturelle des sciences de l'homme et des paroles faciles qui peuplent nos sentences, Armelle Le Bras-Chopard installe en quelque sorte la bibliothèque dans la rue, et semble recourir au dictionnaire comme d'autres hèlent un taxi ou cherchent un arrêt de bus : en toute simplicité et en toute liberté - d'où le prix Médicis de l'essai 2000 -, pour répondre ici et maintenant à un besoin réel.
Cette humaine haine de l'animal, Armelle Le Bras-Chopard s'attache à l'ouvrir comme une poupée russe, pour mettre à jour sous elle une solide peur du corps, ce corps dont l'animal serait l'expression pure, puisqu'il est réputé vide de pensées. Un faisceau de raisons convergentes amène alors par extension le regard de l'universitaire à se porter sur un autre vis-à-vis de l'homme : la Femme. Faut-il alors qu'il nous en souvienne ? Chaque homme descend d'une femme !
Un demi-siècle après le cri du Castor cher à Jean-Paul Sartre, une femme donc affirme et prouve qu'on ne naît pas animal : on le devient. Où nous finirons peut-être, un jour, tous, par comprendre pourquoi les femmes, jusqu'aux très belles parmi les plus belles, consacrent tant d'énergie à plaider la cause des animaux, à refuser tout net que ceux-ci soient enveloppés d'un mâle et souverain mépris.
Emma Le Clair
En Occident, auquel nous nous cantonnerons, le discours religieux, philosophique, scientifique... n'a en effet rien de neutre. Le constat des différences entre l'homme et l'animal sert à prouver la supériorité de l'homme sur la bête et à justifier la domination de l'un, le sujet, sur l'autre, réduit à l'état d'objet. L'intention est claire dans les thèses dualistes qui posent une coupure radicale entre les essences humaine et animale et trouvent leur expression culminante dans la théorie de l'animal-machine de Descartes. Mais elle transpire aussi dans les thèses monistes qui, si elles affirment une continuité entre les deux ordres (continuité des espèces dans l'Antiquité, transformisme de Lamark puis évolutionnisme de Darwin...) et rejettent le principe d'une différence de nature, établissent une différence de degrés et posent l'homme au sommet de la hiérarchie. Si la controverse a de tout temps été très vive sur cette question de la nature de l'animal parce qu'elle renvoie à celle de la nature de l'homme, elle est ranimée ces dernières années, en particulier par les écologistes et les défenseurs des droits des animaux qui dénoncent cette façon anthropocentriste de définir l'animal par rapport au référent humain et ce droit à la domination qui en découle pour l'homme.
Le propos ne consiste pas ici à prendre partie dans ce débat qui suscite aujourd'hui une abondante littérature visant à réhabiliter l'animal, mais à comprendre comment le discours sur l'animal, s'il sert d'abord à légitimer les rapports jugés iniques entre l'homme et l'animal, n'est en fait qu'un détour pour introduire des discriminations à l'intérieur de l'humanité.
Le zoo des philosophes, Armelle Le Bras-Chopard, Editions Pocket, 2002, 390 pages
Une autre présentation du livre
Comment l'affirmation de la suprématie de l'homme sur l'animal, dans l'idéologie occidentale, a-t-elle servi à légitimer d'autres dominations et discriminations à l'intérieur de l'humanité ? Telle est l'interrogation soulevée par cet ouvrage. L'auteur ne présente pas une dénonciation de type écologique des traitements iniques infligés à nos "frères inférieurs", mais l'analyse du processus qui conduit à extraire de l'humanité des êtres humains et à les traiter comme des bêtes. Cette opération de "bestialisation" provoque la "diabolisation" "d'espèces" entières de populations : les femmes, les Barbares, le peuple, l'autre... Certains propos, pudiquement oubliés, des plus grands penseurs pourraient prêter à sourire s'ils n'avaient préparé ou accompagné des pratiques d'exclusion parfois meurtrières.
Qu'est-ce qu'un animal ? On peut répondre à cette question en zoologue. On peut aussi interroger les représentations culturelles de l'animalité et la manière dont elles ont contribué à définir l'humanité. L'animal est en effet pour l'homme un proche dans l'aventure biologique de la vie, un être familier qui partage son quotidien et son imaginaire, et en même temps un étranger, un autre qui effraie, qui menace, qu'il faut dominer, dresser, tuer. Si l'humain a bien voulu s'avouer animal, ce fut toujours au nom d'une animalité supérieure, dépassant la condition ordinaire des bêtes. Comme s'il était nécessaire, pour que l'homme se sente homme, qu'il dégrade l'animal et aille jusqu'à en faire une sorte d'envers inquiétant de lui-même. De l'animal au monstre, la différence n'est que de degrés. Est-ce un hasard si la plupart des pratiques et des discours de discrimination, à l'intérieur même de l'espèce humaine, ont consisté à bestialiser celles et ceux qu'il s'agissait d'éliminer, de dominer ou d'exploiter ?
C'est la relation très ambivalente de l'homme à l'animal qu'explore Armelle Le Bras-Chopard. Où l'on apprend que, nonobstant l'amour qu'on leur porte, c'est la haine qui domine notre rapport aux bêtes.
A propos de l'auteur
Armelle Le Bras-Chopard, professeur agrégée de science politique, est depuis 2000 chargée de mission pour l'égalité des chances femmes/hommes dans l'enseignement supérieur au ministère de l'Education nationale. Elle a publié plusieurs ouvrages dont 'La Guerre : Théories et idéologies' (Montchrestien), 'Les femmes et la politique' (L'Harmattan) et 'Le zoo des philosophes' (Plon) qui a remporté le prix Médicis du meilleur essai en 2000.
Au sommaire
Qu'est-ce qu'un animal ? Un non-humain
Ou comment la bête est définie par ce qu'elle n'a pas
- La tête hauteOu comment la bête est définie par ce qu'elle n'a pas
- La main leste
- Le corps politique
Quels animaux dans le zoo ?
Les animaux domestiques
- Les bêtes sauvagesLes animaux domestiques
- Les monstres
Quelles espèces humaines envoyées au zoo ?
Les femmes, molles ébauches
- Les Barbares
- Le peuple dans tous ses états
- Tous des dieux ?
Pour en savoir plus
- Le site des Editions Plon
- Un éternel Treblinka, de Charles Patterson
- Ethique animale, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
- Philosophie animale, de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Hicham-Stéphane Afeïssa
- Animaux et philosophes, de Lucien Malson
- Animalement vôtre : Procès d'animaux, Histoires d'hommes, de Chantal Knecht
A l'heure où à hue et à dia les journaux de France s'égaient d'une expression colorée, chasse à l'homme, le retour d'Armelle Le Bras-Chopard sur les rapports que le genre humain entretient avec ses proches étrangers, les animaux, possède une cinglante acuité. Sa thèse : sans l'idée que nous avons appris à nous faire des bêtes, nous ne pourrions pas penser à l'identique la cruauté, la ségrégation, l'exclusion.
De là, par les voies de la réflexion théologique, philosophique et politique, une étude qui en dernier ressort apparaît sémiotique et morale. Il s'agit de penser le cheminement historique d'une contamination du langage et de l'esprit humain par des idées et des images qui associent à l'animal, cette figure première de l'altérité, une culpabilité, une infériorité et finalement une nullité ontologique. En particulier sont examinées plusieurs théories formulées par de grands auteurs de l'Antiquité classique, de la religion chrétienne ou du XVIIeme siècle. D'un bout à l'autre de cet essai, la bestialisation de l'animal par la représentation humaine est envisagée comme la perle séminale d'où coule le flot des barbaries et des injustices.
Par son souci de souligner l'imbrication naturelle des sciences de l'homme et des paroles faciles qui peuplent nos sentences, Armelle Le Bras-Chopard installe en quelque sorte la bibliothèque dans la rue, et semble recourir au dictionnaire comme d'autres hèlent un taxi ou cherchent un arrêt de bus : en toute simplicité et en toute liberté - d'où le prix Médicis de l'essai 2000 -, pour répondre ici et maintenant à un besoin réel.
Cette humaine haine de l'animal, Armelle Le Bras-Chopard s'attache à l'ouvrir comme une poupée russe, pour mettre à jour sous elle une solide peur du corps, ce corps dont l'animal serait l'expression pure, puisqu'il est réputé vide de pensées. Un faisceau de raisons convergentes amène alors par extension le regard de l'universitaire à se porter sur un autre vis-à-vis de l'homme : la Femme. Faut-il alors qu'il nous en souvienne ? Chaque homme descend d'une femme !
Un demi-siècle après le cri du Castor cher à Jean-Paul Sartre, une femme donc affirme et prouve qu'on ne naît pas animal : on le devient. Où nous finirons peut-être, un jour, tous, par comprendre pourquoi les femmes, jusqu'aux très belles parmi les plus belles, consacrent tant d'énergie à plaider la cause des animaux, à refuser tout net que ceux-ci soient enveloppés d'un mâle et souverain mépris.
Emma Le Clair
Le zoo des philosophes, Armelle Le Bras-Chopard,
Editions Plon, 2000, 396 pages
Editions Plon, 2000, 396 pages
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